jeudi 6 juin 2013

Queens Of The Stone Age - Les Gros branleurs aussi, parfois, ont leur petit cœur qui saigne.

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2013 est une grande année à vieux, et les Queens Of The Stone Age sont les plus cools de tous les vieux. L'équation est aussi simple que ça. On sait que ce premier album en six putains d'années sera un bonheur avant même de l'entendre, et on pourrait presque s'arrêter ici. Gros bisou mon p'tit Josh - ça fait vraiment plaisir de te voir prendre de la bouteille.

Parce que c'est tout de même un problème sacrément récurrent : à force d'être éternellement jeune, on finit par devenir bêtement vieux. Drôle d'histoire, quand on y pense. Le petit Josh, qu'on connaît quasiment depuis sa puberté, vient de fêter ses quarante balais - on avait presque fini par cesser d'y croire. C'est une joie intense - pas loin - qui s'empare de l'auditeur à l'écoute de ...Like Clockwork : ENFIN ! Enfin, Josh nous sort un album avec rien que des mid-tempos et un quart de ballades ! MERCI MON DIEU - il y a donc une justice. Le problème évidemment, c'est qu'en dehors du fait que ...Like Clockwork est un grand disque, la réalité est un peu plus complexe que cela. So much pour le proverbial album de la maturité. Comme si le rock'n'roll devait ou même pouvait devenir mature. Au moment de jeter son oreille un tantinet anxieuse sur le nouvel opus des QOTSA, l'auditeur n'a que deux craintes : qu'il s'avère un énième ouvrage d'adult-rock aussi dépourvu de groove que de fraîcheur, et/ou qu'il se révèle à l'instar de son prédécesseur un disque à formules. Même si l'on a fini par s'y habituer et même apprécier Era Vulgaris, il était tout de même tout sauf rassurant d'entendre le meilleur groupe de sa génération capitaliser mollement sur son sens du riff et ses facilités en matière de refrains catchy, oubliant qu'une grande chanson est un peu plus qu'une somme de qualités intrinsèques.


C'est que si elles se sont rarement réunies autrement que pour tourner ces dernières années, les Reines de l'Âge de Pierre n'ont en revanche pas manqué de nous inonder de projets plus caricaturaux les uns que les autres, déclinant à l'infini le son Queens Of The Stone Age comme autant de rejetons honteux dont aucun parent digne de ce nom n'aurait osé soutenir le regard. Si les Queens n'ont jamais inventé la poudre, elles avaient au moins une identité musicale forte et c'est une lapalissade que de dire que ses membres ont, de guests en side-projects, passé leurs six dernières années à se pasticher eux-mêmes dans un mélange de talent pur et de ridicule. Si ...Like Clockworks fonctionne quasi instantanément, c'est en grande partie parce qu'il sonne bien moins QOTSA que tous les autres projets de ses musiciens. Alors que les dernières tournées présentaient un groupe de plus en plus carré et prévisible, ces dix nouveaux titres rassurent sur la santé d'un collectif dont on finissait par craindre qu'il essaie de nous refaire "Go with the Flow" ad vita aeternam. Point du tout, très chers : les Queens' 2013 ont décidé de prendre des risques, quitte à décevoir, et même si elles n'en avaient peut-être pas besoin tant leur trône de meilleur groupe en activité a peu vacillé sous les assauts d'une concurrence incroyablement faible durant ces six années de silence (allez, citons pour le principe les géniaux A Place To Bury Strangers, dans un registre on ne peut plus différent). Les premières secondes du ténébreux "Keep Your Eyes Peeled", sa poisse made in Lullabies for Paralyze et ses relents d'Alice In Chains, abondent d'ailleurs dans ce sens. Idem de la sucrerie maison qui lui succède, "I Sat by the Ocean" : le titre le moins original et même prévisible de ce nouvel album suffit amplement à rappeler qui est le patron du rock'n'roll contemporain, qui connaît les bons riffs, les bonnes mélodies et les bons gimmicks de prod' (le son est pour ainsi dire parfait. As usual). Qu'ils nous ont manqué, putain. A peine s'ils ont besoin de se forcer pour récolter les suffrages, et le pire - enfin : le mieux - c'est que cette entrée en matière à la fois totalement brillante et absolument paresseuse ne dit quasiment rien ce qui va suivre. C'est sur la durée que ...Like Clockworks s'impose comme une évidence. Qu'il s'installe confortablement dans le cerveau de l'auditeur pour ne plus en sortir - et pas que pour lui faire du bien.

