dimanche 28 novembre 2010

Eastbound & Down - America's Sweetheart

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Nous l'avons fait remarqué à plusieurs reprises sur ce blog, l'Amérique profonde, longtemps ignorée par les séries qu'elle était la première à regarder, a de nouveau le vent en poupe. Les exemples pullulent, de Friday Night Lights à Justified, où les white trash le disputent aux rednecks, avec un regard différent, pas nécessairement pamphlétaire comme ce fut longtemps le cas dans la littérature américaine. Dans le genre, Eastbound & Down se pose là. Et les ploucs ont trouvé leur maître : Kenny Powers, en lice pour le titre de beauf de série ultime, d'un genre à faire passer Paulie Gualtieri pour un intellectuel.

Ce n'est qu'un juste retour des choses, si l'on considère que la première saison de la série interprétée et imaginée par Danny McBride a été diffusée il y a presque deux ans dans une indifférence quasi générale, à peine remarquée par des critiques qui l'assassinèrent purement et simplement. A se demander pourquoi ou comment elle fut prolongée - mais qu'importe : sa seconde saison, achevée il y a quelques semaines sur HBO, a remporté un franc succès, largement mérité.

Pour ceux qui auraient manqué cette pépite d'humour crétin et de subversion déguisée en potacherie, Eastbound & Down (qui tire bien évidemment son nom de la chanson de Jerry Reed, hymne redneck s'il en est) narre le retour au bercail d'un champion de baseball déchu qui, calciné par une affaire de dopage, devient prof de sport suppléant dans son ancien lycée. Affreuse, sale, méchante et d'une beauferie quasi surnaturelle, la superstar ne passe plus les portes, aussi bien du fait de son melon que de son prodigieux look. Loser absolu désormais incapable de réussir un lancé, obsédé sexuel, raciste, homophobe et persuadé d'être un quasi envoyé de Dieu, Powers en vient rapidement à la conclusion que la réinsertion n'est pas pour lui. Non, ce qu'il veut, lui, c'est réintégrer la Major League à tout prix, et prouver que malgré la trentaine et les scandales, il n'est pas encore fini. Faut-il le préciser ? Il va en prendre plein la gueule pendant treize épisodes.

Là où la série est une exceptionnelle réussite, surtout dans sa seconde saison, qui réussit à se réinventer complètement, c'est que les autres personnages mangent encore plus que l'anti-héros. Si à travers la figure de Kenny Powers McBride écrase (à coup de batte, of course) le mythe de l'accomplissement individuel cher aux Américains, les bonnes vieilles valeurs de la famille et de la courtoisie sont littéralement massacrées par ailleurs. Incontrôlable, lâche, régulièrement stupide, Kenny Powers est un Earl J. Hickey puissance dix. On pourra y voir une apologie surréaliste de la beauferie et de la bêtise absolue ; la vérité est que le personnage est utilisé exactement de la même manière que celui de Larry David, dans Curb Your Enthusiasm : aussi minable qu'il puisse être, il agit avant tout comme un révélateur de la médiocrité qui l'entoure, détonateur confrontant en permanence son entourage à sa propre hypocrisie ou son propre manque de morale. A sa manière, tonitruante et d'une vulgarité sans nom, Powers a au moins le mérite d'être franc et, plus encore, fidèle à lui-même et à ses idéaux, aussi abrutis qu'ils puissent être parfois. Il sait qu'il est ridicule, seul et malheureux ; contrairement à ses concitoyens, il ne se voile jamais la face quant à lui-même. C'est ce qui le rend au final bien plus attachant que ses antagonistes : d'une certaine manière et en dépit de son égo, il ne prend se jamais pour autre chose que ce qu'il est. Un type avec une grande gueule et une grosse paire, qui défouraille avec autant de rapidité l'une et l'autre, et dont le besoin d'être aimé confine à la pathologie. En de rares occasions, on aurait presque envie de lui faire un câlin en lui disant que ça va aller. Kenny Powers est certes un beauf, mais c'est un pur beauf.

Et comme tous les purs, il est beaucoup trop bien pour ce monde.


Eastbound & Down (saisons 1 & 2), créée par Danny McBride, Ben Best & Jody Hill (HBO, 2009-10)

12 commentaires:

  1. C'est sur ma liste, M. Sinaeve, après Raising Hope, très probablement :-)

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  2. C'est vraiment une série exceptionnelle, pas forcément très drôle en fait, mais qui envoie du lourd ;)

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  3. Moi je trouve ça quand même très, très drôle par moments.

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  4. "Kenny Powers, en lice pour le titre de beauf de série ultime, d'un genre à faire passer Paulie Gualtieri pour un intellectuel."
    --> J'ADORE ;-)

    Exceptionnel et drôle !

    @ Elodie : Raisong Hope, c'est très très bon aussi.
    Et genre Amérique profonde, ça se positionne pas mal !

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  5. Cette série est effectivement un régal. Bon, il faut aimer le rire gras, tout de même ^_^

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  6. Moi je ne trouve pas ça si gras que cela...

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  7. @Thierry : Oui, Raising Hope est en cours chez moi. J'aime bien et le dernier épisode avec les grands-parents était pas mal loufoque du tout!

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  8. C'est parce que tu as un côté beauf, thom ;-)

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  9. Non, ce que je veux dire par "je ne trouve pas ça si gras", c'est qu'il y a finalement peu de pipi-caca-popo. Mais beauf, ça, oui.

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  10. Belle analyse de la série ! Kenny Fucking Powers met effectivement le doigt là où ça fait mal (ahem). La première saison m'a fait mourir de rire... Mais je n'ai pas réussi à venir à bout de la 2e, trop vulgaire pour moi, mais si le sous-sous texte continuait d'être intéressant.

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  11. (même si, pas mais si... tssss)

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