mercredi 9 mars 2016

The Rebels Of Tijuana - La Crème de la crème

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Si les Rebels Of Tijuana ont toujours eu la cote sur Le Golb, il faut avouer que ce fut plus souvent pour certaines chansons précises plutôt que pour leurs albums, dont on n'a jamais caché qu'on pouvait parfois les trouver un tantinet frustrants. A vrai dire, de tous les chouchous de ce blogs, de tous ces gens dont chaque parution est chroniquée quasiment d'office depuis dix ans, les Rebels Of Tijuana sont sans doute ceux qui auront été le plus souvent et le plus âprement critiqués. Parce qu'ils étaient très (très très) forts dès le premier morceau de leur premier disque ("J'adore ce flic", qui jetait des ponts multicolores entre Nino et la West Coast), je dois reconnaître avoir parfois eu tendance à en attendre – et en demander – beaucoup, au risque de m'avouer déçu par des LPs relativement inégaux en dépit de leur brièveté. Un sentiment qu'une lectrice résuma très bien un jour – citons-la : "J'adore ses Eps mais les albums, ça ne veut pas, ils m'ennuient. Ce n'est pas seulement la question de tenir la durée. Je trouve les chansons moins bonnes tout simplement. En fait à force c'est presque comme s'ils avaient une discographie parallèle dans les Eps, que je préfère." C'était peut-être un peu exagéré, mais il y avait du vrai dans cette remarque. Ce n'est pas faire offense au talent de ces gens que de noter qu'à la maison, on se passe plutôt les chansons des Rebels en mode shuffle, sans trop s'attarder sur les ouvrages dans leur globalité. Ce n'est pas forcément un problème et, quelque part, c'est peut-être tout à fait normal venant d'un groupe basant la quasi totalité de son esthétique sur une époque où la Chanson prédominait sur l'Album. Je dis "c'est" – vous aurez déjà compris rien qu'à mon intro que l'imparfait s'impose peut-être désormais.


On ignore s'il y a un lien de cause à effet, si d'autres personnes ont eu des réactions similaires à celle de notre susmentionnée lectrice, ni d'une manière générale ce qui peut bien se passer dans la tête du groupe (osons même dire qu'on s'en balance totalement). Ce qui est certain, en revanche, c'est qu'on a eu le sentiment de beaucoup moins entendre les Rebels depuis l'EP Mambo il y a déjà plus de deux ans. Est-ce que leur troisième album est à ce point meilleur que les deux précédents, ou bien est-ce qu'on a tout simplement l'oreille plus fraîche à présent que leur discographie fait parties des meubles (à lire au sens littéral du terme car mine de rien, ils commencent à prendre un peu de place à la maison, ces petits paltoquets) ? Il y a sans doute un peu des deux. Quand vous ne cramez pas deux ou trois de vos meilleurs morceaux dans un EP cinq mois avant un nouvel album, vous avez inévitablement un peu plus de matière à fournir pour celui-ci.