Car ce que son auteur présente de manière sibylline comme une réflexion sur la nécessité d'aller de l'avant (autant ne rien dire, hein Josh...) se révèle surtout au fil des écoutes bercé par une inhabituelle mélancolie, voire une forme de douleur sourde que l'on ne s'attendait pas forcément à croiser sur un disque du groupe le plus indolent et crâneur de sa génération. Lullabies for Paralyze, dont celui-ci se rapproche souvent, était bien évidemment un disque sombre, torturé et ombrageux. Mais il n'était jamais triste, ce que ...Like Clockworks est pour sa part très régulièrement, notamment dans ses innombrables ballades qui, la prod' ultra-léchée mise de côté, dévoilent un dénuement d'autant plus surprenant qu'il s'agit bel et bien - et comme toujours - d'un album à guests. Sauf que non. Sauf qu'on a tôt fait de les oublier. Alex Turner, Reznor, Oliveri, Lanegan, Elton John (!) et tous les increvables VIP du rock-qui-présente-bien ont beau se succéder piste après piste, aucun ne parvient à gâcher les "The Vampyre of Time and Memory" et autres "My God is the Sun". Ils arrivent parfois même à apporter quelque chose (Cf. "Kalopsia", power-ballade XXL co-signée Turner), quoique le sentiment dominant soit paradoxalement celui d'un album... intimiste, oui. Malgré ses trente-douze invités et sa propension à bander très fort les muscles (et les amplis) pour montrer que là, il va y avoir de l'émotion. En un sens, ...Like Clockworks est un album très facile à moquer et caricaturer, comme tout ce qui brûle la chandelle rock'n'roll par les deux bouts. Ce sera sans doute un défaut au yeux des plus intégristes, qui déjà lui reprochent d'être mou du jonc (on ne saura que trop leur conseiller de monter le son et de se resservir un godet). C'est pourtant bien l'une de ses forces que cet art de jouer dans les interstices, et de composer de grandes chansons accessibles sans jamais confondre le grandiloquent avec le putassier. Des trucs ultra codifiés (ah ! ces soli qui donnent l'impression de jaillir pile quand on les attend) rarement aussi simples qu'ils y paraissent (derrière les mélodies ultra-bright, les architectures des morceaux filent assez régulièrement le tournis). Des exercices de style peut-être, sûrement, mais qui n'ont jamais l'air de l'être et épatent par leur spontanéité et leur mordant. Un ami me disait il y a quelques temps qu'il avait l'impression d'aimer cet album par nostalgie ; il devait être fin saoul, car jamais ...Like Clockworks ne donne le sentiment d'essayer d'être un nouveau Rated R ou Songs for the Deaf. A la fois bien plus aéré et autrement plus corsé, ce sixième album s'en va, ses deux premiers morceaux passés, sur des territoires que le groupe n'a jamais sérieusement pris le temps d'arpenter, surprenant plus qu'à son tour et délivrant quelques jolies leçons de pop. Preuve en est que toute personne allergique aux power-chords a 90 % de chance de rejeter la greffe. Et tant mieux - à ce degré de notoriété les groupes encore susceptibles de prendre des risques sont trop peu nombreux. Celui-ci y parvient, et encore avec la manière. En se rappelant ce qu'est cette musique qu'il joue, cette musique basique, commerciale et sans fioriture même lorsqu'elle essaie pataudement d'être jolie. Peu importe dès lors qu'il se fasse déboiter pour de mauvaises raisons : "The Vampyre of Time and Memory" serait-il l’œuvre d'un groupe inconnu que l'on crierait au génie, et si Soundgarden publiait un truc moitié aussi bon que "Kalopsia" ou "Fairweather Friends", on parlerait de la plus grande reformation de tous les temps. Il y a moins que jamais à tortiller du cul : les Queens Of The Stone Age sont le plus grand groupe de rock'n'roll de notre époque. En fait, il est fort possible qu'ils soient le seul.


👍👍👍 ...Like Clockwork 
Queens Of The Stone Age | Matador, 2013

26 commentaires:

  1. "Même si l'on a fini par s'y habituer et même apprécier Era Vulgaris"
    Euh, t'as pas honte d'user de provocation aussi facile ?

    Note que si on te suit, on pourrait faire de même pour NIN en remplaçant EV par Year Zero ! :-D

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    1. A la limite je trouve mon point de vue sur Year Zero beaucoup plus discutable que mon point de vue sur Era Vulgaris, dont je n'ai jamais dit non plus que c'était un grand disque et que j'avais même plutôt saqué à l'époque. Maintenant le cas d'EV me semble assez bien illustrer ce que j'écris en conclusion. Parce que même si ce n'est pas un album mémorable, il y a quelques chansons dessus (pas toutes, loin de là) qui me semblent valoir largement le plus gros de ce qui s'est produit depuis en matière de gros rock...

