jeudi 26 août 2010

Augusten Burroughs - Rechute

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Avant d'abreuver des kilomètres de sous-littérature new age, le "magical thinking" était une croyance ancienne quelque part entre la foi et la méthode coué : l'idée que la force de la pensée peut influer sur le cours des évènements et entraîner la réalisation des désirs. Je suis mon propre démiurge, et tu es le tien. Le terme finit par devenir une pathologie, que l'on imagine principalement répandue chez les écrivains et les serial-killers. Intituler un récit ainsi, voilà une belle trouvaille. C'est hélas la seule du livre. Car pour le reste, on a tout de même la désagréable sensation qu'Augusten Burroughs n'a plus grand-chose à raconter et se contente pataudement d'appliquer une formule à succès (la chronique autobiographique) en attendant que la Grande Révélation Littéraire s'abatte sur lui.

Le personnage est tellement attachant qu'on a presque envie de l'en excuser. Après tout, c'est bien normal de rencontrer l'angoisse de la page blanche quand on s'est à ce point vidé de sa vie, au gré de romans aussi troublants, dérangeants, poignants... que Running with Scissors et Dry. Le problème, c'est qu'ennuyer le lecteur n'est en rien excusable. Surtout lorsque l'on a du talent et qu'on a revendu les droits d'un de ses bouquins à Hollywood. Burroughs ayant largement de quoi vivre, rien ne justifiat qu'il confonde vitesse et précipitation pour publier dans l'urgence un nouveau livre aux airs de chutes de studio des deux précédents.

Ca commence pas mal, pourtant. On retrouve l'Augusten enfant qu'on a tant aimé dans Running with Scissors, ce personnage candide et lunaire, un peu hors du monde, rêvant de strass et de paillettes et vivant en complet décalage par rapport au reste de sa famille. On jette sur les parents Burroughs un regard différent, plus compréhensif et compatissants, totalement dépassés par ce gamin qui leur ressemble tellement peu qu'il parvient à se convaincre qu'il a été arraché à la famille Vanderbilt lorsqu'il était petit. Le récit se compose de courtes chroniques, capte Augusten à différents âges ; c'est un peu saccadé, mais Burroughs suit néanmoins une ligne directrice (les rêves de célébrité qu'il s'est mis à nourrir subitement dès la prime enfance, et sa manière unique d'inventer des mondes). Et puis c'est touchant, même si l'on se dit que quelques baffes...

Et puis soudain, la mécanique dérraille. Passant brutalement à l'âge adulte, l'auteur perd de vue son fil conducteur et commence à se lancer dans des digressions d'autant plus interminables que son double littéraire s'avère régulièrement d'une arrogance et d'une suffisance qu'on ne lui connaissait pas. Son égocentrisme, son mépris pour la littérature et plus encore pour les lettrés, la vacuité de ses passions... rarement on aura vu un auteur charger à ce point sa propre barque, au point que c'en devienne presque dérangeant par instants. Notez qu'il y aurait là matière à une proposition littéraire intéressante si Burroughs témoignait d'un tant soit peu d'exigeance vis-à-vis de sa petite personne. Mais non : plus les chroniques défilent et plus Magical Thinking sombre dans la facilité. Le milieu du livre, c'est bien simple, ne sert à rien. On pourrait sauter cent pages sans perdre quoique ce soit (on gagnerait une chose précieuse : du temps), vu que tout y est creux et vain, entre mauvais pastiche de Bukoswki et Sedaris queer. Rien de bien étonnant : seul un génie est susceptible d'enchaîner les scènes de la vie quotidienne et autres banalités sans endormir le lecteur. Burroughs a le style ; il n'a pas le sens du rythme nécessaire à l'enchaînement des situations, au décalage, au burlesque. Piégé par une forme batarde, il finit toutetefois par redresser la barre en fin de livre. Mais honnêtement, on a failli ne jamais le voir.

On excuse, alors ? On préfère essayer d'oublier. Il paraît que ses livres suivants sont excellents. On verra bien. On n'y croit plus trop, tout d'un coup.


Magical Thinking d'Augusten Burroughs (2004)


2 commentaires:

  1. Je ne l'ai pas lu celui-là, mais en effet j'ai souvent entendu qu'il était assez mauvais. Par contre le suivant (Un loup à ma porte en français) est peut-être son meilleur.

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