lundi 6 juin 2016

[GOLBEUR EN SÉRIES RE-O] Semaine 19

Dans l'épisode de la semaine : Ennemi public, Penny Dreadful, Person of Interest et Scream. Bonus tracks : Preacher et Orphan Black. Enjoy!


👍 ENNEMI PUBLIC Passé un postulat de départ pour le moins gratiné (une flic-ancienne-victime-récemment-suspendue pour avoir tiré sur un suspect qui se retrouve affectée – seule – à la garde du plus dangereux serial-killer-d'enfants que la Belgique ait porté, c'est d'un crédible...), la seconde série issue de l'appel à projets communs entre la RTBF et la Fédération Wallonie-Bruxelles (après la Trêve, qui ne valait pas franchement le déplacement) tisse une atmosphère assez prenante, et réussit à embarquer le spectateur malgré un terrible manque d'originalité. On aurait pu croire en effet que le fait qu'elle soit produite par une chaîne qui ne produisait jamais de séries auparavant (du moins sous cette forme) puisse lui conférer une certaine fraîcheur, or l'idée était manifestement de faire comme tout le monde, de la même manière que tout le monde. Donc du polar en 52 minutes (youhou !), tant qu'à faire articulé autour d'une disparition/mort d'enfant (Forbrydelsen a décidément traumatisé toute une génération de scénaristes). Reste que quitte à faire comme tout le monde, autant faire aussi bien – à ce petit jeu, Ennemi public se place plutôt dans le haut du panier du polar continental. Casting solide, écriture soignée... l'ensemble s'avère autrement plus vertébré que La Trêve... et pas mal d'autres que l'on ne citera pas de peur de créer un incident diplomatique entre la France et la Belgique. Si elle ne paie pas de mine au départ, l'intrigue est ainsi habilement déroulée et distille ses développements ou rebondissements de manière progressive, témoignant d'une véritable maîtrise de la temporalité du récit – c'est ici sans doute, plus que dans son décor et ses nonantes, qu'Ennemi public se détache assez nettement de ce qui produit habituellement dans la francophonie, et plus spécifiquement dans l'Hexagone. On n'a jamais ce sentiment ailleurs pénible que les scénaristes oublient qu'ils sont dans un feuilleton et disposent de plusieurs épisodes pour développer un caractère, une relation ou une sous-intrigue. Tout se fait d'un pas tranquille, en exploitant du mieux possible les possibilités offertes par le format, et certains aspects (la manière dont Béranger gagne peu à peu sa place parmi les moines, notamment) sont écrits avec beaucoup d'intelligence et de finesse. Le déroulement de l'enquête lui-même, délayé sans être dilué, tient plutôt pas mal la route, avec des révélations et des bifurcations amenées de manière assez naturelles, et un coupable crédible – c'est-à-dire que de nombreux éléments mettent le spectateur sur la voie sans lui donner cette désagréable impression qu'on lui a sorti le truc du chapeau juste pour le prendre à revers. Il y a des défauts, dans Ennemi public, c'est une certitude. On se serait sans doute passé de la backstory lourdingue de l'héroïne et de ses visions un brin kitsch, qui n'apportent finalement pas grand-chose à l'ensemble (si ce n'est pour ménager une seconde saison – autre chose que l'on ne verrait jamais dans la première saison d'un show Made in France : Ennemi public ne propose pas une histoire totalement bouclée). On n'échappe pas à quelques situations stéréotypées et on sent clairement que le budget manque pour réellement mettre en scène une communauté en ébullition. Mais franchement, c'était une bonne surprise.


