mercredi 3 décembre 2008

Quantum of Common Places

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Ce qu'il y a de bien avec le dernier James Bond c'est que comme personne ne sait ce que veut dire son titre ni n'a pigé quoi que ce soit au scénario on peut se permettre à peu près tous les jeux de mots qu'on veut avec Quantum of – reconnaissons d'ailleurs que Fashion a d'emblée placé la barre très haut avec son redoutable Quantum of Sexytude (on ne devient pas une Leadeuse de la Blogosphère par hasard – non mais)

En revanche on peut tout à fait devenir critique de cinéma complètement par hasard… et là je me rends compte que ma transition, quoiqu'excellente (normal : je suis un Leader de la Blogosphère - de retour pour vous servir), pourrait laisser entendre que le commentaire s'adresse à Fashion… alors qu'évidemment (mais était-ce utile de le préciser ?) il n'en est rien. Bref : je voulais dire qu'on pouvait tout à fait devenir critique de cinéma par hasard, il suffit pour cela de savoir aligner trois mots, de savoir taper le nom qu'on s'est choisi dans un champ over-blog et accessoirement d'avoir vu un film (mais à la limite c'est pas obligé).

Quoi ? Thom qui nous fait une charge contre les blogs ?


Bien sûr que non : Thom vous fait une charge contre son ennemi héréditaire, son Spectre à lui – la Connerie Humaine. Ici présentée sous son jour le plus dangereux… non point Daniel Craig ni la sexytude, mais bien sûr la Mode dans ce qu'elle a de plus moutonnier et la presse (officielle et officieuse) dans tout ce qu'elle a de plus… moutonnier aussi, en fait. Mais incompétent – surtout.

Comment ne pas s'étonner en effet de noter que depuis que Daniel Craig et le très bon « Casino Royale » ont remis James Bond à la mode on voit fleurir partout sur les blogs, sites, forums… des experts en bondologie dont on se demande bien où ils étaient planqués durant l'époque Dalton – Brosnan, pour vous dire il y a même plein de filles qui s'y collent (oui parce que James Bond intéresse les filles… bienvenu dans le vingt-et-unième siècle), et tous ces grands spécialistes de nous démontrer par A + B pourquoi « Casino Royale » était génial… ou pourquoi, le cas échéant, « Quantum of Solace » est à chier. Le tout au gré d'un festival de lieux communs et d'inexactitudes élevées au rang de vérités fondamentales, car désormais on disserte sur Bond avec le même sérieux et la même exigence que l'on décortiquerait Hitchcock. On croit rêver. On en pleurerait même, n'était-ce si drôle. Et du coup rions-en un peu… en explorant cet univers parallèle peuplé d'idées reçues bondiennes, de lieux communs bondés et de bondieuseries toutes faites 1


Chapitre 1 : Daniel Craig et « Casino Royale » ont renouvelé la franchise.


Rien ne dure jamais. C'eut pu être un super titre de jamais Bond, manque de bol c'est le titre d'un… Die Hard 2. On eut bel et bien droit en revanche au psychédélique « Demain ne meurt jamais », mais si Demain est effectivement éternel force est de reconnaître qu'Hier meurt tous les jours. Rien d'étonnant donc à ce que Pierce Brosnan, après avoir été jeune, ait fini par devenir vieux… et par céder la place à un jeune, Daniel Craig, qui sera sans doute vieux dans trois épisodes. Personne n'en réchappe et les bondophiles ont peur de l'âge, sans doute à cause de Roger Moore qui incarna l'espion jusqu'à un âge indécent (cinquante-huit ans) et fait carrément croulant dans « Dangereusement vôtre » (un très bon épisode au demeurant). Seul Sean Connery parvint à incarner un vrai vieux Bond dans « Jamais plus jamais » (1983), épisode non-officiel où il reprend du service en parallèle à Moore et joue avec son image de sex-symbol vieillissant avec une jubilation évidente (les premières scènes montrent Bond contraint de subir une cure de remise en forme). Brosnan commençant au début des années deux mille à faire un peu vieux beau, il a en toute logique été remplacé par un illustre inconnu (Roger Moore - encore - mis à part le rôle pour le moins vampirique de Bond n'est jamais confié à des stars 3).

Dire pour autant que « Casino Royale » a renouvelé la franchise et remis les compteurs à zéro est cependant au moins aussi excessif qu'inexact : la période Craig, après deux films, s'annonce ni plus ni moins comme une variante de la période Timothy Dalton – c'est la fameuse Quête du Sens de TF1 revisitée par Hollywood. Les points communs entre les deux ?

