mardi 18 décembre 2012

Les Revenants - Accident(s) heureux

...
[Taux de spoil : 22,86 %] Il en va des séries comme de certaines inventions. On veut obtenir quelque chose, on s'en donne les moyens, on tend vers cet unique but... et on obtient tout autre chose, qui n'est pas forcément mieux ou moins bien - ce n'est simplement pas ce qu'on espérait obtenir au départ. Le feu d'artifice, le post-it ou Les Revenants en sont une bonne illustration.

Les Revenants, à la base, c'est quoi ? Si on était méchant, on répondrait un film très chiant. Qui partait d'une idée de départ magnifique (l'adaptation de la société au retour subit des morts, qui reprennent leurs existences au milieu de ceux qui en avaient fait le deuil) et n'en faisait absolument rien durant presque deux heures, à part du pseudo contemplatif ultra-cérébral et totalement creux. Un syndrome connu et bien identifié de nos services, celui du on va réinventer le genre en le vidant de tout ce qui fait ce qu'il est - plus communément appelé fausse bonne idée typiquement intello. Partant de là, c'est devenu une série. Qui ne ressemble heureusement pas vraiment au film, même si un peu, quoique pas vraiment. Et il est évident qu'il y avait matière à faire une bonne série, de même qu'il y a de toute façon matière à faire à peu près tout et n'importe quoi avec une aussi excellente idée de départ.

La particularité de cette série-ci, c'est cependant moins sa qualité que cette sensation diffuse, durant tout le visionnage, qu'elle échappe en permanence à ses auteurs, pour finir par ne ressembler à rien de ce qu'ils auraient voulu. Il y a bien des fondamentaux : des décors splendides (la région d'Annecy est une des plus belles de France) et une photographie au diapason, un score entêtant (probablement ce que Mogwai a proposé de mieux depuis des lustres - peut-être même depuis Come on Die Young), une narration solide malgré quelques incohérences qu'on aura la politesse de ne pas voir. A cela s'ajoute une distribution honnête même si inégale, une réalisation soignée, un des plus grands écrivains français vivants en guise de caution intellectuelle (Carrère, dont certaines scènes dégoulinent de la patte). Mais tout le reste, c'est-à-dire quasiment tout ce qui en fait une série au-dessus de la moyenne, semble relever du domaine de l'accident heureux. Plus étrange encore : c'est lorsque la série semble essayer d'être qu'elle est la plus faible. Par exemple lorsqu'elle essaie de faire peur (100 % d'échec). Ou lorsqu'elle tente le coup du  cliffhanger final (presque toujours téléphoné, quand certains rebondissements à l'intérieur des épisodes sont en revanche redoutables). Ou bien lorsqu'elle essaie de faire comme dans les séries américaines (je ne pense pas uniquement au délire Walking Dead du final, dont il est probable que pas un spectateur ne soit aujourd'hui en mesure d'expliquer ce qu'il vient foutre dans l'histoire). Ou, plus évident encore peut-être : lorsqu'elle essaie de faire lynchien. Car si Les Revenants est souvent une série lynchienne, elle ne l'est quasiment jamais lorsqu'elle expérimente de grandes scènes zarbis à la Lynch, tout en l'étant régulièrement un peu par hasard, au détour d'un détail, d'un plan, d'une réplique. En somme Les Revenants est une série paradoxale, dont la séduction tient pour beaucoup à la difficulté qu'on éprouve dès lors qu'il s'agit de la classer. C'est une histoire de fantômes qui ne fait pas peur, mais qui pour autant se baigne dans une ambiance anxiogène et un brin malsaine. C'est une série à mystères dont on se surprend à prier constamment pour qu'aucun ne soit expliqué. C'est foisonnant et en même temps fluide, très travaillé tout en laissant parfois un sentiment d'inachevé, maîtrisé sans se priver pour autant de partir un peu dans tous les sens dans les trois derniers épisodes, métaphysique mais finalement assez superficiel... lent mais toujours un peu trop court.


