vendredi 9 septembre 2011

Réunion d'anciens élèves, promo '95

[Mes disques à moi (et rien qu'à moi) - N°97]
(What's the Story) Morning Glory? - Oasis (1995)

Bon. J'ai un problème. Depuis le jour où j'ai composé cette liste de mes disques à moi (et rien que ça), il s'est passé un truc vachement désagréable. Je ne parle du split d'Oasis, ça j'ai pu m'y faire étonnamment bien. Je parle du fait qu'au fil des années, j'ai fini par préférer Definitely Maybe à Morning Glory. Et ça c'est vraiment con. Mérite-t-il encore sa place aujourd'hui ?

En fait c'est un peu toujours le problème avec les disques que vous avez vraiment adorés, adulés, vénérés... avec votre cœur autant qu'avec vos tripes. Déjà, au fil du temps, vous arrêtez de les écouter. Pas par désaffection mais juste parce que cela ne vous apporte plus rien : ils habitent littéralement en vous depuis si longtemps. Surtout, vous finissez par les trouver non pas moins bons, non pas moins importants... mais moins surprenants. Comme dans les vieux couples : on se laisse plus facilement séduire par des gens pourtant pas forcément plus intéressants ou sexy que la personne qui partage notre existence. Ils en ont simplement l'air, à nos yeux. Finalement, ces dernières années, j'ai sans doute pris plus de plaisir à écouter les albums récents d'Oasis - pour objectivement et incontestablement moins bons qu'ils aient été - que Morning Glory, aussi exceptionnel, aussi génial, aussi parfait soit-il. Perfection d'ailleurs toute relative : comme souvent dans les vieux couples, au bout d'un moment on finit par ne plus voir que les défauts de sa moitié, non l'infinité de ses qualités.


Pour écrire sur Morning Glory, il me faudrait opérer une vue de l'esprit. Chercher une forme d'absolu, sinon d'objectivité. Je n'en ai pas envie. Parce que je l'ai usé comme peu de disques. Je le connais par cœur, l'ai écouté des milliers de fois. L'ai chanté presque aussi souvent. J'ai eu le temps d'en étudier le moindre détail, d'en contempler jusqu'aux failles, je sais tout de lui comme je sais à peu près tout ce qu'il y a à savoir de moi. Morning Glory, c'est un peu mon plus vieil ami - d'autant que je ne suis pas du genre à avoir gardé toutes mes vagues connaissances de collège dans mes contacts Facebook. Finalement il m'évoque plus d'images que de sons, ces derniers ayant fini par être lessivés par les années. J'ai eu le temps d'aimer chacune de ses chansons, de toutes les détester, de toutes les redécouvrir. Je n'ai plus de préférence et je m'en moque - puisque je ne l'écoute quasiment jamais. Il y a bien quelques trucs qui me bassinent dessus, mais même cette donnée n'est pas très fiable : "Hey Now" me soûle surtout de mémoire, à l'écoute bof, ça ne me fait presque plus rien. Les vieux copains ont tous leurs défauts, du moins pour ce que j'en sais, avec le temps on finit par les accepter. On ne demande pas à ses amours de jeunesse de la perfection. On croit bien sûr que la première fille (et la deuxième, et la troisième) est parfaite, mais dans le fond on sait bien que ce n'est pas le cas. Tout comme on sait très bien que cela ne durera pas toujours, même si l'on s'efforce de faire comme si. Je n'ai jamais dit à une fille, durant mon adolescence, que je me voyais plus tard tard avec elle. Pas plus que je n'ai pensé fût-ce une seconde que Morning Glory m'accompagnerait toute ma vie, qu'il serait éternellement mon disque préféré de tous les temps - si tant est qu'il l'ait été un jour. Plus qu'aucun autre disque de ma (monumentale) discothèque, celui-ci est un souvenir, un sentiment, une atmosphère enivrante qui me revient par instants, comme lorsque vous marchez dans la rue et croyez subitement vous souvenir du parfum d'une femme que vous avez beaucoup aimé - autre que votre mère dont bien sûr, vous n'oublierez jamais le parfum lorsqu'elle surgissait dans votre chambre pour vous dire de baisser votre musique.

