lundi 11 février 2013

The Loved Drones - Space Age Playboys

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La plupart des gens l’ont oublié depuis fort longtemps, mais dans les années 70 et jusqu’à la fin des années 80, entre deux tournées sold out et l’enregistrement de classiques interplanétaires avec Neil Young, le Crazy Horse a publié ses propres albums. Des albums solo-en-groupe, en quelque sorte, qui, s’ils se sont pour la plupart perdus dans les limbes d’une époque où la concurrence était autrement plus corsée que de nos jours, n’en sont pas moins courageux et même plutôt intéressants (du moins pour ce qui concerne les deux ou trois premiers, car pour le reste on sait tous instinctivement à quoi peut bien ressembler le Crazy Horse sans le songwriting du Loner : à un groupe de hard lourdaud). Forts de cet exemple à ne surtout pas suivre si l’on veut continuer à rêver de gloire et de groupies, les Loved Drones ont décidé de faire pareil. Après des années à accompagner un peu tout le monde quoique jamais n’importe qui, l’Orchestre National Freaksvillois, bien connu de nos lecteurs, a entrepris de se payer son propre album à lui et rien qu’à lui, principalement instrumental et globalement déglingué. À leur tour, de se vautrer dans le stupre. À leur tour, de ravager des hôtels. À leur tour, d’enquiller filles et dollars faciles. Bientôt, le monde ne pourrait plus ignorer leurs noms et leurs visages, à ces valeureux héros obligés depuis des lustres de jouer du garage bluesy et cradingue alors que leurs petits cœurs vibraient secrètement au son de Pulsar.


C’est sans doute le minimum lorsque l’on est un Orchestre National, mais le résultat, The Tangible Effect Love, s’avère encore plus improbable et inclassable que l’ensemble des parutions Freaskvilloises mises bout à bout – ce n’est pas peu dire. À l’image de leur label, les Loved Drones ont des airs d’auberge espagnol de (presque toujours) bon goût, le seul endroit sans doute où l’on pouvait croiser sur le même morceau Brian « Android 80 » Carney et Emmanuelle Parrenin, une french pop épurée et aérienne et des embardées progressives à faire passer les maîtres du genre pour des ascètes, l’ombre de Faust et celle de The Human League. Freaksville ? Mon cul : Freaksplanet, plutôt. Le nouvel hymne de la principauté belgo-martienne s’écrira dans l’espace ou ne s’écrira pas. Ainsi, lorsqu’il ne commet pas une lounge invraisemblable dont même John B. Root hésiterait à l’utiliser pour un de ses films ("Easy Love", tu m’étonnes…), le groupe a-t-il la tête dans les étoiles, tentant un titre sur deux d’emballer des femelles robotes peu farouches (pléonasme, comme le savent tous les connaisseurs).

La première écoute est un véritable régal, tant chaque morceau constitue une surprise en soi. On songera ici à Pink Floyd, là à Hawkwind ou Jethro Tull (seconde période, hein : tant qu’à faire, autant aller jusqu’au bout du truc), ici encore à Goblin (hommage évident – et mérité – sur le somptueux final "Romantic Giallo"). Soyons cependant honnêtes : plus qu’une affaire de son, la principale force de ce Tangible Effect Love réside dans la manière dont il vous en colle plein les mirettes. Titre après titre, les images défilent, évadées de pornos soft ou de couvertures de la collection Présence du futur, de Romero mineurs ou d’épisodes de Doctor Who période Tom Baker. Bref : bienvenue dans les seventies, et pas les plus branchées, et pas celles que le critique rock va citer à tout bout de 2013 pour se donner l’air intelligent. Celles-ci sont plus baroques, un peu mal fagotées et carrément décomplexées, entre carte postale easy listening et gloubiboulga pop. The Tangible Effect of Love, c’est un peu l’album qu’A.S. Dragon n’a jamais eu les cojones de faire de peur de devoir assumer certains goûts rock’n'rollement incorrects. Un truc de cyborgs camés jusqu’à l’os la culasse, qui ne sachant pas s’ils veulent être space, psyché, indus ou prog ou kraut… décident dans le doute de ne surtout pas s’abstenir de faire tout cela en même temps. Avec les bonnes substances, un "Psychotic Education" peut facilement coller n’importe quel auditeur au plafond. Sans substance aucune, un "Red City" peut aisément contaminer l’esprit le plus sain et le plonger en état de manque. Dans un cas comme dans l’autre, le risque d’addiction fait de The Tangible Effect of Love un objet aussi séduisant que dangereux pour les plus chastes oreilles, en particulier si vous vous prénommez C3-PO ou K-9 et adorez danser comme des ravers sous ecsta. Vous êtes prévenus.


👍👍 The Tangible Effect of Love 
The Loved Drones | Freaksville, 2013

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