dimanche 17 avril 2011

J Mascis - Hello, All You Happy People

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C’était il y a un an et demi environ. L’auteur de ces lignes voyait enfin Dinosaur Jr en vrai, après presque vingt ans d’attente et de rendez-vous manqués. L’émotion était évidemment palpable, chez lui plus que chez un groupe assez statique et visiblement pas tellement impressionné de savoir que ce jeune homme était dans la salle (allez comprendre). Le concert était chouette, dans un Élysée Montmartre (RIP) à demi vide (à moins que ce ne fût l’inverse), chouette mais pas beaucoup plus finalement, laissant peu de souvenirs à raconter à ses petits enfants – sinon le plaisir éprouvé en voyant interprétées live quelques unes de ses chansons préférées de l’univers.

Deux ans et une très bonne première partie plus tard (Cheap Star, power-pop solide qui nous arrache cette blague nulle : « Cheap Star en fait, c’est pour Cheap Trick + Big Star ? »1), retrouvailles avec le grand J Mascis, cette fois-ci en solo et fort d’un des plus beaux albums de l’année (le poignant Several Shades of Why, dont nous vous avions parlé le mois dernier), sans aucun doute ce que le garçon a fait de mieux, tous projets confondus, depuis la fin des années 90. Contexte radicalement différent, salle bien plus intimiste (le Point Éphémère) et archi sold-out (on peut à peine mettre un pied devant l’autre), et pourtant toujours ce sentiment un peu mitigé, pas déçu, non… mais un peu réservé. On l’aime, pourtant, notre Droopy du grunge. C’est un peu le Neil Young de la génération née après 75. Toujours tout seul, toujours triste. Toujours tous ces cheveux et toujours cette voix de casserole qui vous fout le frisson. Mais précisément : l’émotion n’est présente que par éclats. La faute à un Jay qui, non content de ne pas avoir une présence scénique délirante (ce n’était d’ailleurs pas ce qu’on lui demandait), semble assez absent, communiquant très peu avec public… le regardant même très peu. Le Point Éphémère et cette assemblée de fans (n’en doutons pas) créaient pourtant un contexte des plus propices aux atmosphères intimistes, à la complicité… on comprenait et on excusait cette froideur il y a deux ans à l’Élysée Montmartre ; on se l’explique beaucoup moins aujourd’hui. En allant applaudir une légende vivante en guitare/voix dans une petite salle, on ne s’attend pas, c’est le moins qu’on puisse dire, à un set pro et carré, expédiant le rappel comme une formalité administrative (à peine le temps de bisser que Jay est déjà revenu ; à peine le temps d’être content de son retour qu’il est déjà reparti). Il est vrai que Mascis a la réputation d’être un grand timide. On aurait cru, tout de même, que vingt-cinq ans de tournées mondiales l’auraient un peu désinhibé.

J Mascis communique donc autrement, par le biais de morceaux dont il n’est nul besoin de rappeler qu’ils sont pour la plupart exceptionnels. Pas tant d’extraits de Several Shades of Why que cela, finalement, l’artiste donnant presque parfois l’impression de s’excuser de préférer ces morceaux à certains de ses tubes (alors qu’un "Listen to Me" ou un "Several Shades of Why" valent largement ses classiques), pour en contre-partie quelques grands moment dinosauresques. On le sait depuis Martin + Me, opus solo live où Jay exécutait admirablement une quinzaine de reprises de lui-même, l’exercice minimaliste réussit particulièrement bien aux chansons de Dino, souvent grandies par l’expérience (sinon simplement meilleures que les originales). Le concert du Point Éphémère n’en est qu’une preuve parmi d’autres : "Get Me" étincelante, "Alone" grandiose… assez stupidement, on était venu en pensant écouter principalement de nouvelles chansons2 – on n’ira certainement pas se plaindre d’avoir eu à la place une telle collection de tubes alternatifs. Cela suffit amplement à racheter une fin de concert aux airs de coitus interruptus, et l’on repart donc chez soi satisfait, à défaut d’être parfaitement enthousiaste. Pour la seconde fois en un an et demi, on aura vu Mascis en se disant que c’était bien, mais que c’eût pu être mieux. Peut-être la prochaine fois serons-nous capable d’accepter cette évidence qu’à l’instar de quelques uns, ce grand songwriter ne se double pas d’un grand artiste de scène.


1. Le pire, c’est que c’est peut-être vrai. Enfin peu importe, on vous recommande en tout cas chaleureusement leur très bon Speak Like an Elephant, que vous ne manquerez pas d’adorer si la power-pop et le college rock vous branchent.
2. Ce qui nous conforte dans l’idée que le principe d’album « solo », appliqué à Mascis, est à relativiser – Mascis EST Dinosaur Jr, sans la moindre contestation possible.