mardi 9 décembre 2008

Author, Author - La Coupe d'Or est pleine !

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Vous êtes donc écrivain. Vous suez sang et tripes sur un texte pendant un, deux ans. Vous pleurez votre race pour qu'il soit édité. Et lorsqu'enfin la consécration arrive, inutile d'adopter ce sourire béat : vous n'en vendrez pas une rame et votre génie ne récoltera qu'indifférence. Seul truc susceptible de vous remonter le moral : c'est pour tout le monde pareil. Même Henry James ! C'est vous dire.

C'est le postulat un peu fou de David Lodge, dans ce qui demeure à ce jour son roman le plus réussi (faut dire que c'était pas très dur de faire mieux que Small World), le plus fort, le plus fin, le plus... Victorien. Non uniquement parce qu'il se déroule en dans les années 80 (18-80 bien sûr) que parce qu'il réussit là où beaucoup (tenez : Michael Cox, au pif) ont échoué : à capter l'esprit d'une époque plutôt que ses gimmicks. Le souffle d'une décennie capitale (ces 80's consacrent définitivement le dandysme) plutôt que son alléchant menu.

Il fait bien entendu de même avec Henry James : c'est une mode, ces dernières années, que de projeter des figures historiques et autres personnages réels dans des travaux prétendant toujours être ce qu'ils ne sont pas (c'est-à-dire qu'ils ne sont ni des biographies lorsqu'ils croient en être... ni des fictions crédibles lorsqu'ils estiment mériter ce titre). En littérature comme au cinéma. On l'aura pourtant rarement si bien fait que dans Author, Author, sous la plume (ailleurs moins tonitruante) d'un David Lodge particulièrement inspiré : nulle question ici de singer Henry James, de l'imiter benoîtement en espérant que son seul nom suffira à lui donner du corps. En faisant de lui un clown triste, souvent excessif et systématiquement mégalo... Lodge est parvenu à en reconstituer l'essence plutôt que les attributs historiques ; les titres de livres de James, d'ailleurs, ne sont quasiment jamais cités, et son œuvre en elle-même est réduite à quelques filigranes presque secondaires. Dès lors peu importe que le lecteur aime ou non l'auteur controversé de The Portrait of a Lady : Henry James, ici, personnifie l'Ecrivain plus qu'il n'interprète son propre rôle - c'est bien pour cela qu' Author, Author enchante à ce point.

En détournant Henry James et en le projetant dans une aventure tragicomique à la Saki, Lodge en a fait le receptacle de ses propres angoisses d'écrivain - des angoisses de tous les écrivains mêmes Son conte burlesque, dans le fond, est une histoire maintes fois rebattue mais que nous n'avions peut-être jamais lue attentivement, recouverte comme elle l'était ailleurs d'une épaisse couche de nombrilisme. C'est désormais chose faite, et après tout le mal qu'on a pu dire à propos de Lodge sur Le Golb... il était normal de lui rendre hommage.


👍👍 Author, Author [L'Auteur ! L'auteur !] 
David Lodge | Viking Press, 2004