samedi 10 septembre 2022

Brother in Larmes

[Mes disques à moi (et rien qu'à moi) - Hors-série N°15]

Ma rencontre avec Jesse Malin s'est faite dans le bruit et le chaos. D Generation. Live. Cela ressemblait à peu de choses près à cela. C'était comme ça, ce jour-là.


Un mec contrarié encadré par des types très remuants, au milieu d'une foule de gens bizarrement insouciants. D Generation était une anomalie dans le paysage musical de la fin des années 90. S'il est possible que nous ayons été quelques uns à le percevoir confusément, nous étions bien trop jeunes et bien trop incultes pour l'intégrer. Après avoir déferlé durant une décennie sur le monde via le grunge, la britpop ou le punk revival, le rock à guitares s'apprêtait à entrer en hibernation pour une courte période. Un cycle musical s'était achevé et n'en restait déjà plus, désormais, que les soubresauts néo-progressifs de Radiohead ou, à l'exact opposé du spectre, des groupes joyeux et presque festifs comme Green Day (pour qui DGen ouvrait ce soir-là), eux-mêmes en perte de vitesse. No Lunch, l'album du moment (en fait déjà vieux de deux ans au moment de débouler chez nous), avait beau être admirablement produit par Ric Ocasek, ex-Cars reconfiguré en Pape de l'indie-pop qui roule sur les charts, il arrivait en retard d'une mode et en avance de deux autres. Et puis se faire produire par le mec qui avait fait de weezer ou Nada Surf des rouleaux compresseurs était une chose ; décrocher la timbale avec un rock'n'roll si déraisonnablement classique, biberonné au New York Dolls et aux Replacements, c'en était tout de même une autre. Les DGen avaient beau prendre des poses rebelles, ils n'étaient pas assez brutaux pour un monde qui s'apprêtait à faire de Korn, Slipknot ou Limp Bizkit des Mastodontes de stades. Eux-mêmes en avaient-ils conscience ? Leur sortie suivante, l'EP Prohibition, fut de loin leur plus hardcore. Là encore : trop tard. Ou trop tôt. Pas le moment, en tout cas. Auraient-ils duré encore quelques années qu'on en aurait probablement fait les parrains des groupes en "The". Certains le dirent ; ils le furent, à une échelle locale. Mais le fait est que D Generation, malgré un formidable troisième album produit par – excusez-le peu – Tony Visconti, n'atteignit jamais l'an 2000. Féroce, Through the Darkness était peut-être encore plus à côté de la plaque, avec un son plus lourd, plus gras, plus vintage – plus invendable. Malgré cinq années de singles renversants ("She Stands There", "Capital Offender", "Helpless"), une palanquée de chansons tellement brillantes qu'elles sonnent aujourd'hui comme des hits issus d'une timeline parallèle ("Sick on the Radio", "Major", "No Way out") et une chiée de pognon dépensé par Columbia pour les mettre en avant, les mecs n'arrivaient pas à imprimer. On retenait la coiffure du chanteur et sa voix nasillarde. Voilà pour les autres.


