lundi 23 avril 2012

And Also The Trees - L'Automne vous va si bien

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And Also The Trees n’est peut-être pas, au même titre que d’autres, un groupe à part. Mais c’est un cas particulier. L’exception confirmant presque à elle seule toutes les règles. Le groupe qui a tout fait à l’envers, pour des raisons parfois difficiles à comprendre. Le groupe que beaucoup – nous nous incluons dans cette masse – ont découvert à l’envers. Et souvent aimé de travers. On ne vous fera pas l’affront de vous ressortir la fameuse citation de John Peel à leur sujet (« trop anglais pour des Anglais »), d’une part parce qu’on la retrouvera dans n’importe quelle bio à deux balles, et d’autre part parce que ce n’est évidemment pas la question. Ce que l’on a surtout longtemps reproché à And Also The Trees, et pas toujours à tort quoique souvent de manière excessive, c’était d’être sinon un sous-Cure, du moins un Cure light. Et d’être globalement, à ses débuts dans les années 80, un cran en-deçà du niveau de la concurrence cold-wave (en faisait-il seulement ?). Quand on voit ce que celle-ci est devenue, on ne pourra s’empêcher de réprimer un sourire.

Tout cela appartient à un lointain passé tout en restant étrangement – mais logiquement – proche pour toute une génération ayant découvert le groupe avec l’un de ses somptueux albums des années 2000 (Further from the Truth ou le splendide (Listen For) The Rag and Bone Man) avant d’attaquer sa discographie à rebours.


Nous sommes en 2012 et au moment de découvrir Hunter not the Hunted, onzième album seulement des frères Jones, voilà déjà bien longtemps qu’And Also The Trees et And Also The Trees sont deux groupes différents 1. Rares sont les orchestres qui auraient à ce point pu, s’ils l’avaient souhaité, justifier un changement de nom. Et alors que la musique qu’il jouait en 1984 n’a jamais été aussi à la mode depuis, AATT n’en a cure et reste campé sur ses positions résolument folk, résolument dark, résolument romantiques.

Hunter not the Hunted, comme l’annonçait le mini-album Driftwood paru cet automne, ne s’écarte pas, ou peu, de la ligne de faille dans laquelle le groupe s’est engouffré il y a de cela presque une décennie, non loin des territoires d’un Matt Elliott 2 (humeur slave, nihilisme sensuel) et sans doute pas si éloignés de ceux d’un David Tibet (pour ce goût prononcé pour le lyrisme décharné). En plus rêche que le premier. En moins radical et extatique que le second.

Soit donc treize chansons folk de toute majesté, que l’on jurerait calibrées pour cet avril automnal, et dont l’emphase grisonnante jamais ne verse dans l’affection (exemples avec "Whisky Bride", qu’aurait pu signer Richard Hawley, ou "Only", ouverture en forme de fuite en avant rythmique). Ce sans pour autant se laisser prendre au piège de l’épure facile, au point de sembler tout à la fois riches et minimales, luxueuses et épurées (on pourrait toute les citer en exemple, mais la plus probante est sans doute "My Face Is Here in the Wild Fire"). Depuis le temps qu’ils sont hantés par le Spleen, ces gens connaissent leur petite affaire, et savent mieux que beaucoup d’autres convertir la détresse brute en retenue, la morosité en Beau – toujours en ce sens. Oui, And Also The Trees a tout fait à l’envers. Il est devenu un grand groupe sur le tard, au moment où ceux de sa génération s’affadissaient inéluctablement. Compte-tenu de l’attrait naturel de Simon Huw Jones pour les fleurs fanées, ce n’est sans doute pas si étonnant.


👍👍 Hunter not the Hunted 
And Also The Trees | AATT/Differ-ant, 2012


1. Quoique ces derniers aient tenté récemment de réconcilier leurs différentes facettes dans un – très bel – album acoustique, When the Rains Come.
2. Avec lequel ils tournent d’ailleurs ces temps-ci, histoire sans doute de clamer haut et fort que leurs regards portent dans la même direction. Ce dont personne n’aurait de toute façon oser douter tant "Bloodline", sur cet album, fait figure de duo imaginaire entre ces artistes de générations pourtant si différentes.