lundi 29 avril 2013

[CDG2013] Le Cocktail d'avril

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On connaît le proverbe : mars déserté, avril étriqué. Pas moins de quatre candidats au Top 20 de fin d'année dans la sélection du mois, entre éternels chouchous, pointures et inconnus de la semaine. De quoi occuper les longues soirées de printemps.

👍👍 Alexandre Varlet - Alexandre Varlet

Qu'il est aride, ce nouveau Varlet. Un brin mal aimable, avec ses mélodies sèches et ses refrains abruptes, sa production épurée et cette voix presque antipathique malgré des climats se voulant intimistes. On a un mal de chien à entrer dedans. On ne jurerait pas que c'est fait exprès mais il est assez évident que cet album sans titre pourra servir d'antithèse (d'antidote ?) à cette pop anglophone-et-pourtant-tellement-franchouillarde-dans-le-fond dont on nous abreuve à longueur de communiqués de presse et publi-rédactionnels déguisés. En déshabillant des compositions habituellement richement produites, jusqu'à cette interprétation en perpétuel état d'hypnose, l'auteur du magnifique Dragueuse de fond ne s'est en tout cas pas facilité la tâche et ne risquera pas décrocher la timbale cette fois-ci encore.
Qu'on n'aille pas chercher plus loin le pourquoi du comment un album paru fin janvier finit en tête de gondole de la sélection du mois... d'avril. Alexandre Varlet a d'abord rebuté, irrité même, avant de révéler ses secrets au goutte à goutte (c'était bien la seule trace d'humidité dans cet ouvrage désertique). Notamment le collier de perles constituant sa seconde partie - peut-être moins revêche, comme si quelque part il fallait la mériter. A vrai dire quelques semaines plus tard, tout cela fait bizarre à écrire tant cette grosse demi-heure de folk neurasthénique a logiquement trouvé sa place au côté des autres disques de son auteur, et pour cause puisqu'il constitue dans le fond l'aboutissement d'une mue entamée il y a déjà quelques années avec Ciel de fête, couronnant une envie évidente d'harmonies plus brutes (du moins en apparence - un disque de Varlet est par définition finement arrangé et celui-ci ne déroge pas à la règle), de textes plus pesants, d'atmosphères à couper au couteau. Le résultat sonne parfois dur, relativement radical mais surtout d'une grande cohérence même lorsqu'il s'éloigne de sa ligne acoustique ("Umovedown"). Depuis toujours, on aimait surtout chez Varlet ses aspérités et cette âpreté qui le classaient instantanément à part de toute la production française. Ce disque tellement plus américain n'est que cela, de son ouverture crépusculaire à sa jolie chanson de clôture - en passant par son escale quasi-Laneganienne ("Fragile") ou sa grande ballade désolée ("Patience"). Brillant.

Les Autres disques d'avril...

Mini-coup de coeur du mois Adam Lempel & The Heartbeats - Adam Lempel De l'élégance, de la pop chaloupée et des mélodies ensoleillées... honnêtement, on a un peu de mal à croire qu'Adam Lempel et ses copains viennent de Baltimore. Instinctivement, on les aurait volontiers envoyé (beaucoup) plus à l'ouest des USA, mais comme le chantait si bien l'immense Maxime Le... bref ! L'album est en name your price, et vous auriez franchement tort de vous priver si vous aimez la pop un peu garage, un peu folk, un peu psyché et beaucoup bien.

Here Comes the Summer Bye Bye 17 - Har Mar Superstar Il est moche, grassouillet, a l'étrange habitude de se promener en slibard et même sans l'avoir vu, on devine qu'il pue la transpiration. Autant dire que le décalage entre l'apparence de Sean Tillman et sa musique a rarement été si marqué. Parce que ce type à la dégaine de clodo a tout simplement publié la semaine dernière le meilleur album soul de l'année, avec tout ce que cette expression induit de fraîcheur, de groove et de classe. Quand on vous dit que tous les chanteurs font ce job pour devenir sexy...

Réconciliation Ghost on Ghost - Iron & Wine Avec Sam, on s'était quitté un peu fâché après son improbable virage Peter Gabriel. En l'espace de quatre ans, il était passé du t-shirt troué à la doudoune griffée, avait entrepris de tailler régulièrement sa barbe et qui sait ? de se coiffer. C'était un peu trop d'un coup et si ce nouvel opus poursuit dans une volonté de choucrouter à tout va, la qualité de son songwriting est cette fois-ci inattaquable. D'une splendeur à une autre, on se laisse facilement embarquer par cette musique luxuriante, pop ou soul, jazz ou gospel sinon blues... Ghost on Ghost est de ces albums apéritifs qui accompagnent volontiers la tombée de la nuit, toujours un peu entre deux eaux, donc insaisissable. Grand disque ?

