lundi 12 septembre 2011

True Blood - Défouloir

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[Taux de spoil : 45 %] True Blood achève sa saison quatre au moment où Dexter s'apprête à entamer sa saison six, et étrangement le rapprochement entre les deux semble de plus en plus inévitable - pas uniquement parce que ce sont deux séries que j'aime particulièrement détester (et inversement). Toutes deux connaissent depuis leurs débuts un succès à la limite du phénomène de société, alors même que leur réseau de diffusion les condamnait sur le papier à une audience plutôt confidentielle. L'une et l'autre masquent leur normalité sous un vernis plus ou moins faussement sulfureux, ce qui suffisait à en faire des séries câblées, comme si elles avaient quelque chose de séries d'auteur par définition alors qu'elles sont d'essence profondément mainstream. Surtout : incroyablement surcotées à leurs débuts, elles subissent aujourd'hui l'ire de fans s'exclamant "mais comment peut-on encore la défendre ???", leur reprochant... quoi au juste ? De décevoir leurs fantasmes ? True Blood pas plus que Dexter n'est une grande série. On pourrait même ajouter qu'exactement comme pour Dexter, on a sincèrement cru qu'elle allait le devenir après sa seconde saison, et puis finalement, non. Cela la rend-elle mauvaise pour autant ? Bien entendu, non.

Depuis le début, True Blood est un tourbillon dont on a souvent mal évalué la véritable nature. Les similitudes avec Dexter s'arrêtent au moment d'aborder l'écriture : celle de cette dernière est particulièrement formatée, quand de celle True Blood l'on pourrait dire qu'elle est en quelque sorte déformaté. Foncièrement, les techniques narratives sont les mêmes. Mais là où Dexter les emploie dans un ordre précis, logique, presque mécanique, ce qui la rend inévitablement très prévisible, True Blood donne régulièrement le sentiment de les utiliser n'importe comment et pour des raisons assez nébuleuses. Il faut imaginer Alan Ball comme un grand gamin qui, plutôt que de s'amuser à casser ses jouets, préfère tous les utiliser en même temps. Il invente des scènes de sexe entre Barbie et Monsieur Patate, entre Big Jim et Ken. Il crée des bastons intersidérales entre ses storm troopers et ses aliens. Au final, le résultat ne ressemble à rien de connu ni à rien d'imaginable. Et sa chambre est dans un bon gros bordel.


La quatrième saison de True Blood, comme toutes les autres mais peut-être encore un peu plus, a donc ce côté bordélique, éclaté, donnant un sentiment d’incontrôle général - comme si Ball jouissait de voir ses innombrables créatures lui échapper. Ce n'est évidemment qu'une apparence : en filigranes, l'auteur de Six Feet Under persiste à essayer de faire entrer le carré dans le triangle, saupoudrant des intrigues plus diluées que jamais de métaphores dont on ne sait même plus trop à la longue ce qu'elles signifient pour lui (ni même si elles ont jamais eu pour but de signifier quelque chose). L'allégorie de service est évidente, c'est celle de la mutation. De la métamorphose, sous toutes les formes qu'elle puisse prendre (possession, décomposition, transfiguration, imposture, transmutation...) A l'exception de Sookie, qui retrouve Bon Temps après une année qui n'a été pour elle que quelques heures, quasiment tous les personnages subissent une transformation physique ou psychologique. Au sens figuré (Bill, plus bad guy que jamais ; Tara qui change littéralement d'identité ; Andy transformé par le V ; Jason littéralement absorbé par Jess...) comme au sens propre (Eric effacé, Marnie possédée, Pam pourrissante, Lafayatte se découvrant medium, Tommy qui ira même jusqu'à se métamorphoser en son frère...) On n'est pas sûr de parfaitement saisir ce qu'Alan Ball essaie de nous démontrer (que personne n'est jamais totalement ce qu'il paraît être ?), mais la mise en pratique de cette constante est impressionnante de violence et d'inventivité, pour ne pas dire de sadisme pur et simple tant il est évident que l'auteur prend plus que jamais plaisir à voir ses personnages torturés, attachés, mutilés.


C'était déjà le cas dans la troisième saison ; cette année, True Blood gagne sans se forcer ses galons de série SM par excellence. L'empathie est moins que jamais de rigueur lorsque Pam se change en plaie purulente sur pattes, lorsque le gentil Jason se fait humilier et torturer durant trois épisodes ou que Sam, brave gars qui ne fait jamais chier personne s'il en est, voit une fois de plus des tombereaux de merde lui pleuvoir dessus à longueur d'antenne. Après avoir été jouissive et dionysiaque, True Blood lorgne, et c'est somme toute une évolution logique, de plus en plus vers le sordide. Le sexe y est d'ailleurs de moins en moins heureux et épanouissant, et de plus en plus pervers, entre Bill baisant mécaniquement quelque pétasse, Alcide n'arrivant pas à faire jouir sa femme, Jess cocufiant Hoyt ou bien sûr Jason subissant un viol collectif. Arrive un moment où l'on se pose cinq minutes et où l'on ne peut s'empêcher de se demander ce que tous ces personnages ont fait pour mériter pareils châtiments. Rien, à vrai dire. Ils sont les otages de l'esprit malade d'un créateur qui, faute d'avoir encore quelque chose à raconter sur la durée, se défoule à coup de scènes chocs et de storylines parfois embryonnaires. Dans le fond, on n'a pas non plus grand-chose à ficher de ce dont peut bien parler True Blood. La seule pensée qui vient à l'esprit avant chaque épisode, c'est "mais que vont-ils nous sortir cette semaine ?" On a le droit d'en vouloir à Ball d'avoir fait, à force de surenchère, d'une série particulièrement inspirée un authentique plaisir coupable. De là à le bouder, ce plaisir...