Pour moi, pendant ce temps, DGen était en train de devenir un groupe essentiel. Vital. J'avais mes réserves concernant Through the Darkness (depuis bien longtemps envolées), mais No Lunch était un joyau. Je le trouvais – et le trouve encore – tellement supérieur à à peu près tout ce qui se faisait en matière de punk-rock à cette époque que je peinais à comprendre l'indifférence qu'il pouvait susciter, en général et plus spécialement autour de moi (le groupe n'était même plus distribué en France... le fut-il vraiment, d'ailleurs ?) Les skaters trouvaient cela trop FM pour figurer sur leurs playlists de hardcore mélodique (je reconnais que c'est extrêmement drôle à écrire avec le recul... et pourtant vrai), les keupons purs et durs (donc mous voire spongieux) n'y reconnaissaient pas l'authenticité qu'ils accordaient volontiers à un Rancid, quant aux amateurs de rock plus généraliste, ils ne voyaient que des mecs se vidant des bouteilles entières de gel sur la tête – voilà bien longtemps (facile quatre mois) qu'ils étaient passés à des choses plus sérieuses. En 1998 les petits cœurs saignaient, les chanteurs se devaient de prendre des poses pénétrées, et les batteurs de se faire discrets. Jeune, du fond de ma cambrousse, tout à ma découverte joyeusement anarchique de l'histoire du rock'n'roll, je ne comprenais pas les regards effarés qu'on me jetait en découvrant D Generation dans mon walk-man bleu pétrole. Je ne saisissais pas encore ces nuances et influences en faisant en réalité un groupe quasiment impossible à promouvoir au pays de la Chanson qui a des lettres, précisément car sa langue racée autant que son style si viscéralement new-yorkais constituaient des barrages infranchissables même du meilleur VRP du monde. Comme n'importe quel petit Français de cette époque, je n'avais jamais entendu parler de Tom Petty et Springsteen n'était pour moi qu'un nom, vague, qui avait l'air de n'exciter que des gens beaucoup plus vieux et nettement trop sérieux. Les connexions ne se faisaient pas dans ma petite caboche adolescente et si j'oubliais que j'avais parfois le sentiment d'être la seule personne au monde à connaître et aimer ce groupe, les choses étaient très bien ainsi. J'ai accueilli DGen et ses albums avec une naïveté, une pureté même, comme j'en témoignerai rarement par la suite vis-à-vis de la musique. À force d'absorber tant et de trop de trucs. Moins bons, parfois ; moins vrais souvent. À vingt-cinq ans, Jesse Malin était déjà Jesse Malin. Il ne dégageait pas encore la sérénité que mon Moi du Futur lui trouverait lors d'un admirable concert parisien de 2021, mais il y avait déjà chez lui une simplicité et une authenticité en faisant un peu plus que le chanteur d'un (excellent) groupe de rock : un mec avec qui on pouvait se surprendre à rêver de devenir pote. Un grand frère généreux, taquin et vraiment très mal coiffé, qui vous conseillait pour séduire les filles, bien frauder dans les transports ou choisir les meilleurs vieux disques. Il n'était pas potache comme ses potes de Green Day, il n'était pas tête-à-claques comme son « frère » Ryan Adams, dont je venais juste de découvrir le Whiskeytown avec un enthousiasme comparable1. Juste super cool. On pouvait imaginer vider quelques bières avec lui, voire faire un bout de chemin ensemble.


