mardi 5 avril 2016

J'ai oublié de te dire #4

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Cheval Blanc est le seul artiste à avoir eu droit, sur ce blog, à plus d'articles qu'il n'a publié d’œuvres. Ce n'est pas grand-chose et en même temps, cela suffit à dire l'essentiel, à souligner la place que ses trois petits disques ont occupé dans ma vie – et occupent encore, même si peut-être un peu moins. Parce que je bois moins. Parce que je me couche moins tard. Parce que je suis moins seul, même si je le suis encore évidemment, comme tout le monde. Parce que je suis de plus en plus dur, en vieillissant. Je crois. Les gens n'imaginent pas à quel point. Il en faut beaucoup me renverser, désormais. Des poignées de morts au moins, ou un film de Disney. L'angoisse est devenue tellement permanente, tellement... banale, pour moi. Je ne sais pas à quel moment je suis devenu dur comme ça. Ça m'effraie, parfois, cette impression que plus rien ne peut vraiment me toucher. Cheval Blanc arrive encore à ça. L'écouter a toujours quelque chose d'une violence. Il n'est pas rare que je me retrouve assis, le regard perdu, le corps mou et les lèvres s'agitant dans la vague en dessinant ces mots que j'ai fini par connaître par cœur. "Ne me dites pas que vous m'aimez / Ce pourrait bien être un problème / Car s'il est vrai que vous m'aimez / Alors je devrais vous tuer". Il y a une pureté dans ces chansons que je ne retrouve nulle part ailleurs. L'évidence des mélodies. La nudité des habillages – Dieu que c'est élégant, d'être ainsi nu. Et jamais l'on a froid, pourtant, lorsqu'on se passe ses disques. Il y a une chaleur dans la voix qui transcende la tristesse de ce qu'elle nous raconte. Ces EPs sont du genre dans lequel on aime à se pelotonner, ils réconfortent sans trop qu'on sache pourquoi. Je sais combien tout cela te semble noir. Je sais comme tu n'aimes pas me voir m'enrober du casque pour me plonger dans "Les Amants morts", dans "À la mort du monde", dans "Alcool". Cette manière que j'ai de chercher des yeux un verre, toujours, dès les premières mesures. Tu m'autorises tout au mieux à fredonner "L'Amour est en guerre", parce que tu sais que tout cela n'est pas sérieux, et peut-être parce que tu trouves les paroles un peu con (permets-moi de te signaler que tu sous-estimes considérablement ma capacité à céder toutes larmes aux mélodies les plus naïves). Je n'y peux rien. Je me sens bien, quand j'écoute ces disques. Je vois l'été. Je me vois moi, traîner un bar, un livre à ma gauche et un stylo à ma droite. La bière au bec, ou la clope. Depuis combien de temps n'ai-je pas fait un truc comme ça ? Marcher sans but, puis m'assoir sans raison. Écrire. Rentrer en titubant légèrement, le front perlant de sueur, en fredonnant ces chansons où "les derniers amants se lèchent les yeux", où "la menace" est "éthérée" et la révolution, "un jeu d'enfant"... les sens à vifs et les yeux errants, à l'horizon ou sur les jambes de quelque "petite pisseuse" au faux air de "gourmandise". Tellement de vie dans ces mots. Tellement de Vrai et de Beau, ces trucs dont je ne sais jamais quoi faire, que j'ai peur parfois de ne plus voir et dont j'oublie, tout le temps, qu'ils sont ce à quoi nous devrions tous aspirer. Je me sens vivant, oui, quand je me pelotonne dans les chansons du Cheval Blanc. Essoufflé, tremblant, perclus de crampes... mais vivant. Je n'ai pas dit que c'était agréable. Mais il y a là-dedans quelque chose de grisant. Non ?



5 commentaires:

  1. J'avais acheté le premier (je crois) suite à un de tes articles, et puis j'ai pas trop suivi mais je ne sais pas pourquoi parce que j'avais trouvé ça vachement beau. Je vais écouter le reste tiens, merci pour la piqûre de rappel!

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  2. J'aime cette rubrique (trop rare), j'aime Cheval Blanc (trop rare) et j'aime le 6 avril ;)

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  3. T'as surtout oublié de nous dire sur Facebook ;))

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