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    2. mouais je reste quand même très dubitatif sur EV. C'est une vraie déception, encore que le mot est assez maladroit, car j'en attendais pas grand chose.
      Quant au nouveau disque, pas encore eu le temps de lui offrir une véritable seconde écoute. Mais les QOST semblent avoir réussi leur virage quadra.
      A confirmer néanmoins après écoutes ;-)

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    3. EV est un disque de glandeurs qui s'assume comme tels, je crois ^^

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    4. Voire même qui s'assumENT. C'te folie !

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    5. Par contre (je suis en train de l'écouter), je trouve (toujours) aussi cliché le morceau "The Vampyre Of Time And Memory" :-S

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    6. Mais je crois que c'est voulu...

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  2. Eh bien si à chaque fois que je commande une chronique j'en ai eu de cette taille et de ce niveau, je vais demander plus souvent :-)

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    1. Je vais briser tes rêves, mais j'avais en fait déjà commencé à écrire quelque chose quand tu as passé ta commande :-)

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  3. Entièrement d'accord sur l'album. Moins sur les side projects. J'avais adoré (oui, je sais, je suis un peu seul) Them Crooked Vultures. Et je crois me souvenir que tu avais toi aussi apprécié Mini Mansions. Je trouve d'ailleurs l'apport de Michael Schuman dans ce nouveau disque très repérable (un morceau comme Kalopsia aurait pu être sur le Mini Mansions). Quant aux invités, de fait, ils sont presque tous rassemblés sur un seul morceau, Fairweather Friends (+ If I Had a Tail + Navarro un peu partout certes), qui, avec ses voix empilées et se succédant en cascade me subjugue. Grand disque ? Peut-être.

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    1. Ska : non, moi aussi j'aime beaucoup Them Crooked Vultures !

      Thomas : désolé, je n'ai aucun commentaire constructif à apporter à cet article. Je me contente d'un like sur FB, mais il est gigantesque.

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    2. Autant je n'étais pas d'accord avec toi Ska lors de la sortie de TCV, autant désormais j'y trouve pas mal de qualités. Quelques titres en trop, mais ça reste un "supergroupe" efficace avec une bonne poignée d'excellents titres. Comme quoi ^_^

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    3. SKA : tu vas rire, je ne me rappelle jamais que Mini Mansions est un side project queensofthestonien. Probablement justement parce que je trouve cet album fabuleux :-)
      Donc du coup, oui, un point pour toi. Par contre je ne suis pas vraiment d'accord sur le fait que "Kalopsia", genre de super-slow de stadium rock, pourrait être sur le Mini Mansions dont les mélodies sont cristallines et les arrangements extrêmement fins.

      KLAK : mais même un like, c'est toujours bienvenu tu sais ;-)

      DOC : dis, je t'ai parlé de Year... euh non bon, ok ^^

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  4. C'est quand même pas tout à fait vrai ce que tu dis sur les ballades, ça fait quelques albums qu'il y en a 1 ou 2 à chaque fois donc à partir de là ça ce n'est pas quelque chose qui me surprend. La différence c'est surtout que c'est album est très court et que du coup quand tu as 3 ballades sur 10 titres ça se voit carrément plus que quand tu en as 3 sur 15...

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    1. Excuse-moi mais ce n'est pas du tout le même genre de ballades. "I Never Came" ou "Into the Hollow" (au pif) ne sont pas des SLOWS comme le sont ceux de cet album...

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  5. Cette bonne année à vieux, c'est une bonne excuse pour parler de tout ce dont tout le monde parle. Le Golb vire mainstream ;)

    Je plaisante, cet album est super et ça fait plaisir de lire enfin une critique dithyrambique à son sujet :)

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    1. Ah mais complètement. D'ailleurs le prochain article sera consacré au nouveau Élodie Frégé. Nan, c'pas vrai.

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    2. Ce ne serait pas la première fois ;)

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    3. Chuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuut.

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  6. "Soundgarden publiait un truc moitié aussi bon que "Kalopsia" ou "Fairweather Friends", on parlerait de la plus grande reformation de tous les temps"
    Ah ah, belle boîte, je la garde pour mes diners mondains !
    Hé oui mais Cornell ayant -lui- royalement craqué son slip à la quarantaine, c'est pas près de se produire...