Quant aux thèmes, ils suivent la même étrange (non ?)ligne directrice. Rarement on aura vu fiction aussi traversée par le deuil dans laquelle la douleur aura semblé aussi peu palpable. Il est des séries où tout semble faux ; dans Les Revenants, tout semble juste irréel, abstrait, jusqu'aux détails les plus solides. Comme cette manière qu'ont les revenants en question de se baffrer à longueur d'épisodes, instinctive, mécanique, à l'exact opposé de la place conviviale et bon enfant qu'occupe la nourriture dans une série comme Twin Peak (justement). Comme la manière dont ils baisent. Comme la manière dont chaque personnage, vivants inclus, agit. C'est en cela peut-être que Les Revenants est lynchienne, bien plus que dans une scène, au demeurant très prévisible, telle celle du barrage dans l'avant-dernier épisode. Dans le comportement décalé de ses héros, qui tout en évoluant dans un univers ressemblant à s'y méprendre au nôtre semblent parfaitement déconnectés de toute réalité - au point qu'on finisse rapidement par peiner à comprendre leurs (ré)actions. Présenter cette série comme "une histoire de revenants réaliste", ainsi que cela a été fait dans plusieurs articles, est sans doute dans le fond la pire des manières pour l'introduire. Car s'il est bien une chose que Les Revenants n'est jamais, c'est ancrée dans un quelconque réel 1. Au contraire, plus les épisodes passent et plus les notions de temps d'espace se diluent totalement - tandis que les personnages pour leur part sont à ce point surpris, choqués, acculés... par le retour des morts qu'ils perdent presque immédiatement tout sens du pragmatisme. Lorsque dans un épisode, l'un d'entre eux, pourtant en apparence des plus stupides, se décide à profaner une tombe... on a presque envie de l'embrasser. Enfin quelqu'un qui paraît avoir une réaction saine ! Enfin quelqu'un qui réagit comme nous voulons croire que nous réagirions. Depuis plusieurs épisodes déjà, les autres héros semblent loin. Partis. "Oh tiens ? Tu n'es pas mort, en fait ? Et sinon : tu veux un croissant avec ton café ?" La première réaction est de se dire que c'est absurde, que cette acceptation de l'inacceptable - les morts ne sont pas morts ! - est d'une facilité si déconcertante qu'elle constitue une faiblesse narrative. La vérité est exactement contraire : c'est l'une des forces de la série. D'une part parce qu'elle installe le système de manière rapide et efficace, et d'autre part parce qu'elle permet d'en dire bien plus sur les vivants que si ceux-ci s'étaient enfermés dans le déni. Dans le fond, quelle soit la personne/raison/puissance supérieure qui a fait revenir leurs défunts, elle leur a donné exactement ce qu'ils voulaient. Une série sur le deuil, Les Revenants ? Une série sur son absence, plutôt. Sur le deuil avorté. Le seul personnage qui avait réellement fait son deuil, en toute logique, se suicide quasiment à la minute où il comprend ce qui lui arrive. Tous les autres, sans exception, ne peuvent pas entrer dans le déni de ces résurrections pour la simple et bonne raison qu'ils sont déjà dans le déni du deuil initial. Et réagissent de fait plus par rapport à eux-mêmes et à leurs problématiques que par rapport à ces gens qui leurs sont rendus. Adèle trouve dans le retour de Simon, son fiancé décédé, un écho à ses propres angoisses à l'approche de son mariage ; Pierre détourne inconsciemment ces "résurrections" au profit de la justification de sa foi ; Léna semble n'éprouver à l'annonce du retour de sa sœur jumelle qu'une remise en cause violente de la personnalité qu'elle s'est construite en son absence ; Thomas, qui tient Adèle sous sa coupe, voit dans la réapparition de Simon une menace pour cet équilibre malsain ; Tony, qui a assassiné son frère, ne peut logiquement envisager son retour que comme un châtiment ; le père de Camille utilise la non-mort de cette dernière pour tenter de reconquérir sa femme comme s'il pouvait effacer les années de souffrance ayant suivi cette perte. J'oublie volontairement Julie, qui n'a pas perdu de proche et pourrait en toute logique agir de manière plus désintéressée... et voit en premier lieu dans ces évènements une explication à sa propre psychose.


Alors bien sûr, tout cela n'arrange pas vraiment mes affaires. Il a fallu que Canal nous sorte une série comme ça quelques mois seulement après mon article assassin sur sa politique en la matière. Pire, il faut désormais que je me retrouve d'accord avec les mêmes critiques que j'accusais il y a peu de constamment baisser leurs pantalons devant la chaîne cryptée, pantalon qu'ils n'avaient même pas encore eu le temps de remonter depuis la dernière - très mauvaise - saison d'Engrenages. Pire du pire du pire, j'en ai même été réduit à bondir en lisant certains commentaires ultra-négatifs sur le Net, en me disant que ces gens avaient, littéralement, de la merde dans les yeux (ou des a priori, ce qui est peut-être encore pire). Que voulez-vous ? Le Golb, c'est un sacerdoce, n'a lui jamais aucun a priori. Les Revenants n'est pas la meilleure série de l'année et certainement pas, comme ont pu l'écrire quelques excités, la meilleure série française de tous les temps qui va tout foutre en l'air et même qu'après la fiction hexagonale ne pourra plus jamais être pareille. Mais une très bonne série, oui. Clairement. En tout cas si l'on considère qu'une série se doit d'imposer un ton, un style et une atmosphère, avant toute autre chose. Et que lorsque ces trois conditions sont réunies, les défauts que l'on peut entrevoir ici ou là sont de toute façon secondaires.