J'ai choisi la route la plus longue puisque près de vingt-cinq années ont passé et que j'écoute toujours chacun de ses albums, nouveaux et anciens, avec un plaisir intact. Je peux raisonnablement affirmer avoir vieilli avec ses chansons, probablement plus que lui à en juger par la forme olympique qu'il paraît tenir à bientôt 56 ans. Deux de ses disques ont déjà échoué dans cette rubrique (un texte déjà vieux de quatorze ans que j'ai pris le parti-pris de ne pas relire avant d'écrire celui-ci), aucun ne le méritant plus qu'un autre ; si c'était à refaire, j'en mettrais peut-être bien trois ou quatre. Jesse Malin a passé tellement de temps sur mes platines puis mes lecteurs, seul ou bien entouré, que j'ai fini par ne plus savoir à la longue si c'était lui m'accompagnait ou bien moi qui le suivait. Anecdote curieuse sachant les kilomètres d'interviews à mon compteur (lesquelles incluent tout de même Nick Cave et pas moins de deux ex-Rolling Stones), je fus littéralement incapable d'échanger ne serait-ce qu'une poignée de mots avec lui un soir qu'il était à quelques mètres à un comptoir, seul, ne demandant visiblement qu'à taper la discute. Mon souvenir est flou, mais je crois bien, alors que l'ami m'accompagnant m'enjoignait à aller au moins le saluer, avoir détourné le regard comme si je venais de croiser un coup d'un soir que je n'aurais jamais rappelée après avoir passé la nuit à lui expliquer que je cherchais avant tout l'Amour2. Mais que peut-on bien dire à quelqu'un qui représente tant de choses pour soi ? Bonjour, il y a quelques années j'ai fait une grave dépression et la seule chose que je parvenais encore à écouter sans avoir totalement envie d'en finir était ton album live (très bon d'ailleurs, vraiment) ? Salut, "Basement Home" est la plus belle chanson du monde et je pleure et ri tout le temps et simultanément quand je l'écoute ? Hello, j'ai tellement bousillé tes disques que même les pas terribles, genre Love It to Life, j'ai fini par les aimer autant et à les ressortir avec presque plus de plaisir que les bons ? Ou la version blague pour initiés, peut-être : Hey Jesse, tu sais que l'album de Bellvue est celui que j'ai cherché pendant le plus longtemps dans ma vie, pour lequel j'ai claqué le plus de thunes tellement il était introuvable et donc celui auquel je tiens le plus – c'est quand même dingue quand on sait que c'est le truc le plus pourri et lourdingue que tu aies jamais fait ?3 Sauf à vouloir se montrer particulièrement impoli, il n'y a rien à dire aux gens qui représentent tant de choses pour vous. Le peu que vous auriez à leur raconter, ils ne seraient pas capables de l'encaisser. Certains fuiraient. Jesse Malin, de ce que j'ai pu en juger, resterait sans doute un instant interdit avant d'énoncer quelques mots aimables et vides, en bon professionnel du rock américain. On voudra bien m'excuser la banalité de la remarque, mais un vrai Songwriter donne déjà le meilleur de lui-même dans ses chansons. Pas besoin de lui en demander plus : s'il faut vraiment dire quelque chose, contente de toi de le féliciter pour le concert de ce soir (je ne suis pas peu fier d'annoncer que c'est ce que je réussis à faire4 lors de notre seconde rencontre en chair et cheveux – enfin surtout les siens, les miens avaient entre temps achevé de ficher le camp... quand on pense à ce qu'il leur a fait subir durant des années, on se dit que la génétique recèle bien des mystères...)


Plutôt que ressasser ce genre de fausses occasions manquées, il me paraît plus important de dire comme, plutôt que de changer ma vie, la musique de Jesse Malin n'a eu de cesse de l'ouvrir et de la recentrer. C'est que si je passe rarement plus d'un mois sans écouter un de ses disques ce n'est jamais, pas même dans le cas de No Lunch, armé d'un sentiment de nostalgie. Ma manière de percevoir ses chansons a évolué au fur et à mesure que lui-même continuait d'en graver de nouvelles, parfois encore plus mémorables que les anciennes. La mélancolie de The Fine Art of Self-Destruction me paraît aujourd'hui chargée d'humanisme – il est devenu bien rare de me retrouver comme autrefois en train de beugler "Solitaire" dans ma voiture, voire que je l'écoute, quand chacun des personnages secondaires de ses délicieuses vignettes new-yorkaises a désormais un Visage et une Voix. La douleur sourde des chansons les plus tristes de The Heat me semble désormais contrebalancée par la vitalité de ses moments les plus légers, et j'ai enfin réellement pris langue avec l'acidité des lyrics ("We never had a baby / But she got more tattoos / And I got more material for the blues"). La période Je ne serai jamais le nouveau Boss mais ça ne coûte rien d'essayer (soit les albums Glitter in the Gutter et Love It Life) m'inspire un tantinet moins, mais elle regorge de petites bulles d'espoir et d'amour de son prochain là où je ne trouvais autrefois qu'un fatras power-pop un brin désincarné juste efficace à faire patienter entre les ballades – lesquelles, ceci dit, ne me décevaient jamais. Il n'est peut-être pas anecdotique de noter au passage que j'ai aujourd'hui plus ou moins l'âge que Jesse avait à cette époque ; j'ai le sentiment de bien mieux éprouver, percevoir, entendre "Revelations", "In the Modern World" ou "Prisoners of Paradise". Dès l'époque de DGen, les chansons semblaient déjà enracinées dans le réel. Même lorsqu'il s'agissait de dévider sa rage, Jesse Malin avait toujours quelque chose à raconter, quand ses contemporains donnaient juste l'impression d'enfoncer des punchlines au forceps jusqu'à ce que cela sonne. Cette vision très charnelle, presque concrète et dans le fond assez kinksienne du songwriting s'est enrichie à partir de sa carrière solo ("Wendy", de ce point de vue, n'est pas sa chanson la plus populaire pour rien), pour finir avec les années par aboutir sur une succession de chroniques incisives dont l'Auteur-narrateur est devenu indissociable des Autres – soit qu'il parle de lui à travers eux, soit qu'il nous chante nous tous, à travers lui. D'une manière ou d'une autre, Jesse Malin ne pouvait donc finir que par parler un peu de moi aussi – puisque je vis dans ce monde et y ai même croisé quelques Wendy et Sheena (un peu moins de Lucinda, j'avoue, pour cette évidente raison qu'il n'y en a jamais eu qu'Une).