Très low, fi Holo Pleasures - Elvis Depressedly Mettons tout de suite les choses au clair : si vous ne supportez les trucs lo/fi, si le concept de disque homemade vous en touche une sans faire bouger l'autre et si pour vous le garage est plus un lieu qu'une esthétique, inutile d'aller sur le Bandcamp d'Elvis Depressdly - vous pourriez ne pas vous en remettre. En revanche, si l'étrange homophonie entre grâce et crasse vous a toujours troublé, c'est par-ici que ça se passe.

Crossover Indicud - Kid Cudi A peine un an depuis le fabuleux album de WZRD que déjà le Kid est de retour, pour peu ou prou le même tarif, en plus hip hop - mais le résultat est tout aussi industriel et spatial. Quitte à faire dans l'homophone boiteux, il aurait d'ailleurs aussi bien pu appeler ce troisième album studio Indie Kid tant il évoque plus souvent Reznor que n'importe quel artiste hip hop contemporain, ce qui n'est fatalement pas pour déplaire par-ici. A vrai dire, Indicud, même si sans doute un poil trop long, le voit atteindre un niveau de qualité tel que Kid Cudi vient d'entrer dans le club très fermé des types qui sauf bouse intersidérale auront toujours l'oreille de ce blog. Bienvenue chez toi, petit.

L'Inconnue folk du mois In the Smallest Voice - The Quiet Lion Un jour, il faudra songer à en faire une rubrique. Une section spécialement dédiée à tous ces folkeux anonymes qui s'ébrouent dans le silence des Bandcamp et consorts et produisent des ouvrages aussi simples que convaincants sans le soutien de quiconque à part de vingt-quatre fans sur Facebook. The Quiet Lion est de ceux-là, et ce n'est pas le plus mauvais du genre. En huit titres feutrés, il s'autorise à regarder droit dans les yeux quelques pointures du genre, et si l'ensemble demeure imparfait, on est malgré tout bluffé par le soin apporté à la production et au songwriting. A découvrir.

Rock arty Phantom Head - The Scaramanga Six Culte à sa manière (il existe depuis longtemps et n'intéresse pour ainsi dire personne), le Scaramanga Six fait partie des ces groupes précieux qui s'ils n'ont jamais vraiment eu de succès sont toujours parvenus à échapper aux modes, tendances et autres chapelles qui nous polluent les oreilles à intervalles régulier. Proche du prog dans l'esprit, pas si éloigné du post-punk dans le son, fan de Bowie comme tous les individus de goût... le collectif originaire de Leeds taille sa route depuis pas loin de vingt ans et enquille les albums véhéments avec une belle régularité, à défaut de constance. Coup de chance pour les lecteurs du Golb : le septième en date est un très bon cru et constitue la parfaite porte d'entrée pour qui souhaitera découvrir ce rock lettré et féroce.

Indie-rock The Plimptons Are Dead! - The Plimptons Soit, on aurait préféré les (faire) découvrir avant qu'il n'annonce son split. On ne sait même pas comment on a fait pour passer à côté durant toutes ces années. Mais il paraît qu'il n'est jamais trop tard pour bien faire, alors "faisons bien" en recommandant chaudement cet EP aux textes hilarants et aux atours bricolos comme Le Golb les adore.

Pop mal fringuée Ride Your Heart - Bleached C'est moche, un groupe qui arrive trop tard. Deux ou trois ans au moins après la bataille, et alors que les Dum Dum Girls, Frankie Rose et autres Vivian Girls ont déjà l'air de gloires du siècle passé. C'est moche et con, cette indie-pop un peu surf, pas mal garage et vaguement shoe (ou chou) qui ne recueillera pas la moitié de l'écho qui lui aurait été promis en 2009. Parce qu'il est bien, cet album de Bleached. Bien foutu donc mal, bien écrit, pêchu et tout ce qu'il faut. Dommage qu'on ait parfois l'impression de l'avoir entendu quarante fois en quelques années : il est par instants bien plus convaincant que ceux des groupes susnommés.

Folk Me, I'm Not Famous Stone Beads & Silver - Marc Carroll Que dire qui n'ait pas déjà été dit par mon camarade Lyle dans son enthousiaste chronique ? Rien. En dire plus m'obligerait à préciser que je ne suis tout de même pas aussi enthousiaste que lui, ce qui friserait l'injustice tant cet album est une œuvre délectable.