👍 True Blood (saison 4)
créée par Alan Ball
HBO, 2011

27 commentaires:

  1. True blood, true blood... ça me dit vaguement un truc mais je vois pas non ^^

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  2. Oui, enfin, c'est un peu excessif de dire que les gens cassent désormais systématiquement la série. Parce que HBO, parce que Ball, True-Blood bénéficie toujours d'une grande complaisance critique, il me semble.

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  3. Moi qui détestait cette série et qui luttait à chaque saison pour trouver un sens à l'intrigue, j'avoue avoir été conquis par cette saison 4. Pour moi, c'est un peu le syndrome Nip/Tuck : quand une série se permet tellement tout et n'importe quoi au niveau scénar/évolution des personnages, qu'elle en perd ses enjeux, et mise alors tout sur le fun et/ou les idées perverses de son créateur, pour un résultat coupable mais toujours plaisant.

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  4. Ouais euh... sauf que Dexter c'est bien et True Blood c'est nuuuuuuuuuuuul ^^.
    J'ai même pas eu le courage de regarder cette saison 4. Pourtant c'est rare que je lâche une série en cours de route. Mais faut dire que j'ai jamais vu pire somnifère que la saison 3.

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  5. Putain la balise spoiler mec!!

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  6. La série s'est quand même pas mal rachetée après une saison 3 vraiment pas terrible. Les personnages ont regagné en densité (Bill ! At last !), Jason n'est plus un total demeuré, Tara ne pleure plus comme une neuneu...ce sont d'énormes progrès et ça fait du bien à la série. Reste plus qu'à exécuter les wagons de personnages ne servant à rien (Terry, Arlene, même Sam Merlotte). Ball est vachement moins meurtrier qu'avant j'ai l'impression, et c'est dommage car il y a quelques coups de fusil qui se perdent ;)

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  7. De toute façon j'ai toujours préféré Vampire Diaries.

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  8. (rassurez-vous je blague)

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  9. "Dexter les emploie dans un ordre précis, logique, presque mathématique, ce qui la rend inévitablement très prévisible," --> bien vu, à un détail près, c'est que True Blood est devenu très prévisible également. Le coup de la "possession" de Lafayette, y-a-t-il un seul spectateur qui ne l'avait pas vu venir avec un, voire deux épisodes d'avance (si oui, qu'il aille se cacher ;-). Autres exemples : on nous fait deux épisodes de suspens autour de l'assassinat du roi, mais qui peut croire une minute que Bill va mourir ? Qui ne soupçonne pas des les premières minutes de la saison que Jason et Jess vont se mettre ensemble ? (en passant, à @Lil : Hoyt peut être mis dans le fourgon en direction du camp d'extermination des personnages inutiles, il est miraculeux que Ball ne l'ait pas raflé plus tôt). Et là, j'oublie volontairement les ficelles "ENORMES" dignes d'amour gloire et beauté (le coup du bond dans le temps, quand même ! et l'amnésie d'Eric ! Ils nous ont fait "LE" coup de l'amnésie !), les coïncidences malheureuses, les intrigues secondaires risibles (tout ce qui entoure le statut de "medium" de Lafayette est d'un artificiel), et celles qui sont abandonnées en cours comme de vieilles chaussettes : trois à l'actif de Tommy, tout de même, l'arnaque sur la mère de Hoyt (oubliée après un épisode), l'assassinat de ses parents (aucune conséquence, rien, on oublie, ce n'était que les rushes d'une vieille scène de la saison 3), ah, et, au fait, il est skinwalker, personne ne sait pourquoi ni l'importance que cela aura, puisque Tommy est opportunément tué, et il est vrai que si c'était pour en faire ça, il valait mieux abréger ses souffrances.

    Sinon, l'article est très bien, mais tes notes de fin de saison sur True Blood sont toujours très bien.

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  10. Ah oui, Hoyt, encore un sacrifié. Normal, je soupçonne les scénaristes de n'avoir d'idées que pour les personnages sexy/les acteurs acceptant de montrer leur cul. Personne n'ayant envie de voir Hoyt ou Arlene à poil, ils n'ont donc que des intrigues nulles, au profit du paraît-il trop beau Eric, ou de Musclor garou, le nouveau sex toy de la prod (comment s'appelle t'il déjà ?). Après c'est vrai qu'il reste Andy, qui est assez moche, heureusement quand on est moche il reste une solution pour avoir droit à de vagues intrigues : être ridicule. Ce n'est plus HBO, c'est AB1 cette histoire :D

    Ah sinon Culp, bien d'accord avec toi sur les articles truebloodien du Golb (ou l'inverse) qui sont un peu pour moi comme le coup d'envoi de la rentrée.