Et puis il y a bien entendu le reste. La suite. Ceux que j'appelle affectueusement ses albums de vieux. Une série en cours, sublime quoi qu'inégale, débutant avec le formidable New York Before the War. Jesse Malin frise la cinquantaine et plutôt que se mettre à regarder en arrière, il plonge ses yeux droit dans ceux de l'horizon. Ces quatre albums (suivront Outsiders, l'exceptionnel Sunset Kids et le dernier en date, Sad and Beautiful World) ont en commun de montrer un artiste continuant de se réinventer à sa manière, toute en nuances, alors qu'à peu près plus rien – et surtout pas son public – ne l'y oblige. Sans jamais rompre complètement avec un passé qu'il convoque même à l'occasion, mais avec un recul et une part de distance faisant que même en reformant D Generation le temps d'un disque rendu ultime par le tragique décès du camarade Howie Pyro il y a quelques mois, on n'y verse jamais dans la nostalgie grasse. Une parenthèse mérite d'être faite ici car Nothing Is Anywhere, paru en 2016, s'il est assez loin d'être le meilleur album de rock de la décennie passée, est en revanche probablement l'un des albums de reformation les plus évidemment sincères qui aient jamais été produits dans une époque ne manquant pourtant guère de tentatives du genre. Pas un instant on n'a l'impression de se trouver en face d'une bande de vieux bonshommes venus payer leurs factures, pas plus qu'ils n'essaieraient de repousser l'heure de la retraite ou d'oublier l'échec de leurs troisièmes mariages. À l'image de Malin lui-même, les mecs n'ont quasiment pas pris une ride. Ils ont toujours les glandes et savent toujours dégorger du riff et du power-chord à vous faire rougir bien des jeunes groupes. En un sens et même si les différences avec les albums de Malin sur cette période paraîtront de prime abord bien plus grandes qu'entre son premier disque solo et les DGen des nineties, Nothing Is Anywhere est fait du même bois. Lorsqu'il faut réellement verser dans la mélancolie, ce n'est jamais celle de la vieille rockstar plus ou moins ratée mais celle de l'homme désormais mûr qui jette un coup d’œil sans illusions dans le rétroviseur. Le meilleur titre d'Outsiders est ainsi, plus qu'une simple reprise du "Stay Free" du Clash, une singulière et bouleversante mise en abyme : il s'agit de s'approprier les mots d'un Mick Jones d'à peine 23 ans se remémorant avec tendresse ses quatre cents coups à l'école, quand Malin fit les siens à l'époque de cette même chanson, avec ce même groupe en guise de bande-son.