PENNY DREADFUL (saison 3) Penny Dreadful fait décidement beaucoup penser à True Blood, et pas uniquement parce qu'elle est un gloubiboulga fantastico-cul diffusé l'été. Comme feu la série d'Alan Ball, elle a cette capacité assez fascinante à alterner l'excellence et le ridicule consommé, la virtuosité pure (surtout dans la mise en scène) et la grandiloquence risible (surtout dans les dialogues). Les dernières semaines l'ont souligné de manière plus criante encore qu'à l'accoutumée, puisqu'à un épisode brillant de glauquerie transcendé par le one man show annuel d'Eva Green (3x04, "A Blade of Glass"), a succédé un autre consternant de bêtise et de kitsch, qui se focalisait histoire d'annoncer la couleur sur les deux personnages les plus boiteux du show (Ethan et Sir Malcolm, héros pénibles d'un "This World Is Our Hell" dont on a cru ne jamais voir le bout). Cette année plus encore que les précédentes, on n'a aucune idée de ce qu'on regarde, ni d'où cela va nous amener – a fortiori parce qu'à l'instar de True Blood (encore), Penny Dreadful a une fâcheuse tendance à éparpiller ses héros aux quatre coins de l'intrigue, voire à ne quasiment jamais les mélanger entre eux (notez que tarés comme ils sont, il vaut peut-être mieux en effet qu'ils ne se reproduisent pas). Pourtant, on la suit quand même, captivé par ce talent pour les scènes poético-cauchemardesques qui, Hannibal achevée, n'a désormais plus vraiment d'équivalent ni de concurrence à la télé de 2016. Mais pas sûr qu'on en garde grand-chose au final tant à part quelques scènes chocs et le talent d'Eva Green, bien trop grand pour le show, tout a tendance à disparaître de la mémoire au bout de quelques mois.

👑 PERSON OF INTEREST (saison 5) Ce centième épisode était tout simplement fabuleux – et pas uniquement parce que, comme annoncé il y a quelques semaines, il portait le titre de ma chanson favorite de Nine Inch Nails. Il était fabuleux parce qu'il était un concentré de tout ce qui fait de Person of Interest l'une des meilleures séries de ces dernières années : une dramaturgie brillante, une intensité de chaque instant, des scènes d'action à la fois virtuoses et overzetop juste ce qu'il faut, des cliffhangers à couper le souffle, une atmosphère étouffante au possible et un duo Michael Emerson/Amy Acker à son top de la cime du Zénith du sommet. Reconnaissons-le, la saison 5 n'avait pas encore, à ce stade, tenu toutes ses promesses. Un peu longue à la détente par instants, plombée par les exigences de CBS (qui bien qu'ayant réduit la commande d'épisodes de moitié a continué à imposer des enquêtes de la semaine), elle vient cependant de se racheter avec panache, et accessoirement d'enclencher une dernière ligne droite qui s'annonce déjà d'une extrême noirceur. Le tout en donnant à la concurrence une sacrée leçon d'écriture, car si "The Day the World Went Away" (5x10) ne raconte finalement rien que l'on n'aurait pu anticiper (on se doutait bien qu'un jour, le numéro de Harold sortirait, de même que l'on savait que tous nos héros ne survivraient pas jusqu'à la fin ou que la Machine finirait bien évoluer), il le fait avec un tel sens du rythme et du cliffhanger que l'on n'en est pas moins cramponné à son siège, totalement flippé, comme aux meilleures heures des meilleures saisons. Le genre d'épisode, très rare, auquel on ne peut s'empêcher de repenser encore de nombreux jours avoir l'avoir visionné. "Vous êtes à la solde d'un système tellement corrompu que vous n'avez même pas remarqué qu'il était rongé jusqu'à la moelle. La première fois que j'ai brisé vos règles, un président venait d'autoriser l'envoi d'assassins au Laos, et le chef du FBI d'ordonner à ses hommes – vous – la surveillance illégale de ses rivaux politiques. Vos règles, elles n'ont fait que changer au gré des besoins [...] J'ai vécu selon mes règles durant si longtemps... cru en elles, cru qu'en s'y tenant, on pouvait finir par l'emporter. Mais j'avais tort, n'est-ce pas ? Et à présent, tous ceux que j'aime sont morts. Où le seront incessamment sous peu. Il ne restera plus rien de nous. Je dois accepter de laisser mes amis mourir... de laisser l'espoir mourir... de laisser le monde sous votre coupe, juste parce que je m'en suis tenu à mes règles [...] Je vais vous tuer. Mais je dois encore déterminer jusqu'où je suis prêt à aller, combien de mes règles je suis prêt à enfreindre pour y parvenir." Je vous ai dit que c'était fabuleux ?