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  11. Ca fait plaisir de lire enfin une analyse intéressante et sans prise de tête de ma série préférée (ouais, j'ai mauvais goût mais j'assume ^^)

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  12. "Musclor garou, le nouveau sex toy de la prod" --> je like et relike, merci pour ce fou rire :-)

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  13. Ah, et sinon, il s'appelle Alcide.

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  14. Alcide, voilà.

    De rien pour le fou rire, j'avais moi-même beaucoup aimé votre très bon "Hoyt peut être mis dans le fourgon en direction du camp d'extermination des personnages inutiles, il est miraculeux que Ball ne l'ait pas raflé plus tôt" ^^

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  15. Moi cette saison m'a fait mourir de rire... Après une saisons 3 pourrie qui n'avait aucun humour, on atteint là des sommets de dérision foutraque.
    J'adoooooore





    (Eric bien suuuuur!!!!)


    :-)

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  16. Je suis d'accord avec tout le monde, c'est une série assez lamentable, je crois que plus personne ne sait où va la machine depuis environ le milieu de la première saison; il y a beaucoup trop de personnages et, hélas, ceux qui passent à la trappe ne sont pas forcément ceux qu'il faudrait (j'aimais bien Tommy, il y aurait eu mieux à en faire); beaucoup trop de sous-intrigues, impossible à connecter entre elles jusqu'à ce qu'un événement complètement parachuté se produise. Pourtant, il est certain que je regarderai la saison 5, et la 6, et tant que ça durera. Il y a des séries qu'on aime parce qu'elle font (ou, au moins, donnent l'impression de faire) appel à ce qu'il y a d'intelligent et d'élevé en nous, et d'autres qu'on aime alors qu'elles nous tirent vraiment vers le bas. True Blood, c'est sex, blood et rock'n'roll, ça n'a pas d'autre ambition que de montrer des gens bien foutus pour qui les vêtements sont le plus souvent optionnels, et de ramener toutes les créatures magiques de toutes les mythologies pour essayer toutes les combinaisons possibles. En espérant que ça amuse les gens. Et jusque là, ça va pas trop mal.

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  17. Je crois que tout a été dit, plus qu'à ajouter : très bon article (ah non, ça aussi a été dit !)

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  18. Je ne sais pas si True Blood est la vraie rentrée du Golb, mais c'est en tout cas celle des commentaires... eh bien merci à tous pour cette discussion à laquelle je n'ai pas grand-chose à ajouter, à Benjamin pour faire plaisir à ma femme en comparant avec N/T, à CULP et Lil pour leur humour, à Typh pour sa prodigieuse (mais attachante) mauvaise foi, à Kath pour ses points d'exclamations après Eric (c'est désormais l'orthographe officielle du mot : "Eriiiiiic!!!!!!!!!"), à Nataka pour sa confession vibrante...

    Et mes excuse à l'Anonyme pour le malencontreux oubli de la barrière spoiler, que je vais rajouter de ce pas.

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  19. Eriiiiic !!!!!!

    Sinon je ne voudrais pas répéter ce qui a été dit plus haut, mais oui, trop d'intrigues parallèles au début, qui deviennent vite un peu ennuyeuses puis un démarrage en force et en folie pour les derniers épisodes.

    C'est sûr, je regarde la saison 5 !

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  20. Quand même, surveille l'orthographe quand tu laisses un commentaire, tu as oublié des points d'exclamation et des "i" à "Eriiiiiic!!!!!!!!!" :-)

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  21. ;-)
    je parle évidemment du Eric de la fin, pas du gentil toutou du début !

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  22. Rien à voir mais il n'y a à ma connaissance jamais eu d'articles sur cette formidable série qu'est "Rescue Me" : s'agit-il d'un oubli ? A rattraper d'urgence sinon!

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  23. "la barrière spoiler", joli ;)

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  24. Tibo >>> effectivement, l'occasion ne s'est jamais présentée. Mais ça pourrait venir d'ici peu (ce n'est pas une promesse)(non parce que des fois j'annonce "on va en reparler bientôt" et l'article ne paraît que six mois plus tard ^^)

    Serious Moon >>> tu connais mon intarissable goût pour les lapsus poétique ;-)

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  25. Bon, True Blood, je m'en fous. Voilà, c'est réglé ^^ Et vive Death Valley (bis).
    Mais, Rescue Me, c'est vraiment bien ? Je dois avoir toutes les saisons sans en avoir regardé la moindre minute ...

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  26. Euh, ouais, c'est plutôt bien.

    Et Death Valley c'est bien ??

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  27. Death Valley, c'est régressif / jouissif ^^
    Moi qui n'aime pas les zombies & co, je prends mon pied !

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