 
Ce disque en particulier, passé un brin aperçu et pour tout dire assez faible en comparaison de ses voisins, marque un tournant évident. Le songwriter y vide ses derniers chargeurs de mélancolie, claque ses derniers hommages plus ou moins explicites à ses maîtres (il faudrait encore, en vrac et dans le désordre, citer Neil Young, les Ramones, Johnny Thunders et bien évidemment Lou Reed), puis hausse le ton quand tous les autres auraient basculé dans le guitare-voix pépère au minimum cinq ans plus tôt. Jesse Malin est devenu intemporel, a définitivement saqué ses gimmicks vocaux, et fait converger une demi-douzaine de caravanes d'influences totalement contradictoires sur le papier : gros rock US qui tache, groove stonien, boogie-quasi-woogie, americana, thin white funk... entre autres délices magnifiés, particulièrement, sur Sunset Kids, produit par Lucinda Williams (oui, Celle-Là-Même) et véritable feu d'artifice de chansons et romantiques et drôles et dansantes et émouvantes et chargées d'âmes. "Room 103", "Dead on", "Chemical Heart", "Revelations" (troisième version officielle à ce jour et il n'y a aucune raison de s'arrêter en si bon chemin5)... on s'épargnera ici la collection de superlatifs vulgaires autant que le jeu des comparaisons stériles pour se contenter d'observer que lorsque vous avez débuté la musique en 1980 et que vous publiez en 2019 un disque faisant se demander à vos fans les plus tatillons si ce ne serait pas votre meilleur, vous avez largement réussi votre pari.
 

C'est à ce moment qu'on le capte fin 2021 à la Boule Noire, à ce détail près évidemment que par le jeu du COVID et des reports, un autre album est sorti entre temps, qui n'aurait probablement jamais vu le jour sans le confinement et qui a le mérite de bien résumer la situation (si ce n'est la discographie) : Sad and Beautiful World, véritable double LP à l'ancienne qu'il est chaudement recommandé d'aborder comme tel. Jesse n'a rien perdu de son aisance scénique ni de son bagout entre les morceaux mais semble presque rajeuni depuis notre dernière rencontre. Je n'y pense évidemment pas sur le moment : voir Jesse Malin sur scène, en France, dans une vraie salle et accompagné d'un vrai groupe, est quelque chose qui n'est littéralement plus arrivé depuis une époque où l'idée de voir la France prétendre à la Coupe du Monde était une blague de machine à café. Il peut bien jouer n'importe quoi n'importe comment, ou même juste s'asseoir et nous raconter sa semaine, que j'en repartirais avec le sentiment d'avoir vécu une excellente soirée. Mais avec un peu de recul et après avoir transpiré comme si ç'avait été moi sur scène, attitude qui à défaut de faire du bien à mon sex-appeal trompe assez peu quant à la qualité du gig, je me dirai qu'il n'y a finalement pas des kilomètres entre cette énergie lumineuse, ce "She Don't Love Me Now" d'anthologie et cette version de "Brooklyn" plus vivante que jamais, et celle de "She Stands There" en 1998. Sans doute le moteur n'est-il plus tout à fait le même. Sans doute la rage en a-t-elle un peu cédé à l'amour. Mais c'est bien la même vibe, à vingt-cinq ans d'intervalle. C'est bien le même mec, avec les mêmes problématiques capillaires, la même voix bizarroïde et la même mélancolie joyeuse. Il est là et avant même que je n'aie réellement commencé à me poser la question, il m'enseigne comment non pas vieillir, mais l'accepter. Comment vivre avec moi-même malgré les années, les déceptions, les regrets et les mauvais albums d'artistes qu'on a adoré un jour (ceux des autres !) À la fin, il se fait taper dans le dos par un public que je trouve depuis le départ étonnamment âgé, trop pour s'être pris DGen en pleine gueule à l'adolescence. Serre des pognes, a un petit mot gentil pour tout le monde et même pour moi, qui n'en ai strictement rien entendu dans le brouhaha général. Il est visiblement heureux d'être là, d'avoir survécu à la Pandémie comme il a survécu à la mort du rock, à celle de trop de potes et à la vie en général. J'achète un t-shirt moche que je porte néanmoins fièrement depuis, même au boulot, et la soirée commence de s'achever. En un sens, elle est toujours en train de s'achever au moment où j'écris ces lignes, près d'une année plus tard, pour ne pas dire qu'elle repart de plus belle chaque fois que je lance un disque de Jesse Malin. Et que je me dis que cette fois-ci encore, je n'aurai pas à chercher trop loin le remède à mon dernier échec ou à ma prochaine crise existentielle : tout va tout de suite mieux lorsqu'on prend le temps d'échanger quelques mots, ou quelques notes, avec son grand frère.
 


