jeudi 10 mars 2011

VIOL - Consécration

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Il était temps. Oh que oui. Après une année 2010 impressionnante, avec pas moins de deux très bons albums en moins de six mois, il était temps pour Ernesto Violin d'enfoncer le clou et de changer de catégorie. Welfare Heart était adorable ; Olympus in Reverse plus revêche, mais tout aussi attachant. Aucun des deux cependant ne reproduisait vraiment le miracle de VIIOL et de Love Boat. L'effet de surprise avait fini par s'estomper, et si Violin parvenait toujours à signer autant d'excellentes chansons, il était plus que temps de bouleverser les habitudes, de crainte de s'installer dans un relatif confort. De se mettre en danger - quitte à froisser le peu de fans dont on dispose.


Gun Street, sans totalement renier les précédents travaux de VIOL, est dès les premières secondes en rupture totale avec la trilogie pop (imaginaire) que constituaient Love Boat, Welfare Heart et Olympus in Reverse. La pop, d'ailleurs, y a été dégagée à coup de pied au cul, tout comme les percussions. A l'évidence, Violin en était arrivé au point où publier un autre album dans cette veine eût été le pire des culs-de-sac. C'eût été s'enfermer dans des tics d'écriture, des facilités ou plus simplement un rôle trop étriqué pour un tel talent. Même Olympus in Reverse, album difficile édité à l'automne dernier, était par bien des aspects trop évident, trop limpide pour faire honneur à la noirceur de ses textes. A côté de Gun Street, radical et ténébreux, il passerait presque pour une collection de gentilles comptines. C'est comme si Violin avait pris dix ans en quelques mois, comme si en parvenant au bout d'un cycle il s'était redécouvert une passion pour le soufre et les ambiances brumeuses, malsaines qui faisaient tout le charme des "Grace Bedell's Plea" et des "Woods of York" d'antan.

"Woods of York", d'ailleurs, est plus que jamais d'actualité, puisque la vénéneuse "Ballad of Ian Brady", qui ouvre Gun Street, en est la jumelle maléfique, confession sordide du serial-killer anglais et premier chef-d'œuvre plaçant d'emblée la barre très haut. On frissonne. Les adjectifs se bousculent pour qualifier cet album retorse et exigeant : crépusculaire, mélancolique, sec. Ouvrage à vif, écorché comme jamais jusqu'alors dans l'œuvre de VIOL, il se compose principalement de ballades dévastées ("Gun Street", "Love Is Not Enough"), à peine éclairé par une joyeuseté folk en son milieu ("Belle of Cardiff"). A laquelle on ajoutera, pour être exhaustif, une fausse chanson guillerette ("Nazi Love"). Le reste n'est qu'un tourbillon de country décharnée, de comptines rongées jusqu'à l'os ("Pamela's Great Dane"), quelque part entre Jackson C. Frank et un 16 Horsepower recouvert par le gîvre.

Le résultat, de la première note de "Ian Brady" à la dernière de la magnifique "Last Walz", est exceptionnel. S'il est moins fluide et immédiat que les précédents, Gun Street exerce d'emblée sur l'auditeur un incroyable pouvoir de fascination : l'on y revient une fois, puis deux, puis trois, puis cent sans jamais se lasser du moindre morceau, du moindre pont. Une fois n'est pas coutume, l'expression album de la maturité ne sera pas déplacée. Après un disque aussi magistral, il faudra désormais être un virtuose de la mauvaise foi pour ne pas compter avec Violin.



Télécharger l'album

Gun Street, de VIOL (2011)

26 commentaires:

  1. Quel excellent morceau! J'ai hâte d'entendre le reste.

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  2. Depuis le temps qu'on murmurait en coulisse qu'il arrivait...

    Suis très contente :)

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  3. Assez surprenant à la première écoute. Je vais y revenir, mais sinon oui, ça a l'air très bien.

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  4. Régalez-vous les amis, pendant que c'est encore gratuit ;-)

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  5. Heureusement que t'es là, je pourrais sinon passer au travers des sorties de Viol. Bon en tout cas, j'ai mon disque du week-end ! Vraiment excité par ce que je viens de lire (et impatient d'écrire dessus^^).

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  6. Après deux écoutes, je dois dire que le 6/6, qui m'a d'abord paru exagéré, ne me semble plus si disproportionné. Il faudra voir sur la durée, aussi. Mais on sent déjà que Ballad of Ian Brady ou Moskstraumen ont le potentiel pour durer.

    BBB.

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  7. Hum si on replonge dans les ambiances à la "Woods of York", ça devrait me plaire, et c'est plus maléfique qu'un "John H Smith must die" ça devrait être parfait (oui j'aimais beaucoup le VIOL II), je lache mon bifton et lance la download.

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  8. c'est vraiment excellent, il est très bon, ce gars, il a fait deux lives au fillmore east et au grand ole opry, look les liens^^

    http://www.youtube.com/watch?v=9N8lQ5559UU&tracker=False

    http://www.youtube.com/watch?v=XfyiXNmcsw8&tracker=False

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  9. C'est vrai qu'à la première écoute c'est assez exceptionnel.

    Que de chemin parcouru depuis ton premier billet ! :-)

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  10. Je souscris complètement à cet article. Je n'arrête pas de l'écouter depuis tout à l'heure, certains morceaux sont vraiment MAGNIFIQUES (notamment la dernière plage). A part Charity's Park qui fait (je trouve) un peu remplissage, il n'y a rien à jeter.

