vendredi 7 juin 2013

Miles Kane - Flamboyant, donc.

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Si c’est la pub qui le dit, c’est que quelque part ce doit être vrai. La pub ne ment pas. Jamais. On le saurait, non ? Alors si chaque matin en allant travailler la première phrase qui croise mon regard indique que « Miles Kane incarne le renouveau d’un rock anglais flamboyant », c’est qu’une forme de vérité doit pouvoir s’en dégager sans trop avoir à se tordre l’esprit. Ni sombrer dans un demi-sourire en se disant que pour un type incarnant le « renouveau » de quelque chose, l’ex-Rascals, tout vingtenaire qu’il soit, est tout de même là depuis un sacré bail. A moins bien sûr qu’il s’agisse d’une énième blague du type des régies publicitaires parisiennes qui, depuis plusieurs mois, s’amuse à me jouer des tours en collant Miles Kane sur la devanture d’un bar de Barbès. Il avait commencé avec Zazie, en début d’année. Sur le coup, le plan ne sautait pas vraiment aux yeux. C’est quand j’ai vu une affiche pour le concert de Booba à un arrêt de bus de Levallois (véridique) que j’ai compris qu’il y avait un gars, quelque part, prêt à risquer le licenciement pour faute grave dans l’unique but d’éduquer les masses et de défendre une certaine idée de la diversité culturelle. Un héros moderne ou pas loin, qui ne rédige évidemment pas toutes ces pubs plus connes les plus que les autres mais semble fermement décidé à dégager une poésie bizarre et un peu fascinante de leur simple agencement.

Plus connes les unes que les autres, notez : ça se discute. Si la phrase barrant la pochette du nouveau Miles Kane reste en tête, c’est qu’elle doit bien dire quelque chose de plus qu’une autre. Il faut reconnaître que le mot « flamboyant » n’est pas mal choisi. On voit certes mal quel est ce « rock anglais flamboyant » dont le gamin de Liverpool est supposé représenter le présent et – n’ayons pas peur des grands mots – le futur, mais la flamboyance en tant que telle est belle et bien de sortie sur ce Don’t Forget Who You Are, deuxième opus solo qui reprend les grandes lignes du précédent, ajoute encore quelques arrangements crooner-guimauve histoire qu’on oublie une fois pour toute que le chanteur n’a que vingt-sept ans, et touille le tout dans la morgue et la bonne humeur. Déjà, il y a deux ans, Colour of the Trap avait laissé une empreinte agréable. Sans déchaîner les passions, d’autant qu’on était encore sous le coup de la vraie baffe rock’n'roll du premier-et-dernier Rascals, mais allons : on avait là un disque de pop solide, capable dans ses meilleurs moments (Come Closer, Rearrange) de donner envie de danser tout nu dans le salon (à chacun la vocation qu’il mérite). Avec le recul, on le suit d’autant plus aisément qu’on a eu le temps de se faire à l’idée que le jeune homme ait pris quinze ans en quatre disques et ait renoncé aux ténèbres de ses débuts pour se réinventer en dandy qui ne froisse jamais son veston lorsque le tempo s’énerve. On sera même tenté d’utiliser l’horrible expression d’album de la consécration à propos d’un disque qui s’ouvre sur un titre terrible ("Taking over") et assume désormais de bout en bout le fait de faire de la vraie bonne britpop à l’ancienne, jusqu’au bout d’arrangements toujours aussi classieux et surannés dans le même temps. Du ladrock d’antan ne restent que quelques embardées plus excitées que vraiment couillues ("Darkness in Our Hearts", excellent morceau de clôture une fois qu’on a oublié son titre totalement décalé), un goût prononcé pour les rythmiques à bout de souffle et surtout une voix – et quelle voix. Morveuse, sûrement horripilante pour certains, mais tellement pleine de crânerie qu’on est prêt à pardonner à son propriétaire à peu près tout ce qui ne colle pas dans cet album… soit donc assez peu de choses, au final, l’ensemble s’avérant sans doute plus constant que sur Colour of the Trap, album attachant qui avait toutefois une exaspérante tendance à enchaîner les tubes et les grosses chansons bien ringardes.

Rien de cela ici, même si l’on ne peut pas s’empêcher de se dire par instants qu’il manque toute de même une vraie, grande chanson histoire de clore les débats et de confirmer une fois pour toute ce que l’on n’arrête pas de hurler en vain depuis des années : au sein des éphémères Last Shadow Puppets, le véritable génie, le seul dépositaire du son de cet album qui a traumatisé toute une génération de gamins dont on imagine qu’ils sont désormais de jeunes adultes, était bien le discret et terriblement talentueux Miles, dont le seul péché aura été d’avoir été (au moment des faits) un illustre inconnu partageant l’affiche avec la déjà-star Alex Turner. Las, ce n’est pas la direction qu’il semble avoir voulu prendre et Don’t Forget Who You Are contient plus de (très) bons moments qu’il ne renferme de morceaux majuscules. Que cela n’empêche personne de le savourer, car s’il faudra repasser pour le fameux « renouveau du rock anglais », ce – seulement – cinquième album tous projets confondus a pour lui de défendre une certaine idée de la pop de là-bas. Soignée, carrée aux entournures, parfois démesurément produite mais putain de jouissive lorsque l’on prend la peine de marcher dans la combine. Une anecdote valant mieux qu’un long discours, précisons que quasi simultanément sont arrivés dans la boite le premier album solo de James « The Coral » Skelly et la nouvelle exaction des sympathiques Oasis Beady Eye, soit donc les deux artistes-groupes auxquels Miles Kane doit tout. Devinez lequel de ces trois disques tourne encore, et lesquels ont déjà été proprement rangés dans les étagères ?


👍 Don’t Forget Who You Are 
Miles Kane | Columbia, 2013

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