👍👍 Les Revenants (saison 1)
créée par Fabrice Gobert, d'après le film de Robin Campillo
Canal +, 2012


(1) On ne peut d'ailleurs qu'être étonné par les commentaires virulents qu'a immédiatement suscité le final sur le Net, sur le mode désormais bien connu du Bouh ! Quelle arnaque ! On a aucune réponse. D'une part, on se demande si ces gens ont déjà vu une série télé dans leur vie ; surtout : Les Revenants n'est jamais, pas une seconde durant ses huit épisodes, du côté de la rationalité. Pas un personnage, pas une scène qui ne puisse être qualifié(e) de rationel(le). L'on s'y berce au contraire constamment de symbolisme, de religion, on y exacerbe ses questionnements métaphysiques... bref tout l'inverse d'une série dont on devrait attendre des réponses didactiques à des questions basiques. Ne pas avoir intégré cette information en trois semaines et quatre-cent-seize minutes, c'est tout simplement ne rien avoir compris au show.

43 commentaires:

  1. Les vraies revenantes, ce sont les diodes du Golb !!

    :-)

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    1. Ne sabre pas le champagne, je réfléchis en ce moment à les remplacer par autre chose...

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  2. des piles de billets de banque (maintenant que tu sais que tu es de droite ^^)

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    1. L'homme de Droite que je suis se sent injurié par cette manière de laisser entre que les hommes de Droite comme moi ne s'intéressent qu'à l'argent :-)

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  3. Très bon article! Ce que tu dis sur la réaction d'égocentrisme des persons ne m'avait pas frappé mais c'est tout à fait vrai.

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  4. Belle analyse.

    J'avoue avoir eu un peu de mal avec les derniers épisodes (trois derniers oui, ça doit être ça). On voit les évènements s'accélérer mais on ne comprend pas pourquoi, c'est un peu artificiel.

    Mais c'était tout de même très bien, c'est sûr ^_^

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    1. Oui, je suis assez d'accord concernant les trois derniers épisodes. Pour être précis les épisodes 6 et 8, qui m'ont également paru assez décousus. Mais le resserrement de la tension était en revanche bien mené.

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  5. Hein ? Quoi ? quelqu'un a dit "lynchien" ?
    Bon, va donc falloir que je regarde ça... ce sera ma première série française ! (enfin, première série française "dramatique", puisque j'ai bien entendu vu Kaamelott et Hero Corp...) Faudra aussi qu'un jour je me lance dans Engrenages...

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    1. Pigalle la nuit c'était Lycnhien, Thom. Ca je ne sais pas trop. Lynchien ce n'est pas le mot que les journalistes mettent lorsqu'ils veulent dire "zarbi" mais esthétiquement réussi ? :)

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    2. En effet, s'il faut citer des séries françaises "lynchiennes", celles du duo Herpoux/Hadmar, "Pigalle" mais surtout, "Les Oubliées", se posent là. Plus que "Les Revenants". Ce qui ne l'empêche pas d'être une très bonne série :-) Une des bonnes surprises de la fin d'année.

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    3. Serious & CULP >>> Je sais bien que Les Oubliées est une série très lynchienne également (de toute façon H&H sont obsédés par Lynch, au point d'y multiplier les références dans Pigalle). Je l'avais d'ailleurs écrit. D'une manière générale, les scénaristes de séries françaises sont souvent de grands fans de Lynch, c'en est même un peu ennuyeux par moment, il m'arrive de me demander s'ils ont déjà vu une série américaine depuis Twin Peaks. Bref, cela n'enlève pas son côté lynchien aux Revenants, cependant...

      GT >>> comment ça tu n'as jamais regardé une série française ? Mais à quoi ça sert que Le Golb il se décarcasse pour trier le bon grain de l'ivraie !

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    4. Pour reprendre tes mots, je trouve que "Les Revenants" "essaie de faire lynchien", plus qu'elle ne l'est. Ce n'est que mon avis.