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  11. Bon, c'est bien bel album (voire parfois un très bel album), mais de là à mettre 6/6, euh ... ?
    Allez, 4 1/2, voire 5 (je ne sais pas encore quoi penser de la chanson-titre ...) ?

    Je trouve quelques chansons, Nazi love et Charity's Park, un peu ratées tandis que Pamela's Great Dane, Ballad of Ian Brady & The Last Waltz semblent hors compétition !
    Le thème de fond récurrent tout au long de Moskstraumen, de qui est-il inspiré ? ça m'énerve, je n'arrive pas à remettre le nom dessus ! ^^

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  12. La vidéo live, ce serait pas plutôt au... Cat's Cradle :D

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  13. Benjamin >>> pourtant il a été annoncé sur facebook avant que je poste mon billet... la question est donc : en fait il te sert à quoi ?

    Klak >>> ;-)

    gmc >>> je suis vraiment content que ça te plaise (et j'aime beaucoup le "cat's cradle" de Serious Moon ^^)(je connaissais bien sûr ces deux vidéos).

    EL-JAM >>> j'aurais plutôt dit "depuis son premier album", mais l'idée est là, je suppose.

    Gaby >>> je prends "Charity's Park" comme une respiration avant l'explosion finale ; c'est vrai qu'elle n'est pas forcément exceptionnelle arrachée au contexte... mais de toute façon l'album est assez compact. J'ai eu du mal à déterminer un extrait.

    Thierry >>> en même temps si je ne mets pas 6/6 à un album que j'écoute tous les jours depuis six mois, à quoi sert la note maximale ? Et je pose la question, en connaissance de cause, au plus grand cœur d'artichaud musical du Web ^^, qui de son propre aveu est capable d'encenser un album juste parce qu'il l'a écouté quatre fois en quarante-huit heures, pour le laisser sombrer chaque jour dans les limbes du classement par la suite :-D

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  14. Je trouve que milieu de l'album est peut-être un peu trop mou, moi. Mais à part ça il y a du très bon, les deux premiers, les deux derniers titres. En tout cas c'est sûr, c'est de mieux en mieux.

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  15. Je débarque, ça fait combien de temps que cet album est sorti?

    Sinon, j'ai écouté les deux premiers titres et ça a l'air très bon.

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  16. "Et je pose la question, en connaissance de cause, au plus grand cœur d'artichaud musical du Web ^^, qui de son propre aveu est capable d'encenser un album juste parce qu'il l'a écouté quatre fois en quarante-huit heures, pour le laisser sombrer chaque jour dans les limbes du classement par la suite :-D"

    --> Tu fais allusion à Wanda ? ^^
    Je l'ai simplement placée 10ème ou 11ème pendant un mois, comme tu le dis dans les Speed Trials, terriblement ennuyeux. Et je l'ai jamais encensé, en plus ! C'est juste un bon album qui tient ses promesses, rien d'autre, et que je prends plaisir à écouter, sans rien en attendre. Encore avant-hier, tiens :-)

    Alors, moi, coeur d'artichaud !? Certainement, mais très tendre au milieu ^^

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  17. Non, je parlais de cet aveu dans l'article sur Jerry Leger : "Je suis le premier à le reconnaître : j'ai souvent une tendance certaine à m'emballer et à voir mon intérêt soudain décroître rapidement. "

    C'est pas moi qui l'ai dit :-)

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  18. Ah oui, j'avais oublié, tiens. Mais je raconte tellement de bêtises ...
    Dans ce cas précis, le Leger est bien parti pour durer ^^

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  19. j'aime bien le titre afro-blues,
    qui m'emporte un peu hors de son domaine,
    après c'est un type d'écriture qui n'est pas dans mes goûts, donc difficile d'en dire plus, mais si un de ses disques doit vraiment me plaire ce sera sasn doute celui-ci

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  20. Thierry >>> tu l'admets donc. Que tu racontes des bêtises ;-)

    Arbobo >>> effectivement je pense que cet album est celui qui, à défaut de mettre l'univers entier à genoux, est susceptible de le légitimer, y compris chez ceux qui ne sont pas trop sensibles à son univers. C'est fou ce qu'on peut faire quand on vire le côté poppinet :-)

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  21. Je ne sais pas si je le préfère à Love Boat (de toute façon ils sont très différents), mais en tout cas c'est la grande claque de ce début d'année. Surtout que j'ai tout découvert en même temps (je t'en remercie d'ailleurs). Et ça fait grandement plaisir d'écrire une chronique sur un gars comme ça, on se sentirait presque "utile" ^^

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  22. Il y a un peu de ça. On sait pourquoi on se lève le matin :-)

    Mais tu as écrit une chronique dessus, toi ?

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  23. Oui, elle sera publiée demain matin. Vu la claque que j'ai prise à découvrir toute sa discographie d'un coup, et la grande sympathie que m'inspire Ernesto Violin, je n'ai pas résisté à la tentation de lui mettre la note maximale. C'est typiquement le genre d'albums imparfaits qui sont pourtant tellement touchants qu'on a envie que d'en dire du bien ! Et puis comme tu dis, si on ne mets pas le max pour un album qu'on écoute en boucle et qui nous fascine autant à chaque fois...

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  24. Ah ! chouette ! bienvenue dans notre secte :-)

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