jeudi 30 juillet 2009

Le Petit blur illustré

...
Encore un best of ?

Eh oui. Encore un. C’est de saison. À peu de choses près, nous pourrions d’ailleurs recopier ici tous les griefs méthodiquement compilés dans notre article sur le récent best of de Faith No More. On économiserait bien des heures d’écoute et de travail – ce qui en période de grandes vacances n’est jamais du luxe.

L’honnêteté intellectuelle oblige cependant à reconnaître que dans le cas de blur les choses sont tout de même légèrement différentes. D’abord parce que le groupe de Damon Albarn et Graham Coxon n’a publié qu’un seul disque de ce genre, ce qui en fait de quasi losers au pays des rockstars. Ensuite et surtout parce que blur : The Best of, déjà vieux de presque dix ans, était loin d’être satisfaisant – principalement centré sur les singles et manquant cruellement de surprises.

Ce double guide a beau ne pas être exempt de doublons, il a pour lui le privilège de la taille. Deux CDs, c’était bien le minimum pour retracer la carrière d’un des groupes les plus importants de son époque, et peut-être même de la nôtre tant il est vrai que sa progéniture fut aussi considérable qu’inattendue. blur est en effet l’un des rares collectifs à mettre d’accord tous les tenants du revival rock’n'roll des années 2000, des Strokes à The Coral en passant bien sûr par Pete Doherty, ce qui ne lasse pas d’étonner lorsqu’on se souvient que dès le second album les commentaires élogieux commençaient à se faire rares.

C’est que les quatre musiciens de blur ont payé au centuple leur succès considérable, l’amour du public comme le respect de leurs pairs. Avec leurs profils de working-classe heroes les frères Gallagher étaient plus raccords avec l’idée que la presse anglaise se faisaient de rockstars, et blur fut durant une bonne partie des années 90 constamment minoré par des critiques souvent injustes au regard des qualités d’écritures considérables de la paire Albarn/Coxon. Soit, leur parcours n’est en rien irréprochable, leurs albums britpop semblant avec le recul avoir été uniquement enregistrés pour donner une illustration à l’adjectif « inégal ». Il n’empêche : les vignettes kinksiennes du blondinet trop beau et trop bourgeois pour être honnête surent capter l’essence de la société anglaise d’alors, et ce n’est pas par hasard si la pochette comme d’habitude ultra-stylisée de cette compile y fait directement référence. Parklife, paradoxalement le moins intéressant de tous les albums du groupe, est une espèce de condensé d’années 90 qui rétrospectivement s’écoute comme on voyage dans le temps. Et qui, de fait… a considérablement vieilli.

Ce n’est pas la moindre des qualités de blur que d’avoir su s’extirper de la britpop la tête haute – ce qu’aucun de ses concurrents d’alors n’a réellement su faire (Brett Anderson joue toujours de la britpop sans Suede, Oasis a publié de très bons albums sans vraiment s’éloigner de ce autour de quoi il gravitait il y a quinze ans…). Au risque c’est vrai de ne jamais réellement parvenir à lever les doutes quant à la sincérité de son parcours, sa cohérence et son éventuelle schizophrénie, reflet troublant de ses dissensions internes (les goûts très pop de Damon Albarn et ceux, rock’n'roll et souvent expérimentaux, de Graham Coxon semblant aujourd’hui encore inconciliables).


Il est en ce sens assez troublant de constater que la sélection des titres composant ce Midlife témoigne d’un soin tout particulier. On serait prêt à parier que si ça n’avait tenu qu’à lui le groupe se serait passé d’une énième version de "Girls & Boys" pour faire la part plus belle à sa discographie récente. À défaut, impossible de ne pas noter que la track-list est presque paritaire, n’hésitant pas à remplacer les prévisibles "Country Houses" et "Charmless Man" par "Trimm Trabb" ou l’inespérée "Battery in Your Leg", et oubliant nombre de tubes pour favoriser des choses moins évidentes ("Good Song", la superbe "Strange News from Another Star" et même le bruitiste "Bugman"). Mieux : le choix des titres de la période dite britpop fait montre d’une envie manifeste de souligner la cohérence plutôt que de chercher le single qui tue, en témoignent la présence bien entendu pas du tout fortuite de "Sing" (morceau particulièrement planant qui, pour n’en être pas moins paru en 1991, n’aurait pas dépareillé sur le dernier opus du groupe), l’exhumation du véhément single "Popscene" (ancêtre putatif de "Song 2") ou cet enchaînement particulièrement culotté entre "He Thought of Cars" et l’un des nombreux remixes de "Death of a Party" – soulignant les similitudes entre ces deux chansons issues de deux périodes supposés antagonistes.

L’inspiration est d’autant plus remarquable que blur, implicitement, reconnaît ainsi lui-même qu’une partie de son répertoire sent bon la napthaline – partie qu’il contourne de fait avec un talent peu commun sur ce genre de publication à vocation strictement commerciale. Là encore, le choix de la version longue (et nettement plus rock’n'roll) de "For Tomorrow", ou de morceaux volontiers nerveux issus de Modern Life Is Rubbish ("Advert", "Chemical World") ne doit rien au hasard, faisant de Midlife l’archétype du best of intelligent – espèce rarissime s’il en est.

De là à dire que cette double compilation atteint son objectif, il n’y a qu’un pas que nous franchirons d’autant plus allégrement qu’elle ne contient que d’excellents titres : oui, Midlife est une très bonne introduction au groupe de Colchester. En faisant fi d’un désir d’exhaustivité évidemment utopique et en oubliant un instant que les best of ne servent pas à grand-chose sinon à faire plaisir au rédacteur, il faudrait vraiment être fine bouche pour ne pas reconnaître sa qualité et – plus important encore : sa pertinence.


👍👍👍 Midlife : A Beginner’s Guide to blur 
blur | EMI, 2009