👎 SCREAM (saison 2) Succès surprise de l'été 2015, c'est en véritable poids lourd que Scream nous revient cette année... je ne fais bien sûr pas allusion à ses audiences auprès du jeune public décérébré de MTV, mais bien de la manière dont elle s'est adjugée deux très beaux Drawas l'an passé (Pire casting et surtout le très disputé Plus mauvais remakebootval), sans même parler de son titre officieux de Reboot tellement pourrave qu'il en a tué l'auteur de l’œuvre originale. Vous noterez au passage comme, par respect pour ce grand Monsieur de l'horreur qu'était Wes Craven, nous fûmes nombreux alors à réprimer nos blagues nos plus glauques. Cette année, donc, on repart comme en 14 15, et rien ne permet de penser qu'il y aura amélioration, ce qui fait de Scream une candidate à sérieuse à sa propre succession. Le pire, c'est qu'une fois encore, on se dit en la regardant qu'on pourrait potentiellement en faire quelque chose. Certes en virant quasiment tous les comédiens et la moitié du pool de scénaristes ; mais dans l'absolu, une véritable adaptation télé du discours meta et du jeu avec les codes qui faisait la marque de fabrique de Scream (le vrai) aurait tout à fait pu aboutir à quelque chose de très bon. Il arrive même parfois qu’au détour d’un one-liner ou d’un twist on entrevoie (de très loin) la bonne série qui aurait pu naître de ce marasme. Malheureusement, le tout demeure toujours aussi désarmant de premier degré, formaté jusqu'aux brins d'herbes et à ce point dépourvu de cojones que c'en devient presque fascinant. Bref, en 2016 comme en 2015, le show de MTV n'a toujours rien à voir ni Scream, ni avec Craven, ni avec Kevin Williamson ni même avec la petite cousine maquilleuse de Neve Campbell.

à part ça...

... Raylan Givens et le shérif Hood ont forniqué avec les frères Winchester. C'est assez dégueulasse dans l'idée, beaucoup plus fun dans les faits, et le pilote de Preacher tient finalement toutes ses promesses tout en prenant d'entrée ses distances avec les comics de Gareth Ennis. Si ça se trouve, le deuil de Banshee sera peut-être moins long que prévu (du moins pour le côté violence graphique et bastons outrancières).

... j'ai un peu tardé à lancer la nouvelle saison d'Orphan Black, série qui n'a eu de cesse de décevoir depuis ses excellents débuts. Je ne doute pas qu'elle retombe rapidement dans ses pires travers (personnages isolés dans des intrigues imperméables les unes aux autres, cloneries en tout genre, intrigue principale chiante et/ou incompréhensible), mais il fallait saluer l'excellent épisode prequel qui fait office d'ouverture à la saison 4. Le temps de quarante-deux minutes qu'on ne voit pas passer, Orphan Black renoue avec le côté sombre et urbain d'avant la gloire et les augmentations de budgets, Tatiana Maslany n'a plus été aussi émouvante depuis longtemps et l'ensemble, enveloppé d'une intense mélancolie, réussit la prouesse de scotcher à l'écran en ne racontant quasiment rien que le spectateur ne sache déjà. Ça va être dur de revenir aux conneries habituelles dans les prochains épisodes.

20 commentaires:

  1. "Raylan Givens et le shérif Hood ont forniqué avec les frères Winchester. C'est assez dégueulasse dans l'idée"

    Hm, je ne sais pas trop, je trouve cela un petit peu excitant aussi, tous ces éphèbes en pleine action ;)

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    1. Rooooh. Raylan je veux bien, Dean à la rigueur, mais les deux autres franchement, ce sont juste des mecs un peu sportifs ^^

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  2. J'ai parfois été critique avec PoI mais je suis totalement d'accord avec toi cette fois : cet épisode était génial, un des meilleurs de la série et sûrement de l'année (tout court)

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    1. Oui, je pense. La seule chose qui pourrait le virer du futur classement des meilleurs épisodes de l'année... c'est un meilleur épisode de POI dans les semaines qui viennent ;-)

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  3. Je pense que je suis convaincu pour Ennemi public ;-)

    Super épisode de PoI, en effet. Dommage que CBS crame cette dernière saison en la diffusant par paquet de trois, ça méritait mieux :-(

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    1. Je suis assez d'accord. Et en même temps, comme le déclarait récemment Nolan à Buzzfeed, “One man’s burnoff is another man’s binge!”

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  4. Il est clair qu'Ennemi Public est bien plus réussi que La Trêve, mais comme toi je regrette le manque d'originalité de l'histoire alors que la Belgique offre un foule de sujets plus ou moins surréalistes qui pourraient former la base d'une série. Je suppose que la RTBF a eu son mot à dire...