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    5. Mais, j'insiste, cela ne la diminue pas. C'est une très bonne série, avec une atmosphère envoûtante, très prenante :-)

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  6. Bien vu, le côté "iréel". C'est renforcé par les acteurs, certains donnent l'impression de jouer volontairement "à côté". J'ai lu que beaucoup trouvaient que les acteurs étaient moyens mais je crois vraiment que chez Clotilde Hesme, ou JF Sivadier ou d'autres c'était voulu (ils ne jouent pas de cette manière habituellement)

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    1. Je ne sais pas si c'est voulu pour tous. Mais dans les cas que tu cites, effectivement, je pense que c'était voulu. Cela m'a horripilé de lire que ces acteurs-là, ou Samir Guesmi par exemple, étaient "mauvais". Quelle blague. Les Revenants propose juste huit épisodes avec quelques uns des meilleurs acteurs français de leur génération, c'est évident qu'il y a un parti pris dans la direction d'acteurs et qu'ils ne sont pas tous subitement mis à jouer faux. Certains ont juste un jeu "bizarre", "décalé"... comme dans Twin Peaks (même si pas le même décalage et même si pas dans le même but). Tu as déjà lu quelque part que les acteurs de Twin Peaks étaient mauvais, toi ? ^^

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    2. Moi, je l'ai déjà lu. Il n'y a pas longtemps, et aussi, qu'elle aurait "très mal vieilli". Le choc !
      Le problème de TP, c'est, je crois, que beaucoup, parmi ceux qui l'ont découverte tardivement, l'ont regardée comme une série fantastique, de "mystères", au premier degré, en occultant l'aspect réellement burlesque, parodique, décalé, qu'ils mettent sur le compte de l'âge, alors que la série était déjà comme cela, en 1990. En réalité, surtout pour la direction d'acteurs, TP ne correspond à aucuns standards, ni d'aujourd'hui, ni des années 90. Mais, peut-être qu'il faut avoir connu les séries des années 90, pour s'en rendre compte...

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    3. C'est possible. Je ne suis pas sûr. Mais c'est certain que l'aspect soap n'est pas forcément perçu à sa juste valeur dans un pays comme la France, où le genre est considéré (sans doute à juste titre ^^) comme honteux. On veut croire que le côté soap parfois exacerbé de Twin Peaks relève au mieux de la parodie alors qu'il s'agit au moins autant (sinon plus) d'un véritable hommage à ces feuilletons à rallonge aux rebondissements et coucheries improbables et qui, bon an mal an, constituent l'un des genres les plus anciens, riches et increvables de la fiction.

      Cela dit d'une manière générale, en France comme ailleurs, la plupart des séries se réclamant de Twin Peaks n'en gardent que l'aspect bizarre et mystérieux, et pas tellement le côté soap ou le second degré. Ce qui est peut-être bien une manière de la voir par le petit bout de la lorgnette. Après tout, c'est l'alliage de ces choses antagonistes qui en fait une série exceptionnelle. Des histoires étranges et mystérieuses, il y en a eu plein avant et plein après...

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    4. (et dire que Twin Peaks a mal vieilli... quelle connerie. Faut franchement n'avoir vu aucune autre série de l'époque pour penser que Twin Peaks a "mal vieilli"... Quantum Leap, Tales from the Crypt, ÇA, ce sont des séries fantastiques de l'époque qui ont mal - voire très mal - vieilli. Twin Peaks, elle, reste au contraire d'une modernité incroyable par rapport à ce qui se faisait au début des années 90. Qu'on ait vu mieux ou aussi bien après, peut-être, sans doute... mais "mal vieilli".........)

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    5. Lynch et Frost n'avaient de toute façon pas prévu de révéler l'identité du meurtrier de Laura et ABC a fait le forcing.

      Hommage aux soaps dans la construction narrative oui mais également aux films noirs (Laura de Preminger forcément...) pour tout ce qui est relatif à l'obsession de la disparue, à l'enquête et à la part importante du rêve dans l'action. Après, je suis d'accord avec Serious : on emploie "lynchien" lorsque l'on est à court de synonymes d'étrange et de mystérieux pour qualifier un film/une série qui fascine...

      Et sinon, je peux dire que Twin Peaks est surestimée sans me faire taper dessus ? ; )

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    6. Non :)

      Enfin tu peux aussi dire que les Beatles sont surestimés et peut-être le sont-ils objectivement mais à peu près tout le monde est d'accord pour dire que Please please me n'est pas génial comme tout le monde est d'accord pour dire que le dernier tiers de TP est raté. Mais son apport n'est pas surestimé ni celui des Beatles ;)

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    7. Jeoffroy >>> l'influence des films noirs est bien entendu réelle, mais ce n'était pas tellement mon propos car ça, c'est un truc que les critiques ont toujours su saisir dans Twin Peaks. Je parlais du soap parce que, précisément, c'est un genre honni, auquel la plupart des critiques ne connaissent rien (et n'essaient pas de), et par extension un aspect de Twin Peaks qui est rarement abordé dans les 100 études et 400000 articles qui lui sont consacrés.