N'y allons pas par quatre chemin : The Rebels Of Tijuana, ou #3, est un disque remarquable quasiment de bout en bout, parcouru de sommets très hauts et de temps faibles... pas mal hauts également. Bien plus cohérent que les deux précédents, il polit l'univers si délicieusement rétro du groupe, sans rien révolutionner et sans jamais s'avérer très éloigné de tout ce qu'il a produit jusqu'à présent – juste en (parfois beaucoup) mieux. Il faut réellement prendre le temps de réécouter La Bourgeoise pour mesurer le bond qualitatif effectué en terme de songwriting. Les voir tutoyer l'excellence n'a certes rien de nouveau en soi : comme on le disait plus haut, Les Rebels ont toujours été capable de gratter un titre aussi efficace qu'"Actuel" ou d'ouvrir sur quelque chose aussi décoiffant que "Bangs". C'est bien pourquoi on a pu parfois être un peu fâché par certaines de leurs parutions un peu moins palpitantes : leur génie était jusqu'alors toujours un peu intermittent, et leur virtuosité pop comme branchée sur courant alternatif ; les "Johnny Marr" et autres "Absorbé par le beat" étaient chaque fois presque inévitablement contrebalancés par des choses sympathiques mais plus oubliables (et qu'on serait d'ailleurs bien en peine de nommer ici des années après). Rien de cela ici : sur les onze titres, pas un seul n'est à jeter et les deux morceau les plus faibles ("Remington" et "Les Groupies") sont déjà bien mieux écrits et produits que le précédent EP du groupe dans son intégralité. Le reste oscille entre bluettes renversantes ("Pampa" et ses accents burgalesques, "Le Quart d'heure de gloire") et crème de la crème du R&B dans la langue de Molière, que le groupe a rarement conjugué avec une telle élégance. Dieu sait pourtant qu'on en a entendu, ces dix dernières années, des groupes de rock francophones. Ce n'est pas franchement ça qui a manqué mais de mémoire de chroniqueur, aucun n'a su signer quoi que ce soit de comparable à ce sommet de nonchalance pop qu'est "Toi et moi". Le genre de morceau qui suspend tout autour de vous, pour ne plus vous lâcher de la journée. Et si le groupe n'abandonne ni ses pulsions yéyé ni aucune de ses référence francophiles (on a parlé de Ferrer plus haut ; l'ombre de Dutronc plane elle aussi toujours un peu, ici ou là), les rythmiques, la fluidité des mélodies... la dynamique de chaque titre tend plus que jamais vers le modèle anglo-saxon, "Actuel" évoquant plus volontiers The Coral avant qu'ils ne deviennent chiants et soporifiques. C'était de toute façon inévitable tant la production et les arrangements sont soignés, bien plus que ce à quoi on est habitué dans la francophonie... ou dans le garage (y compris de la part des Rebels eux-mêmes).

Signe qui ne trompe pas, à la minute où sont écrites ces lignes, #3 tourne depuis... une... deux heures en boucle, sans qu'on se lasse, sans qu'on ait envie de passer autre chose ou même tout simplement de rejeter une oreille à l'un de ses prédécesseurs. En fait, la seule envie qui vient en l'écoutant est d'aussitôt se repasser ses meilleures pistes (citons encore l'adorable "Burt de Roubaix", dont c'est peu dire que la mélodie est plus engageante que le titre). Ce n'est pas grand-chose et en même temps, c'est énorme tant cela arrive rarement, de continuer à fredonner un disque après seulement quelques écoutes – ou de s'apercevoir qu'on en connaît déjà toutes les paroles par cœur alors qu'on avait l'impression d'être encore, seulement, en train de le découvrir. Pour son dixième anniversaire, c'est vraiment un joli cadeau que les Rebels Of Tijuana viennent de faire à ce blog : un vrai, un grand album, dans un registre où l'on en entend finalement si peu. Ce n'est pas aussi génial que s'ils nous avaient offert un coffret Dutronc dédicacé, mais c'est quand même beaucoup mieux qu'un nouvel album de The Coral ou du vieux beau cocaïnomane qui a pris la place de Polnareff depuis le milieu des années soixante-dix. Pour un peu, cela ferait regretter toutes les fois où on a pu bougonner ici en leur réclamant un peu plus de ci, un peu moins de ça – on en passe. Tout ceci est oublié. C'était juste pour les stimuler. Un peu d'amour vache, quoi. Comme ils le chantent eux-même : "Il n'est pas de grand amour sans réelle ambition".



👍👍 The Rebels Of Tijuana 
The Rebels Of Tijuana | Le Pop Club, 2016

5 commentaires:

  1. D'accord à 1000 %! Cet album est juste super :)

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  2. Je suis très flattée d'être citée sur Le Golb, mais c'est dommage que ce soit en train de critiquer un groupe que j'aime bien :-)

    En tout cas, j'aime également beaucoup cet album et suis ravie de m'être trompée ;-)

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    1. A cause du pseudo je n'étais plus vraiment sûr que c'était toi. Mais quand j'ai lu ça je me suis dit oh tiens, ça peut servir ^^

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  3. J'avais bien aimé leur album d'avant déjà, celui est vraiment super dans le genre. Merci d'attirer mon attention dessus ;)

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