1. Il n'est je pense pas utile de préciser que, s'agissant de deux artistes totalement inconnus en France dans une époque pré-Internet, je n'avais à vrai dire aucune idée qu'ils étaient liés par une amitié quasi-indéfectible. Je ne découvris comme tout le monde cette amusante coïncidence que quelques années plus tard, lorsqu'un Adams devenu une star dans son pays – et une vraie pointure indé en dehors – produisit le premier effort solo de Malin.
2. Chose que je n'ai, je tiens à le préciser, jamais faite. Je ne sais d'ailleurs pas pourquoi cette comparaison fut la première (et à vrai dire : la seule) à me venir à l'esprit. Heureusement que ma femme ne lit ce blog que par intermittence. 
3. To Be Somebody (on va le nommer même s'il ne mérite pas vraiment) est paru en 2001, soit donc entre la fin de D Generation et The Fine Art of Self-Destruction, et se trouve être un album au mieux moyen de... grunge. En 2001. Il a cependant ce mérite assez rare de servir de parfaite illustration pour les fiches métiers Pôle Emploi de producteur ou d'arrangeur, puisque, pénible de bout en bout, il recèle paradoxalement les versions (pas très) originales de pas moins de quatre des (futurs) plus grands classiques de Jesse Malin en solo : « Brooklyn », « Solitaire », « Basement Home » et « Love Streams ». 
4. Et ce grâce à l'obstination de ma femme à me faire dédicacer un disque, merci à elle (et hop, l'honneur est sauf et l'engueulade évitée).
5. On aura compris à ce stade que Jesse Malin a comme une fâcheuse tendance à fréquemment ressortir d'anciennes compos des cartons, tendance qui était à vrai dire présente dès D Generation : No Lunch, en 1996, reprenait déjà pas moins de trois titres du premier album du groupe, non-produit deux ans plus tôt avec les moyens du bord (à savoir pas grand-chose).

12 commentaires:

  1. Alors je me sens très en phase avec cet article mais il est tellement long que je dois faire des points pour rassembler mes idées :
    - respect à Jesse Malin, un des singer-songwriters us les plus intéressants et constants depuis 20 ans (et +)
    - nous avons lui et moi la même idole ce qui crée des liens. Sa version de Stay Free met les poils mais ce n'est pas son premier essai en matière d'excellentes covers du Clash, il avait déjà fait avant Death Or Glory et Gates of the West. Les trois tu pourrais presque penser en les écoutant que ce sont des chansons à lui ce qui prouve selon moi que son écriture est beaucoup plus proche de celle de Joe Strummer que de celle d'un Springsteen à qui on le compare tout le temps. J'entends d'ailleurs beaucoup de Clash sur ce que tu appelles "ses disques de vieux". En fait jamais ça sonne vraiment Clash mais en même temps ça infuse de partout
    - l'article ne commet pas de grosse redite de celui de 2008 mais je trouve que c'est au prix d'une grosse ellipse sur The Fine Art of Self Destruction (juste un des meilleurs albums des 00s tous styles confondus quoi, dommage...) en fait tu évoques tous les disques mais passe très vite dessus et je pense pas que ce soit très abordable pour quelqu'un qui n'a jamais entendu parler de Jesse Malin. La liste d'écoute finale manque vraiment, tu aurais pu en refaire une la dernière a 15 quoi! Ou une sélection de chansons ou un classement des albums pour les nouveaux...
    - j'espère quand même que ce hors série n'inaugure pas une vague de remakes des premiers MDAM!!! :)

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    1. Entièrement d'accord avec ta remarque sur les connexions évidentes, quoique souvent implicites, avec Strummer. "Infuser" est un terme parfaitement choisi.

      Pour ce qui est du texte lui-même, il n'y avait pas de volonté consciente de passer plus vite sur certaines choses que sur d'autres. Je n'étais pas dans une démarche rétrospective et j'avoue ne pas m'être demandé si ce serait "abordable" ou non pour quelqu'un ne connaissant pas du tout.