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  7. Malgré ton billet et de bonnes critiques par des gens que j'apprécié, je n'arrive pas à me laisser convaincre. Le label C+ ?

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    1. Il faut dire qu'il y aurait de quoi en décourager plus d'un...

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  8. @Serious :
    Son apport peut-être, ses qualités intrinsèques (toujours une jubilation de le placer à l'écrit comme à l'oral ce mot) j'en reste personnellement pas autant convaincu que d'autres (dont Thomas je le crois).

    Quant aux Beatles, quel est cet argument qui vise l'affectif et utilisé expressément pour te donner raison ? ;)

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    1. Tout dépend ce qu'on entend par "surestimer". Et par "qualités intrinsèques". Hormis quelques épisodes assez ratés, moins dans le dernier tiers (contrairement à ce que dit Serious) que dans l'intervalle entre l'intrigue Laura et l'intrigue Black Lodge, je ne vois pas vraiment de défaut majeur à Twin Peaks. Qu'on ne la considère pas comme la meilleure série de tous les temps, pourquoi pas (ce n'est pas mon cas non plus). Ça reste tout de même supérieur à pas mal de trucs contemporains, d'une grande inventivité et, pour reprendre ce que je disais dans l'article ci-dessus, elle a un style, un ton, un univers qui n'appartiennent qu'à elle. D'ailleurs, d'une certaine manière, je considère moins Twin Peaks comme "au-dessus" des autres qu'à côté, dans une catégorie à part. Elle a eu beau influencer des tas de choses, il n'y a dans le fond qu'une seule Twin Peaks, aucune série ne lui ressemble assez (si ce n'est à la rigueur Picket Fences, mais surtout parce qu'elle s'en inspire pas mal) pour qu'on puisse réellement comparer. S'il fallait prendre une métaphore musicale, je ne choisirais pas du tout les Beatles. Les Beatles, ce serait plutôt Seinfeld (d'ailleurs ils sont quatre), une série qui reste une référence absolue dans son genre des décennies plus tard, qui a démontré que presque tout était possible et qui dans le même temps a été, et de très loin, la série la plus populaire de son époque. Twin Peaks ce serait plutôt, je ne sais pas, moi... Scott Walker ou quelque chose de ce genre... un truc à part, en marge, à la fois expérimental et populaire, etc. Les Beatles, ce n'est pas assez élitiste pour être rapproché de Twin Peaks ;-)

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    2. Tout dépend ce qu'on entend par "surestimer".

      ==>Surestimée dans le sens où, si on est à peu près tous d'accord sur le fait que la série détonnait très fortement à l'époque de sa diffusion, sa mise en relief dans la carrière de David Lynch affadit son identité.

      Par "qualités intrinsèques" j'entends indéniablement son ambiance particulière et travaillée dans ses moindres détails; et sa photographie, splendide, qui travaille les couleurs comme une peinture. J'apprécie d'ailleurs plus l'environnement autour de Twin Peaks que ses intrigues en elles-même, comme la station essence, prendre une part de tarte, l'odeur des pins, le café double R etc...Personnellement, c'est le seul intérêt que je lui trouve : rendre crédible et palpable un décor de fiction. Pour ce qui est, encore une fois, des intrigues, c'est parfois laborieux parfois prenant (bien vue pour le Black Lodge et cette petite canaille d'Audrey). Et je ne suis pas expert Twin Peaks (ni lynchien d'ailleurs) mais je pense que c'était sûrement le but recherché.

      "elle a un style, un ton, un univers qui n'appartiennent qu'à elle"

      ==>Oui d'accord bon. Mais on peut dire ça également de beaucoup d'autres séries. Charmed par exemple ;)

      Après, la référence aux Beatles était par rapport à la question d'offenser quelque chose qui est considéré comme sacro-saint. Impossible, d'ailleurs, de comparer ce groupe à une série; d'autant plus que Seinfeld, si elle reste une référence populaire indéniable, demeure cependant moins connue mondialement que les Fab Four. Tout le monde a entendu une chanson des Beatles, pas sûr malheureusement que tout le monde ait vu un épisode de Seinfeld.

      Allez, j'vais me faire un petit "Day in the life" ;)

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    3. On est bien d'accord le smiley après le mot "Charmed" c'est pour marquer l'ironie, hein ?

      Je ne répondrai qu'après confirmation ^^

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    4. pas scott walker, beaucoup trop confidentiel, plutôt brian wilson

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  9. Je n'avais pas très envie de regarder mais comme j'ai l'impression que tu n'as pas mis 5 diodes à une "nouvelle série" depuis un siècle, je vais peut-être me laisser tenter...