Quand j'écoute Morning Glory je revois tout ça et je pense à toutes ces choses, et tout à fait franchement je ne suis pas du tout certain que ce soit lui rendre hommage que de les écrire. Car c'est avant tout un grand album pop qui mériterait, un de ces quatre, une réhabilitation en bonne et due forme. Je n'ai pas perdu cette conviction qu'un jour ou un autre, tous les détracteurs d'Oasis se réveilleront subitement et réaliseront ce qui est évident pour quasiment tout adolescent des années quatre-vingt-dix - que ce groupe était l'un des plus brillants (et aussi des plus cons, des plus inégaux, des plus agaçants et décevants) de son temps. Et donc du mien.

Et si c'était ça en fait, un disque à soi et rien qu'à soi ?...


Trois autres disques pour découvrir Oasis :

Definitely Maybe (1994)
Familiar to Millions (live / 2000)
Dig Out Your Soul (2008)

13 commentaires:

  1. Bel article, tu m'as presque donné envie d'écouter Oasis, c'est la première fois que ca m'arrive!
    non sérieusement, le paragraphe sur les disques qu'on a vénéré et qu'on écoute plus - moi aussi ca m'emmerde - je n'ai jamais pu l'expliquer aussi clairement...

    ce doit etre ca effectivement, un disque rien qu'à soi...

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  2. Enorme article, dommage que ce soit (encore) pour Oasis (qui t'inspire dis donc)

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  3. La nostalgie, camarade Lil. Voilà pourquoi les billets sur Oasis sont si inspirés. Et cette rubrique, la meilleure du Golb.

    BBB.

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  4. "tous les détracteurs d'Oasis se réveilleront subitement et réaliseront ce qui est évident pour quasiment tout adolescent des années quatre-vingt-dix - que ce groupe était l'un des plus brillants"

    Non, non, Oasis c'est juste de la merde... (et c'est un connoisseur qui le dit :-))

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  5. @ Lyle: Thom est surtout un grand malade masochiste, mais non, je ne répondrai pas à ces provocations faciles ;-D

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  6. "...comme je sais à peu près tout ce qu'il y a à savoir de moi." non, formule de style genre kleenex; "....tout ce qu'il y a savoir de mon personnage", plus adéquat, "all the world's a stage" ain't it true?

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  7. Quelle bande de sinistres sires... non, pas vous, je pense bien sûr à ce freluquet de Lyle et à ce vulgaire fan de meutal Doc F.

    gmc, tu as raison, la phrase est lourdingue. Cela dit je ne pense pas qu'elle le serait moins si j'avais mis "personnage"...

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  8. il est difficile de faire dans l'aérien dans les gammes que tu pratiques, pas de regrets.

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  9. Très bel article sur un album qui a beaucoup compté pour moi (sorte de Graal de la médiathèque, auquel je n'ai réussià accéder qu'aprèsavoir écouté tous les autres Oasis sortis à l'époque et plus faciles à emprunter.), même si avec beaucoup de retard (5 ans après).

    Surtout cet album a une grande grande qualité: il est direct, parle automatiquement à l'ado qu'on est ou qui sommeille en nous... Toutes ces qualités qui sont l'essence même du rock et qui sont devenus les arguments préférés des détracteurs du groupe, sous prétexte que c'est trop simple, que ça n'invente rien, et que c'est vulgaire.
    Mais des fois c'est tout ce qu'on veut!

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  10. Je n'aurais pas mieux dit que ta conclusion.

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  11. Quel bel article ! Je me promenais sans but sur le Golb, et je tombe sur ça. Vraiment, presque émouvant.

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    1. Tu m'as obligé à le relire :-)

      Je n'ai pas pleuré ^^

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