Prog costumé The Terror - The Flaming Lips J'ai beau être le premier à regretter les trublions alternatifs de ma jeunesse, j'avoue que la production récente des Lips continue d'exercer sur moi une fascination un peu malsaine. Je parcours chaque nouvel album comme un monde parallèle bizarre, dont je ne suis jamais certain de saisir les codes mais dont je suis malgré tout heureux de me dire qu'il existe. The Terror ne fait pas exception à la règle.

Punk'n'roll Will Never Die White People & The Damage Done - Jello Biafra & The Guantanamo School Of Medecine "The Brown Lipstick Parade", qui ouvre ce troisième album du meilleur groupe de Jello après celui que vous savez, annonce la couleur : le gnome californien est dans une forme olympique, et même particulièrement en verve sur ce cru 2013, probablement son disque le plus efficace depuis un bail. Je vous ai dit que c'était une grande année à vieux ?

Rock languide Walking on a Pretty Daze - Kurt Vile A chaque nouvelle parution de Vile, que ce soit en solo ou avec The War On The Drugs, c'est toujours un peu la même histoire : on est bluffé à la première écoute, et puis la deuxième arrive, et puis la suivante... et puis à la fin, on a juste envie de frapper le gars en lui disant que bordel de Dieu - un mec puant autant le talent devrait être capable de publier plus que de bons disques. Évidemment ça ne sert à rien : entre son look néo-hippie et sa scansion donnant l'impression qu'il s'emmerde lui-même à chaque fois qu'il le prend le micro, on ne peut pas dire que la couleur nonchalante n'est pas annoncée dès le départ. Mais tant pis : on persiste. On persiste parce qu'un truc comme "Walkin' on a Pretty Day" est tellement au-dessus de la mêlée qu'on ne peut s'empêcher de rêver qu'un de ces quatre, Vile publie un album entier de ce niveau.

Math rock X'ed - Tera Melos Il y a des groupes comme ça, on se dit à chaque nouvel album qu'on devrait être fan, que c'est bizarre tout de même - il faudra réécouter les autres. Tera Melos me fait le coup pour la troisième fois : j'écoute son mélange de math, de prog, de pop et de rock indé. Je prends mon pied. Je me dis qu'il faudra assurément que je ressorte les autres albums. Si je l'écris noir sur blanc, c'est que je compte sur vous pour me le rappeler à la fin du trimestre.

23 commentaires:

  1. Attends attends, il a quel âge ce Varlet ? La bonne quarantaine j'espère parce que sinon il peut pas être album du mois :D

    Sympa la sélection sinon (comme toujours). Enfin ce que j'en connais c'est à dire pas plus de la moitié. Je vois que le naturel est revenu au galop et que tu fais des mini-chroniques ;)

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    1. J'ai honte, je n'ai pas pu me retenir. Cela dit on reviendra peut-être aux "parce que" le mois prochain, car c'était quand même un peu long à mettre en forme.

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  2. Un peu dur avec le Kurt Vile quand même. Autant Childish Prodigy était inégal, autant depuis son dernier album ça devient de plus en plus homogène en termes de qualité, et je trouve qu'il passe un cap avec cet album. Dans la production et le songwriting c'est sans doute ce qu'il a fait de mieux.

    Après, moi je suis très fan de ce qu'il fait depuis le début, donc je ne suis peut-être pas tout à fait objectif.

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    1. Un peu dur ? Je l'ai mis dans la sélection du mois, quand on sait le nombre de disques (une trentaine) qui ont été écartés de la liste finale (sans compter ceux qui n'auraient même pas pu l'approcher en rêve), je pense que je suis plutôt sympa ^^

      Je suis d'accord, cet album est plus constant que d'autres. D'ailleurs au départ, il était même album du mois. Et puis je me suis rendu compte que comme toujours avec lui, il y a surtout deux/trois grands morceaux... et plein d'autres qui sont dans la même veine et prolongent le plaisir mais qui, pris individuellement, sont tout de même beaucoup moins marquants. Mais c'est un bon album, hein, je l'aime bien :-)

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    2. C'est vachement intéressant en fait ton histoire de listes. Vas-y, balance le making of :)

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    3. Tu sais bien que j'ai horreur des making-of ;-)

      En gros, les albums que j'écoute dans un mois sont répartis en trois listes (quatre en comptant la liste non officielle des mauvais albums) : "N°1 possibles", "Sélection du mois - sûr" et "Sélection du mois - éventuellement". Par exemple ce mois-ci, Adam Lempel, Bleached et Scaramanga Six étaient dans la liste "éventuellement", tandis que les autres étaient dans la liste sûre et que Varlet, Iron & Wine, Kid Cudi et Kurt Vile se sont succédés dans la rubrique "N°1 possibles" au gré des écoutes.