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    1. C'est fort possible. Mais c'est tout simplement parce que c'est très rare que je mette 5 diodes à une nouvelle série, tout court.

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  10. Oui Thomas, le smiley souligne l'ironie. A toi ;)

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    1. Bon... puisque tu insistes ;-)

      "si on est à peu près tous d'accord sur le fait que la série détonnait très fortement à l'époque"

      Ça ne se limite à pas "détonner". Twin Peaks a apporté énormément de choses au "genre série", au-delà du fait qu'elle détonnait à l'époque, dans le fond comme dans la forme. Ce n'est pas un hasard si tant d'auteurs des générations suivantes (que ce soient de X-Files, des Soprano, de Buffy, de Lost... et tant d'autres) se sont réclamés de Twin Peaks. Dans la narration, notamment. Il faut remettre les choses dans leur contexte : je parlais plus haut de la manière dont Twin Peaks incorpore des éléments typiques du soap dans un drama ; il faut rappeler qu'à l'époque, c'est quelque chose de totalement inédit, voire même - j'utilise pourtant rarement le mot - de révolutionnaire. Aujourd'hui, quasiment TOUT LE MONDE fait ça. Le soap existait bien avant Twin Peaks (et même bien avant la télé), mais c'est via cette dernière qu'elles s'en sont abreuvés, parce que Lynch et Frost ont démontré qu'on pouvait parfaitement utiliser ce langage très particulier pour raconter des choses n'ayant rien à voir avec les thèmes de prédilection du soap (ou de la tragédie - ce sont peu ou prou les mêmes). C'est en cela d'ailleurs que je déteste les nombreuses analyses ultra-intellectualisante de la série (qui sont souvent l’œuvre de fans de Lynch plus que de fans séries TV), car c'est une véritable œuvre pop, fun, dont les auteurs n'ont strictement aucune de ce qu'il vont raconter au prochain épisode et le revendiquent - tout comme ils revendiquent de pratiquer la surenchère et le trop plein. En cela, Twin Peaks est presque la quintessence de la série télé (ou tout court).

      "sa mise en relief dans la carrière de David Lynch affadit son identité."

      Je ne suis pas sûr de comprendre cette phrase. Il n'est absolument pas besoin de connaître Lynch pour aimer/comprendre/estimer Twin Peaks (qui est la première œuvre de Lynch que j'ai vue, justement). Elle est à la fois très lynchienne et pas du tout, Frost a d'ailleurs beaucoup plus travaillé sur la série que Lynch, qui n'a réalisé et écrit qu'une poignée d'épisodes et dont la fonction, dessus, ne diffère en rien de celle du showrunner de n'importe quelle série. D'une manière ou d'une autre, Twin Peaks reste totalement à part dans l’œuvre de Lynch, je ne crois pas d'ailleurs que la plupart des gens la citant y pensent inconsciemment comme à "la série de Lynch", de même que je suis à peu près sûr que Twin Peaks n'est pas l’œuvre de Lynch qui hante le plus ses inconditionnels (ni même celle qu'ils préfèrent).


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    2. Mais on est tout à fait d'accord sur ce qu'a apporté Twin Peaks. Tout comme il est évident qu'à l'intérieur de cet univers soap réapproprié par Lynch et Frost, il y a une volonté de créer une matière qui réfléchit sur ce qu'est la fiction; une sorte de mise en abyme quoi. Le truc dans Twin Peaks, c'est que souvent, ce tel dispositif me lasse. Mais ça ne regarde que moi et, pour avoir de nombreuses connaissances qui regardent et regardent encore cette série avec un immense plaisir, je peux comprendre ce qu'elle peut susciter comme envoûtement.

      Malheureusement, le charme n'agit pas sur moi ;)

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    3. Si j'étais cruel, c'est là que je ressortirais Fringe ;-)

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  11. Marrante ces digressions sur Twin Peaks car moi c'est plutôt Lost que la série m'a beaucoup rappelé (notamment les derniers épisodes : ça court dans la forêt, ils découvrent qu'ils peuvent pas quitter la ville/l'île, le face à face nocturne qui rappelle l'un des premiers avec les Autres...etc)

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    1. Je n'avais pas fait le rapprochement (avant je voyais Lost partout, depuis que j'ai fait une cure, je ne le vois plus nulle part... triste vie d'ancien tox...)