    Sinon, je n'ai pas écouté l'album attentivement (comprendre je faisais autre chose en même temps) et le bilan est après deux jours de mini recul : punaise Josh a pris un coup derrière les oreilles. Je savais pas pour sa moitié de mort avant que je ne farfouille sur le net pour essayer de voir si mon impression était justifiée ou juste du fait du manque de sommeil. Et est-ce que c'est du à ça ou pas mais l'album a une sorte d'épaisseur que je ne lui attendais pas.
    J'avais aussi peur de la cohorte d'invités et en fait, je suis assez d'accord avec toi, ça ne prend pas le pas sur le boulot du groupe et surtout, ça ne ressemble pas à un concours de guests puisqu'ils sont bien employés.

    Dernier truc auquel je plussoie (et je t'en attendais pas moins d'Homme) : punaise qu'est-ce que c'est bien produit, y'a pas un poil qui dépasse, c'est un bonheur :).

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    1. Oui, Cornell est sorti de route à un moment, on n'a jamais trop su pourquoi car ses débuts solos et le premier Audioslave étaient plutôt dignes... Cela dit, je n'en ai pas parlé à l'époque, mais j'ai été assez agréablement surpris par le dernier Soundgarden, très au-dessus de la moyenne des albums de reformations habituels. D'ailleurs je l'écoute encore assez souvent. Reste que "Fairweather Friends" est un meilleur morceau de Soundgarden que tout l'album de Soundgarden ^^

      Je ne suis pas du tout au courant non plus pour sa moitié de mort, tu nous racontes ? (oui, je suis flemmard !)

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    2. Tout à fait d'accord, le premier Audioslave est un bon album pour un truc qui mit à peu près d'accord les radios et le public "d'origine" des deux groupes.
      Et y'en a qui se reforment en ayant trop la frousse de sortir un nouveau truc et qui rejouent inlassablement les tubes de leur glorieux passé... (suivez mon regard --> RATM).
      Enfin, c'est un autre débat ;).

      Concernant Josh Homme, j'ai lu sur un site très sérieux (NME) que suite à une opération il s'est retrouvé "mort" pendant un certain temps (l'article n'étant pas publié dans le Lancet, on a pas plus de précision).
      J'ai ensuite trouvé le même genre d'info (cross-check oblige), sur la page wikipédia anglophone consacrée à ...Like Clockwork, le "background" de l'album. Si c'est sur wiki, c'est que c'est vrai !
      Bref, blague à part, je trouve que la claque/prise de conscience se sent sur cet album si on l'écoute dans son ensemble, puisque je ne savais rien de tout ça avant. Ou alors j'ai juste eu de la chance ^^

      C'était un jour une life, dans la vie de Josh Homme *Jingle France 3*

      Sources :
      http://www.nme.com/news/queens-of-the-stone-age/54615
      http://en.wikipedia.org/wiki/%E2%80%A6Like_Clockwork



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    3. Bref, le NME t'a appris sa NDE :-)

      (oui bon... c'est pas si pourri comme formule, si ?)

      Je n'étais pas du tout au courant ; effectivement ça explique sans doute la teneur plus sombre de cet album. Merci pour l'info.

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  7. Article salutaire qui remet les choses à leur place concernant cet album et le groupe en général. J'ai lu trop d'avis bêtement négatif qui consistaient grosso modo à déplorer que le groupe ne soit pas comme avant.
    C'est une opinion respectable, mais bon comme tu le dis, je préfère voir le groupe aller voir ailleurs plutôt que de tenter de taper plus fort qu'il y a 10 ans (ce serait un non-sens parfait). Cet album donne le sentiment agréable d'entendre des mecs qui savent très bien ce qu'ils font, avec un dosage quasiment irréprochable (quelques titres menacent de plonger). Dans la veine de "Make It with Chu", qui était la meilleure chanson d'EV, et une des meilleures du groupe en général, bien qu'assez décalée du QOTSA typique en apparence. C'est mieux que de retenter "Sick Sick Sick" qui, malgré ses qualités, était un peu vaine.
    La prod est parfaite, tout est catchy à souhait, je suis comblé. Encore quelques écoutes et j'en fais un top album (pour l'instant c'est juste un petit plaisir).

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    1. Nous sommes d'accord.

      Moi les avis que j'ai le plus lus se résument à "c'est mou et chiant". Je ne suis évidemment pas du tout d'accord :-)

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  8. Et bien après l'avoir trouvé mou et chiant, je reviens sur cet avis péremptoire issu d'une écoute distraite.
    I appear missing est le plus beau morceau que j'ai écouté cette année et la couleur noire de ce disque me bouleverse (the vampyre est sublime...)
    Le live était tout simplement fabuleux.
    Le meilleur disque de l'année (mais évidement je n'en écoute que peu...)
    :-)

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