dimanche 28 novembre 2010

BBMix – Épisode 2 : la torpeur nous guette…

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Second volet de nos aventures au festival BBMix, et la scène est toujours aussi grande, comme nous l’allons voir. Le programme, lui, est toujours aussi alléchant, qui commence pour nous par un Meeting… The Radio Dept. – ou pas. Réveillé à peu près à l’heure de notre rendez-vous, le groupe ne sera disponible qui bien plus tard. On est tellement habitué à ce genre de chose (il règne un micro-climat sur les festivals, qui y change toute interview en parcours du combattant) qu’on ne prend même pas la peine de râler. Et puis la buvette est accueillante, et les gens y sont sympas. Et puis, surtout, cela nous offre la possibilité d’assister à la prestation des très bons Berniz – régionaux de l’étape que l’on n’attendait pas vraiment à ce niveau.

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Le Civil Servant ne manque jamais de le rappeler, le bon rock’n'roll tient souvent à peu de choses. De bonnes tronches, de bonnes références, un bon look et quelques bons riffs peuvent transformer, l’espace d’un concert, d’aimables amateurs en next big things. Parions qu’on réentendra parler du rock psyché des Berniz, dont les influences crèvent les oreilles autant que leur talent crève les yeux. Mélodies ciselées, bon son et superbe poncho, tout y est, avec juste ce qu’il faut d’humour et de bonne humeur pour faire oublier que ce n’est que jamais que le centième groupe revival du genre qu’on entend cette année. Le tout s’achève par un lancé de CDs dans le public, CD qui tient plus que bien la route, et dont on vous reparlera assurément.

The Radio Dept. ayant quitté le lit et rejoint le Carré Bellefeuille (précisons que deux bonnes heures se sont déjà écoulées depuis notre arrivée), nous manquons malencontreusement les Notes, ce qui nous empêchera de les casser. Paraîtrait qu’on aurait pu, paraîtrait même que c’était vraiment pas terrible. Nous, on en a vu juste assez pour noter que la chanteuse était mimi, et que ça n’avait pas l’air très énergique. Tant pis : on réservera notre mauvais esprit aux Young Michelin, groupe maniant l’auto-dérision comme un puceau se protège des bad boys qui veulent l’enfermer dans un casier. Ce n’est pas une critique : on a tous été puceau un jour. Les Young Michelin semblent avoir décidé de faire perdurer un peu cette époque, en témoignent des textes parfois confondants de naïveté, et d'au moins une compo évadée d’une époque où le puceau tentait de changer de statut draguant sur fond d’Indochine. On en sort très, très partagé. Le groupe manie tellement le second degré entre les morceaux que l’on a énormément de mal à le prendre au sérieux, quand les morceaux eux-mêmes n’ont rien de parodique (ce qu’on aurait peut-être bien préféré). Bref, le résultat est mitigé. Il faut cependant mettre au crédit du groupe qu’il aura été le premier à résoudre les problèmes d’occupation de l’espace : tassé sur lui-même comme s’il jouait devant cent personnes dans un club, il a tout simplement décidé de ne pas l’occuper. Bien vu, les mecs.

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Quasiment réveillé, The Radio Dept. débarque enfin sur scène, pile au moment où nous, on songe à aller se coucher. C’est que les effets de la soirée de la veille commencent à se faire sentir, et que la musique du groupe suédois s’y prête à merveille. Éthérée, envapée. Encore plus planante que sur leur dernier (et très bon) album. Lightshow minimaliste (pour ne pas dire que le groupe jouera dans la pénombre quasiment jusqu’au dernier morceau), potards poussés au maximum, le trio, encore plus resserré sur scène que tous les autres, entretient tranquillement son mythe shoegaze (Daniel a d’ailleurs quelque chose du shoegazer absolu, qui ne lèvera les yeux de ses pompes que pour quitter la scène). Avouons que dans le genre, et comme on le soupçonnait depuis un moment, The Radio Dept. se montre très largement au-dessus de la moyenne. Les murs synthétiques, vulgaires cache-misère chez d’autres, n’entament pas une seconde la majesté de morceaux à l’écriture souvent flamboyante. Certes, on assiste au concert le plus mollasson de tout le festival. Mais il plaît : on se cale dans les fauteuils, dont on vient de se rappeler la présence, on ferme volontiers les yeux pour ne les rouvrir qu’aux premières notes du guilleret "Never Follow Suit". C’est donc cela, qu’ils appellent tous dream-pop ? Eh bien c’est fort agréable, en dépit de dangereux effets secondaires : l’envie de rentrer se pieuter n’a jamais été aussi forte qu’au sortir de ce concert langoureux à souhaits d’un groupe que l’on jurerait inventé pour les soirées cocooning. En plus, on apprend pile à ce moment que les Raincoats sont en formation réduite pour cause de guitariste blessée dans la journée. Vous n’imaginez même pas l’abnégation qu’il nous a fallu pour aller malgré tout voir de quoi il retournait.

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C’est qu’on ne connaissait pas du tout ces dames, présentées ici ou là comme un groupe post-punk légendaire vénéré par Kurt Cobain, le mec qui avait un nouveau groupe préféré à chaque nouvelle interview. Honnêtement, on n’a pas vraiment vu le punk, ni le post ; on a bien compris en revanche en quoi les Raincoats étaient pré-grunge et pré-riot grrrls. On a aussi pu constater, il faut le reconnaître, que leur réputation de retraitées ne jouant plus que très occasionnellement n’était pas usurpée (la blessure de leur guitariste n’ayant pas dû beaucoup les aider à être en place).

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Malgré cela, il est incontestable que Gina Birch ait tout ce qu’il faut là où il faut. Je parle bien sûr d’une gueule, d’une présence et d’une voix. Comme quoi parfois, à quelque chose malheur est bon : ramassé et enthousiaste, le show des Raincoats aura été bien plus fort et intense que tout ce qu’on entendra par la suite sur leurs albums. Comme en plus elles sont sympathiques, rigolotes et réussissent presque à occuper l’espace (oui !)… on aurait mauvaise grâce de leur tenir rigueur des pains ou des sacs faits mains vendus par Gina pour la bagatelle de 120 €. Légendaire ou non, post-punk ou pas, au complet ou amputées d’une membre historique… les Raincoats ont assuré avec classe et efficacité, et c’est bien tout ce qui compte. On verra ce soir si les autres légendes post-punk de service, Swans, en feront autant ou achèveront d’endormir une team dont les cernes commencent à être très prononcées.