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    2. (tellement triste que j'en oublie de finir mon commentaire : "je n'avais pas fait le rapprochement, mais en effet ce n'est pas faux"

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  12. Je découvre la série avec retard. Il me reste trois épisodes justement, ce qui m'intrigue, étant donné ce que tu écris à leur propos. Je vais bien voir.
    Reste que je trouve ça bien, prenant, accrocheur, mais il y a réellement une esthétique de "dramatique télé" qui me gêne un peu. C'est lisse, la mise en scène - quoique en surface assez élégante - est en fait très fonctionnelle, assez peu inventive. Et les acteurs, ailleurs souvent très bons (Samir Guesmi, Frédéric Pierrot ou Céline Salette particulièrement) jouent effectivement parfois bizarrement ("comme à la télé" ?). Est-ce volontaire ? Je n'en suis pas si sûr. Le long métrage de Fabrice Gobert, Simon Werner a disparu, plein de qualités, ne brillait pas déjà par sa direction d'acteurs. Frédéric Mermoud, qui prend le relais au cinquième épisode, dirigeait différemment ses acteurs dans ses courts (je n'ai pas vu son seul long métrage). Bref, j'ai du mal à m'expliquer ce qui ne marche pas. Et pourquoi ça ne marche pas. Je suis moins sûr que toi que ce décalage dans le jeu soit volontaire. Des gens méchants avaient écrit qu'on se croirait parfois face à Plus belle la vie. Eh bien, ce n'est, par moments, au niveau du jeu, pas si faux. D'où ça vient ? Anne Consigny, avec ses yeux tout le temps humides - et que j'aime bien ailleurs parfois - est horripilante. Clotilde Hesme est limite. C'est étrange. On n'a jamais l'impression d'être au cinéma (tu me diras, c'est une série télé, ok...) alors qu'on pourrait s'y sentir constamment (pas au niveau du récit au long cours, mais en termes d'esthétique générale) dans tant de séries contemporaines américaines par exemple.
    Reste que je n'ai pas vu d'autres séries françaises, y compris celles dont on a beaucoup parlé, et je ne sais pas si ce défaut s'y retrouve...
    Quant à Twin Peaks, les allusions sont aussi très directes : les décors, la topographie, le "diner", le bar, etc.
    En résumé, et sans avoir tout vu, sentiment d'une chose très bien écrite (on a envie tout le temps de connaître la suite) mais dont le résultat, à l'écran, n'est qu'à moitié convaincant.

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    1. Oh, si, je pense vraiment que le jeu des comédiens est volontairement décalé. Il est d'ailleurs plus souvent bizarre que mauvais, si on fait attention. Pour moi cela relève clairement d'un parti-pris (je ne vois d'ailleurs pas vraiment d'autre explication au fait que certains comédiens bien connus jouent aussi différemment de d'habitude).

      Pour le reste, je ne sais pas si c'est très grave de ne pas jamais "avoir l'impression d'être au cinéma". C'est une obsession récurrente depuis quelques années, surtout en France d'ailleurs, mais pour moi c'est plutôt un écueil (voire les séries US revendiquant leur côté "megamovie" qui s'avèrent rarement être les plus convaincantes), ou à dans le meilleur des cas quelque chose que je ne regarde pas vraiment. Effectivement, il n'y a pas tellement ça dans Les Revenants, qui utilise volontairement de codes spécifiques à la télé (là encore à mon avis l'influence de Twin Peaks, je ne suis pas certain que ce soit pensé comme tel). Mais ça ne me dérange pas plus que ça.

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    2. En effet, on ne demande pas à une série télé de "donner l'impression d'être au cinéma", ça n'aurait pas de sens. Mais les choses se brouillent tellement depuis quelques années avec des Scorsese, des Van Sant, des Spielberg, des Mann et tant d'autres qui (re)viennent à la télé ou d'autres (Abrams) qui migrent vers le cinéma. A l'époque de Twin Peaks, la soudaine présence d'un Lynch sur le petit écran faisait événement, maintenant on sait bien que beaucoup de grands réalisateurs disent s'épanouir tout autant, sinon plus, dans un format télévisuel. Si bien que si formellement, on peut ressembler à du cinéma (Mad Men, disent certains, mais je ne trouve pas) mais structurellement, évidemment, on en demeurera toujours très loin. Il y a aussi des exceptions, des films de cinéma qui pourraient bien ressembler en fait à une série télé (le récent Cloud Atlas est assez fascinant pour cela). Bon, je digresse... Tout ça pour dire que, oui, Les revenants utilise "des codes propres à la télé". Ça marchait bien pour Twin Peaks - tes judicieuses allusions au soap - je trouve que ça fonctionne moins bien ici, que ça donne un aspect parfois un peu cheap, etc. Quant au pourquoi certains seraient "mauvais" ici et "bons" dans certains films, ça tient aussi à la production, au réalisateur, à des tas d'autres paramètres que l'acteur/l'actrice et son talent. Je ne crois pas qu'un acteur soit intrinsèquement bon. Mais, en fin de compte, je n'ai pas vraiment d'explications. Et je suis d'autant plus désolé de constater cela que je suis, comme tu le sais, plutôt porté sur le cinéma français et sur sa production, et à mille lieues des sempiternelles jérémiades et autres clichés sur les films français énoncés par ceux qui n'en voient pas ou très peu...

