mardi 14 avril 2009

François Mauriac - Conte de la Haine ordinaire

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Une longue lettre, rédigée par un vieil homme mourant et adressée à son épouse. Qu'il déteste. Pourquoi ? On va le comprendre assez rapidement. D'autant que depuis son lit de mort, il ourdit sa vengeance.

Le début est époustouflant ; on frise le nihilisme absolu. Vingt pages gorgées de haine : le fond remue les tripes, la forme coupe le souffle. Impossible de ne pas être totalement retourné par une telle déflagration, une telle puissance stylistique, une telle morgue...

Dans mon souvenir le soufflet retombait un peu par la suite ; en y revenant plusieurs années après je m'aperçois qu'il n'en est rien. Si ces vingt premières pages à dégoûter de l'écriture tout aspirant écrivain méritent à elles seules l'achat du livre, la suite n'est pas en reste. Courte et sinueuse, portée par une écriture habitée conférant un impact inattendu à un drame de l'incommunicabilité somme toute très conventionnel. Comme toutes les histoires de Mauriac, celle-ci n'a rien d'exceptionnelle - elle est même stupéfiante de banalité. C'est la manière qui fait toute la différence... Et là encore on s'extasie : car le style de Mauriac, s'il est tout ce qu'il y a de classique, est traverser d'une furie (au sens mythologique du terme) insurpassable qui atteint le lecteur et le renvoie à ses propres hantises (ou à sa propre culpabilité, c'est selon).

On ne sort jamais complètement indemne d'un livre de Mauriac, et Genitrix en est un bon exemple. Le Noeud de vipères, de ce point de vue, n'a rien à lui envier. Caractères effrayants, climats étouffants, dénouement incroyable... tout y est, et la phrase la plus banale peut tout à coup sembler terriblement dérangeante. Aucun doute : les véritables Chroniques de la Haine ordinaire, ce sont les romans de François Mauriac.


👑 Le Noeud de vipères 
François Mauriac | Le Livre de Poche, 1933

9 commentaires:

  1. "On ne sort jamais vraiment indemne d'un livre de Mauriac"... c'est tellement vrai. Tu me donnes envie de les relire, tiens !

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  2. Mauriac est un auteur stupéfiant. Il y a une noirceur, une violence, dans ces mots...Je n'ai jamais rien lu de tel, je crois.

    BBB.

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  3. Tiens, le "noeud de vipères" : ) tu en avais déjà parlé ? Ou tu parlais d'un autre bouquin de Mauriac qui bien sûr m'avait fait penser à celui là .....
    Je viens de le voir, sur une étagère chez mes parents, avec une couverture rouge style faux cuir en carton toute moisie.(Il a fait un stage à la campagne ). Ce livre a été pour moi quasiement un choc. Autant de vérité dans un roman. ET écrite à la lame. je vais le relire tiens : )

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  4. Peut-être as-tu déjà lu ce texte sur le forum des Chats ?

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  5. J'ai adoré le nœud de vipères et j'ai enchaîné avec l'excellent Thérèse Desqueyroux. Mauriac a été pour moi une belle découverte. Un auteur à dépoussiérer de toute urgence !

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  6. Oui, il est certain que Mauriac est encore trop ignoré ou mésestimé de nos jours...

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  7. C'est vrai que Mauriac m'avait bien secoué avec THERESE DESQUEROUX... il y a de cela 15 ans!

    Merci à mon excellent prof de français de l'époque!

    SysT

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  8. Vive mon prof... v'là un truc qu'on lit pas souvent de nos jours :-)

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