      En fait, et cela répondra indirectement à ta vanne sur les remakebootvaladaptations, une des raisons pour lesquelles Le Golb est resté silencieux durant une longue période est que j'avais le sentiment d'avoir écrit sur quasiment tout ce sur quoi j'avais réellement besoin d'écrire. J'aurais pu continuer à alimenter le site régulièrement (tu serais étonné de savoir le nombre d'articles que j'ai écrits pendant tout ce temps sans les publier), de manière sérieuse et "professionnelle, mais j'avais en quelque sorte besoin d'en avoir besoin. Donc voilà : ce texte répondait à un besoin, personnel, et la seule question que je me suis posée en l'écrivant était de savoir si je réussissais à transmettre ce que j'avais envie de transmettre (à vrai dire, je n'en suis pas sûr).

      Et donc cela signifie que oui, peut-être que dans l'avenir je serai amené (parce que j'en éprouverai le besoin) à ré-écrire sur certaines choses, avec une perspective différente ou sous un autre éclairage. Bon. Ce blog a seize ans, hein. Et à l'image de son auteur, il est un work in progress permanent ;-)

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    2. Quant aux recommandations d'écoutes... Jesse Malin tous projets confondus a dû publier dans les 16 LPs et je les aime presque tous, ce serait plus rapide de lister les albums à ne surtout pas écouter pour le découvrir ^^ :
      - celui de Bellvue (pour les raisons évoquées dans l'article)
      - le premier DGen de 1994 (un peu chiche niveau prod et ses meilleurs titres sont repris sur le suivant)
      - Love It to Life (quelques très bonnes chansons mais beaucoup d'autres très anecdotiques)
      - et enfin les deux seuls que je n'ai pas du tout évoqués dans le texte ci-dessus, à savoir l'album de reprises On Your Sleeve (au demeurant sympathique) et celui de The Finger (groupe de hardcore qu'il a monté avec Ryan Adams au début des années 2000... efficace mais on est plus dans le délire entre potes et tu sais comme je déteste les groupes gag).

      A peu près tout le reste peut faire office de porte d'entrée correcte, les meilleurs opus étant incontestablement (et par ordre de publication) No Lunch, The Fine Art of Self-destruction, The Heat, New York Before the War et Sunset Kids.

      Satisfait ? :-)

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    3. Tout ça sent fort le remakebootval de la chronique d'Adore pour les 25 ans de l'album ;)

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    4. Je ne peux ni ne veux rien promettre. Mais si je suis dans le même état d'esprit d'ici juin 2023... oui, c'est sûr qu'il y aura quelque chose.

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  2. Rien à voir mais pourquoi des fois la fonction commentaire depuis le compte Google est grisée et des fois non?

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    1. En fait c'est tout con, tu dois être connecté AVANT de taper ton commentaire (contrairement à autrefois où tu pouvais le faire n'importe quand).

      (je repasse plus tard pour répondre à ton gros pâté ci-dessus ;-))

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  3. Très bel article, vraiment. Continue à publier des choses comme ça tous les trois jours s'il te plaît. Peu importe le sujet, tu pourrais aussi bien t'asseoir et nous raconter ta semaine ;)

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    1. Hum, c'est intéressant comme concept mais je crois avoir déjà donné ;-)

      Merci pour le message en tout cas.

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  4. Ah le bon vieux temps de NPA! Que de trucs découverts dans cette émission! Dommage que les vidéos soient toutes pourries elles traduisent rarement la baffe qu'étaient ces prestations. Faudrait les compiler et les restaurer :)

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    1. Tu prêches un converti. Je viens de découvrir qu'il existait des versions HD de certains passages (Nirvana notamment) mais tous n'ont pas été cette chance. Je pense par exemple (parce que je l'écoutais tout à l'heure) à Richard Ashcroft interprétant la plus belle version que j'aie jamais entendue d'"A Song for the Lovers" (et j'en ai entendu paquet).

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