      Cela dit ce n'est pas aussi figé car il y a chaque mois des albums sur lesquels je finis par écrire des articles entiers. La chronique du dernier Ed Harcourt, par exemple, ce devait être à la base un "spotlight" du CDG... mais c'était tellement long que j'ai fini par en faire un "vrai" article.

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    4. C'est-à-dire que le Kurt Vile est dans mon top 3 annuel pour l'instant, donc tu ne peux être qu'un peu trop dur avec lui pour moi. Quand je vois avec qui tu l'as mis tu l'as mis en balance... J'ai pas écouté le Varlet mais pour les deux autres y'a pas photo.

      D'ailleurs (pour rentrer dans mes propres considérations de sélection et tout ça), j'avais pensé faire une selection de quelques albums, ou un article sur Kurt Vile, et puis j'ai relu mon article sur son dernier album, et j'avais plus grand chose d'autre à ajouter. Je suis donc bien conscient que cet album, aussi excellent soit il, ne fait que pousser un peu plus ce qu'on connaissait déjà. J'imagine bien que ça peut lasser, ou du moins ne pas trop emballer.

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    5. Tant mieux, tant mieux, ça lui fera au moins un podium cette année :-D

      Enfin cela dit, un top 3 sur lequel on n'écrit pas un article, c'est un top 30 dont on a oublié le zéro ;-)

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  3. "dont on nous abreuve à longueur de communiqués de presse et publi-rédactionnels déguisés"

    Oh, il est énervé, notre Thomthom! Allez, balance :D

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    1. Sinon, moi, Varlet, à part les deux premiers... mais, tu as raison, quelque change à partir de Ciel de fête (le dernier que j'aime bien)

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    2. Pas le moins du monde énervé. C'était juste une vanne. Ça fait quand même longtemps que je ne m'offusque plus de voir des blogs et webzines recopier des communiqués de presse. Sauf si éventuellement quelqu'un fait ça sur Interlignage... là, je montre les crocs, mais il va sans dire que cela n'arrive jamais.

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    3. Ne le prends pas mal, mais sur Interlignage, il y a des articles parfois si complaisants que, pour moi, c'est presque du publi-rédac. Du coup, je ne lis que la rubrique musique, parce que je sais que tu veilles au grain, en plus vos chroniqueurs ont tous de belles plumes, dans leur genre. Mais les autres rubriques, je ne vais pas balancer, mais certaines, j'évite.

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    4. Mais la frontière n'est pas non plus franchie, donc il n'y a pas grand-chose à dire. Je ne dirais d'ailleurs pas qu'il s'agit de complaisance, mais tout simplement d'articles moins maîtrisés que d'autres, et dont l'aspect "critique" est du coup moins marqué. Mais peu importe, chacun étant libre d'écrire ce qu'il veut, je n'ai pas à me mêler de ça. D'autant que la plupart des articles d'Interlignage sont d'excellente facture, de l'avis général.

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  4. Question con mais Indicud c'est pas déjà un jeu de son sur indie kid?

    Sinon beaucoup de bon ce mois-ci, entre Tera Melos, Jello (effectivement excellent), Bleached et Adam Lempel qui après une écoute me semble très très sympa.

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    1. Indicud = indie kid... euh... je ne sais pas... je ne crois pas, en tout cas...

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  5. Chouette sélection. J'adore ce mélange de pointures et de trucs complètement inconnus que tu vas chercher, je ne sais pas où, en fait :)

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    1. Je les invente ! Je ne comprends pas que personne ne s'en soit jamais aperçu :-)

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  6. Merci pour I&W. Les critiques sont très mitigées, personnellement j'adore cet album.

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    1. Mitigées ? Ah ? Je n'en ai pas lu plus que ça en fait...

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  7. Dommage que The Plimtons aient splitté, ils allaient finir par devenir big in France à ce rythme là :-)

    Sinon, je ne savais pas que Tera Melos avait sorti un nouveau truc. Il me le faut...

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    1. Haha, tu as raison, on aurait totalement bu bouleverser le cours de leur carrière. Mais POURQUOI ne sont-ils pas venus nous voir avant même d'envisager une carrière ^^

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    2. "on aurait totalement bu" : je pense que eux ont pas du trop se gêner non plus :-)

      Pour ceux qui ne liraient pas les news de dlmds (les inconscients :-) ), il y a du Plimptons dans Gums! et c'est très bien aussi :
      http://gums.bandcamp.com/album/antipathy

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  8. Red Dirt Girl1 mai 2013 à 12:39

    C'est super bien, Alexandre Varlet. Merci pour l'info !

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