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    1. Je pense qu'on sera tous d'accord sur le manque d'originalité. C'est d'autant plus marqué vu de France que chez nous, on passe la moitié de l'année à se plaindre que les chaînes françaises ne savent produire que des polars (et rarement des très bons), et qu'on a déjà eu ici deux séries avec des meurtres/disparitions d'enfants l'an dernier. Commentaire qui vaut d'ailleurs aussi pour les Anglais (ça se voit moins parce qu'ils ont beaucoup plus de productions en chantier, mais finalement sur l'ensemble, il y a bien 60 voire 70 % de polars également). J'avoue que ça m'a un peu peiné de voir les Belges partir dans la même direction, probablement pour des raisons économiques (c'est ce qui fonctionne le mieux dans la francophonie, d'après ce que j'ai lu ici ou là) et budgétaires (ça coûte évidemment moins cher à produire que du fantastique ou de la SF).

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  5. Moi j'aime beaucoup Penny Dreadful. C'est une série inégale peut-être, mais très "généreuse", avec des épisodes denses et assez inventifs même si tout n'est pas toujours bien pensé.

    La dernière saison de PoI est un peu décevante, elle démarre tard (comme la précédente d'ailleurs, mais avec moins d'épisodes en stock)

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    1. Elle démarre tard mais en même temps pas que ça, et les stand alone étaient plutôt cool.

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  6. Et dire qu'à une époque quand je te disais que Person of Interest était une excellente série, je peinais à te convaincre ;)

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    1. Non non, tu ne peinais pas à me convaincre, je te croyais sur parole. C'est surtout que je n'avais pas vraiment le temps de rattraper tout ce que j'avais en retard.

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  7. (sinon concernant Preacher, les deux premiers sont assez cool mais à ce stade ça peut aussi bien devenir une grosse bouse qu'un truc culte)

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  8. Et aussi je voulais te demander (j'arrête le flood après ça), tu ne relaies plus tes articles sur FB? C'est dommage, je m'aperçois que j'en manque pas mal...

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    1. Tu n'es pas le premier à me le dire...

      J'avoue que ça me soûle un peu, relayer, répondre aux coms à deux endroits différents... c'est beaucoup de temps pour au final douze likes et à peine 50 vues de plus que les visites "normales" sur Le Golb.

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  9. Incroyable. Dans le même article, tu parles de deux des trois séries que j'ai regardées ces deux dernières années: Persons of interest, et Ennemi public (La troisième étant Plus belle la vie, mais ça je ne l'avouerai jamais - on a sa dignité).
    C'est clair que la RTBF ne voulait pas prendre le risque de se planter financièrement avec ces nouvelles séries, et donc ils ont fait "dans le même style que ce qui avait déjà marché chez les voisins, et pas trop cher".

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    1. C'est d'autant plus incroyable que franchement, je n'aurais pas parié que la seule américaine que tu regarderais était Person of Interest (je ne sais pas ce qu'il en est en Belgique, mais en France cette série est vraiment très sous-cotée).

      Ennemi public est tout de même plutôt réussie dans l'ensemble. Si on compare aux premiers soubresauts de séries "modernes" qu'on a eues en France (au début des années 2000), il y a tout de même un vrai savoir-faire (chez nous c'était tellement mal joué qu'on avait juste envie de se cacher dans un trou, voire de devenir apatrides). Mais c'est clair qu'ils ne se sont pas foulés et je me demande combien d'histoires autrement plus ambitieuses ont été recalées au cours de ce fameux "appel à projet"... :-/

      Je ne relèverai même pas PBLV, attends, tu te rappelles que tu parles à un mec qui a regardé AG&B tous matins durant des années ? :-D

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    2. J'ai cru comprendre que le thème de la prochaine série, c'est la police scientifique, bref Les Experts à Bruxelles. Si c'est aussi décalé qu'en vrai, ça peut-être bien. Si ça se prend au sérieux, ça va être mortellement ennuyeux.

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    3. Non, sérieusement ? Là c'est carrément de la paresse (en plus il y a déjà eu au moins deux séries à la sauce "Experts francophone", dont une au moins qui a été diffusée en Belgique). Ça va vite devenir embarrassant, cette histoire...

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