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    3. Je suis pas sûr que les choses se brouillent tant que ça (oui, je suis chiant aujourd'hui ^^). Pour moi ces passerelles relèvent plus d'un effet de mode que de quelque chose de durable qui serait amené à changer la face de l'un ou l'autre des deux supports. D'ailleurs, le plus souvent, les cinéastes qui accolent leur nom à des séries ne s'engagent pas sur le long terme dans leur processus de production, et sans vouloir faire dans le cynisme ou le procès d'intention, je pense que beaucoup jouent sur le flou artistique entourant le fameux "created by", qui ne veut strictement rien dire dans 80 % des séries. Je pense que ça arrange un peu toutes les parties (les Networks américains sont dans une quête évidente de respectabilité tandis que, de l'autre, le cinéma commercial et une partie du ciné indé US souffrent d'un vrai déficit de créativité et entendent de plus en plus des choses comme "les séries sont plus ambitieuses que le cinéma" - ce que je ne valide pas forcément au demeurant), tant c'est fort en terme de marketing d'avoir "Boardwalk Empire, la série de Scorsese" ou "Boss, la série de van Sant", même si en réalité leur apport n'a quasiment pas dépassé le pilote, dans un cas comme dans l'autre. Cela aboutit même à des choses qui me stupéfient ; par ex l'an dernier, au moment du lancement de Luck, la com' a été entièrement axée sur la "nouvelle production Michael Mann avec Dustin Hoffman"... c'était tout de même une série de David Milch, un des auteurs les plus doués, populaires, ambitieux et respectés du genre depuis les années 80, un type qui a révolutionné le genre à plusieurs reprises... et c'est à peine si son nom apparaissait dans les communiqués de presse alors que la série dégoulinait de sa patte. On peut voir ça comme un détail, mais pour moi, c'est le symbole d'une faillite de la télé et d'un terrible complexe d'infériorité que de procéder ainsi, en mettant en avant un type dont l'apport sera moindre mais dont le nom fera vendre plutôt que de valoriser ses propres créateurs.

      Le cas de Spielberg est différent (il a toujours été plus proche de la télé et n'a pas commencé à produire des choses pour elle il y a deux ans, et je crois qu'en tant que cinéaste populaire revendiqué il comprend peut-être mieux que certains autres les codes des séries TV), cela dit à part Terra Nova, qu'apparemment il a pas mal couvée, il n'est pas non plus connu pour particulièrement s'impliquer sur les projets télé (même si à la différence de beaucoup d'autres il a au moins le mérite de s'y investir sur la durée, ne serait-ce que financièrement). Bref, sur ce point, je n'ai pas le sentiment qu'on ait beaucoup évolué depuis Twin Peaks, aucun cinéaste à ma connaissance ne s'est autant investi dans une série télé depuis Lynch (ou alors sur des mini-séries ponctuelles). La plupart du temps, ces crossovers accouchent de souris, en fait je ne comprends même pas comment le public peut encore se faire avoir alors que la plupart du temps on a juste un mec qui arrive avec ses gros sabots pour "faire son cinéma à la télé" et disparaît du générique aussi vite qu'il est arrivé.

      Pour le reste je suis d'accord (oui, on ne dirait pas ^^), justement je trouve assez amusant qu'une série comme Breaking Bad soit beaucoup plus cinématographique, si j'ose dire, que des séries où on va aller débaucher des cinéastes réputés, alors même que les auteurs de la série ne le revendiquent pas du tout (je suis d'accord, Mad Men n'est pas le meilleur exemple, au contraire peu de séries exploitent autant leur format).

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    4. Merci pour ces précisions. Je n'ai pas vu lesdites séries et n'était donc pas bien placé pour juger de l'implication effective de tel ou tel cinéaste.

      Quant aux Revenants, entre-temps, j'ai terminé, et c'est quand même pas mal. Ça devient très Carpenter sur la fin avec quelques références très directes d'ailleurs dans le 7e épisode, voire dans le siège du dernier (même si, là, ça reste très "light").

      Donc, malgré des défauts, vivement la suite !

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