samedi 21 avril 2012

VIOL - Mondialisation, Canicule & Gueule de bois

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Il était prévisible - même si on a tous plus ou moins fait l'effort d'en douter - qu'en partant s'exiler dans les Îles, Ernesto Violin y prendrait goût et, la chaleur, le rythme de vie, la plage et le rhum aidant, soit ne nous reviendrait jamais, soit nous reviendrait avec un album affreusement paresseux. On aurait voulu se tromper, être surpris par un disque courageux marchant dans les traces du chef-d’œuvre Gun Street, mais c'était compter sans l'incapacité de ce songwriter - que Le Golb ne cessera pour autant pas d'admirer - à se... retenir. Éjaculateur musical précoce, Violin est on le sait incapable de se retenir d'enregistrer un album durant plus de six mois, et ici tout concordait à lui recommander d'attendre un peu avant de se remettre au travail. De s'accorder un peu de paresse, plutôt que de nous l'infliger à nous.

Bien sûr, Hooligans Wake n'est pas un mauvais album. Lorsque l'on possède le don naturel de son auteur pour torcher des mélodies parfaites en vingt minutes chrono, un disque paresseux n'est jamais qu'un bon disque, et dans le fond le véritable péché de celui-ci est surtout de sortir après plutôt qu'avant Gun Street. Ce dernier paru, si sombre, si torturé, si menaçant... la logique artistique imposait de passer à l'étape supérieure, et non de se remettre à écrire de (parfois très) bonnes chansons pop comme si l'année 2011 n'avait jamais existé. En vérité, Hooligans Wake est un ratage parce que son existence même l'imposait.


J'ignore si cette intro a pu tromper un seul d'entre vous. Sachez que j'y ai mis tout mon cœur. Sachez aussi que si Hooligans Wake est un remarquable septième album, il a pu m'arriver de penser quelque chose s'approchant de ce que j'écrivais plus haut au moment de le découvrir (sans toutefois aller jusqu'à l'accusation de paresse, car s'il est bien une chose en ce monde pour laquelle Violin ne connaît pas le sens du mot paresse, c'est bien - outre l'alcool - la musique). Car Hooligans Wake est un album surprenant, pas de ceux qui vous surprennent d'être surpris - mais bel et bien de ceux que l'on attendait tout simplement pas. D'une part parce que l'artiste avait si bien organisé son exil comme la fin de sa carrière qu'on avait pris la mauvaise résolution de passer un 2012 sans nouvel opus de VIOL ; et d'autre part parce que sa teneur, plus pop, plus rock, plus pugnace, est tout à fait inattendue.

Passons sur l'ouverture, "Wreck Of The Concordia 2012", trompeuse puisque folk-song très raccord les derniers albums. Dès le second titre, "Death of the European Dream", aussi guilleret que son titre est définitif, on est saisi tant par les rythmes caribéens que par les trouvailles de production, à mille lieues de la rugosité d'un Gun Street (album sur le fil, sans percus et sans joie), dont il constitue presque l'inverse absolu. Et ce n'est que le début. Durant les neufs titres restants, Violin persistera dans son envie de surprendre, de s'éloigner de ses domaines de prédilection, sans virer zouk que l'on rassure - mais tout de même. Entre un tube garage ("GOP"), un morceau nonchalant que n'aurait pas renié le blur période lo-fi ("Kill the Fuking Pigs"), une promenade psyché ("Mass Murder Boogie") ou un clin d’œil manifeste au Neil Young de Trans (sans le côté kitsch... hélas ?), Hooligans Wake ménage bien des surprises qui sont autant de pépites. Il est d'ailleurs intéressant de noter que ce sont finalement les titres plus "violement corrects" ("Nuclear Beach Army", mignonne ; "Hooligans Wake", pourtant belle) qui retiennent le moins l'attention de l'auditeur.

Surprise dans la surprise, l'ensemble, très éparse sur le papier, témoigne de progrès indéniables en matière de production et sonne étonnamment cohérent, peut-être parce que l'humeur, bien plus sombre que ce que les mélodies laissent supposer au cours d'une écoute distraite, fait office de meilleur ciment qui soit. S'il fallait trouver un point commun entre deux ouvrages aussi différents que Gun Street et Hooligans Wake, ce serait cette gravité ne les désertant qu'au gré de quelque ironie macabre. Sous ses oripeaux pop et occasionnellement exotiques, Hooligans Wake est peut-être l'album le plus sombre de son auteur, quasi dépourvu d'espoir et désertant le champ du lyrisme (qui risquait il est vrai de commencer à sentir le procédé) pour enquiller constats désenchantés et couplets rageurs - on ne peut nier du reste que l'année séparant la sortie des deux derniers VIOL ait été incroyablement sinistre à tout point de vue. C'est un peu comme si en sautant dans l'avion pour aller roupiller dans un décor de carte postale, Ernesto Violin s'était pris le monde en pleine gueule. Ça doit faire mal, mais c'est un bonheur pour les autres.

VIOL - Hooligans Wake by T. Sinaeve on Grooveshark

👍👍 Hooligans Wake 
VIOL | Autoprod, 2012

15 commentaires:

  1. Moi ça me disait bien le virage zouk :)

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    1. Je crois qu'on en a tous secrètement rêvé, sans trop y croire.

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  2. Elles me plaisent bien, moi, les chansons les plus violement correctes :-)

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  3. Moi en fait, après une écoute, je suis plutôt d'accord avec ton faux avis...

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    1. C'est parce que même quand j'écris l'inverse de ce que je pense, mon rouleau compresseur rhétorique est imparable ^^

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    2. Non il y a des trucs que je trouve réellement paresseux dessus. Il y en a de très bons aussi, attention. Mais je trouve que c'est son album le moins intéressant depuis le début (avec le premier).

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    1. Non non faut pas suspendre, il nous revient en forme :D (en plus avec des très bon articles)

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    2. bah, c'était pour le bon mot... d'autant que le titre mis en ligne est de loin le plus convainquant que j'ai pu entendre de Viol...

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    3. T'avais pas déjà dit ça pour l'album d'avant ? Fais attention, un jour sans crier gare, tu vas t'apercevoir que tu aimes VIOL :-)

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    4. au fait il est pas téléchargeable celui ci?

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  5. Ca serait plutôt cool non?
    plus sérieusement j'annule mon commentaire précédent pour dire que ce titre est le premier de Viol qui me plaise vraiment.
    Des chansons plus arrangées et des textes moins en avant, voilà qui va plutot dans mon sens.
    Mais j'ai toujours énormément de mal avec les artistes (connus ou non) trop prolifiques. Au delà d'un disque tout les 2 ans, je bloque...

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    1. Bien sûr qu'il est téléchargeable, tu as cliqué sur le lien ?...

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    2. Hé, j'aime ce disque !! franchement bien, surtout le 2eme tiers (dommage qu'il faiblisse un peu sur le dernier tiers).
      Du coup par acquis de conscience j'ai réécouté le Gun Street, rien à faire, c'est bien fait mais je m'y ennuie.
      Le rythme et la conscision vont très bien au sieur Viol (et le rhum aussi, apparemment...)

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    3. Le rhum je crois que ce n'est pas nouveau ;)

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