- une époque où le film d'action connaît un vrai renouvellement (lui) : Die Hard dans les 80's, « 24 » ou Jason Bourne aujourd'hui.

- un retour au sources... c'est à dire, en langage bondien, un Bond plus dur, plus violent, plus brutal, moins gentleman - espion - qu'est - violent - mais - quand - même - c'est - le - gendre - idéal. Bref : moins lisse que Papi Brossard… euh ! Pépé Brosnan.

- un acteur qui n'a pas du tout la tronche de l'emploi : Timothy Dalton l'acteur shakespearien hier, Daniel Craig aujourd'hui... les deux ayant pour point commun de ne pas avoir le côté dandy du Bond façon Connery – Moore, d'être doté de silhouettes athlétiques et d'une largeur d'épaule peu bondienne.

- un personnage capable de montrer un genre de sensibilité et même de tomber amoureux : dans « Permis de tuer », il y a vingt ans, on découvrait simultanément que Bond pouvait être amoureux, et même avoir un ami, en l'occurrence un espion assassiné qu'il voulait venger… c'est vous dire si « Quantum of Bidule » est révolutionnaire puisqu'il repose peu ou prou sur la même trame.

- des films plus proches d'un thriller d'action traditionnel que des bonderies habituelles.

Point commun subsidiaire ? « Tuer n'est pas jouer » fut très bien accueilli par la critique et le public, qui saluèrent le renouvellement de la franchise. Son successeur, « Permis de tuer », fut en revanche déchiré par tout ce que la planète comptait de commentateurs, sous prétexte que James Bond y était (quasi) dénaturé.

Ca ne vous rappelle rien ?


Chapitre 2 : avec « Casino Royale » puis « Quantum of Solace », James Bond est devenu une vraie série.


C'est le lieux commun le plus répandu… et le plus stupide. Ainsi sous prétexte que « Quantum of Solace » commence quelques minutes après la fin de « Casino Royale » James Bond serait plus une série qu'avant ? Le raisonnement est une jolie émanation de celui entourant le retour aux sources de Batman… mais il y a toujours eu une continuité interne dans James Bond. En fait, chaque changement d'acteur a opéré une remise de compteurs sériels à zéro, mais il y a bel et bien une suite narrative dans les James Bond de la période Connery, un peu moins avec Moore sans doute, et à nouveau avec Brosnan. Ne fût-ce cette évidence : les missions se succèdent et le héros vieilli. Certes, il n'évolue pas. Mais de par son concept même James Bond n'est pas à même d'évoluer, il n'évolue d'ailleurs pas plus sous la plume de Ian Flemming, dont les romans (que je vous recommande) ne se suivent ni se répondent pas plus que les aventures de Bond au cinéma. En fait, le vrai coup de poker de « Quantum of Solace » n'est pas d'avoir fait une suite… mais une suite directe. Histoire de faire péter les ventes de dvd de « Casino Royale » ? Peu importe : pour avoir vu les deux à quelques jours d'intervalles je vous assure qu'on ne comprend pas beaucoup plus « Quantum of What » en ayant vu le précédent. D'ailleurs, dans « Quantum of What », on ne comprend rien la plupart du temps.


Chapitre 3 : Ce n'est pas mauvais, mais James Bond est devenu un héros d'action ordinaire dans un film d'action ordinaire.


Ca, c'est mon lieu commun préféré de tous. En fait c'est moins un lieux commun que de la paresse intellectuelle pure et simple - je suis d'autant mieux placé pour l'affirmer qu'il m'est sans doute arrivé de l'écrire aussi. Pourtant en y réfléchissant, c'est une ineptie que de dire un truc pareil... et une telle unanimité dans le non-sens finit par rendre admiratif – c'est bien normal. D'abord parce que « QOS » est TRES mauvais. Ensuite parce qu'entre nous… qu'est-ce qu'un James Bond sinon un film d'action ordinaire ? Le James Bond des années 60 / 70 n'est-il pas la matrice de tous les films d'action des décennies suivantes ?

La remarque susmentionnée est à la fois amusante et angoissante en cela qu'elle offre une réaction totalement disproportionnée non par rapport à ce Bond représente… mais par rapport à ce qu'il est. La qualité (réelle) de « Casino Royale » semble avoir fait oublier à beaucoup, et plus encore aux néo-bondiphiles contemporains, que la qualité des films bondiens est depuis la nuit des temps inversement proportionnelle à la fascination exercercée par le mythe. A voir tous ces gens clamer que « QOS » est un film d'action ordinaire on est évidemment obligé de s'interroger : qu'ont de si extraordinaire tous les autres ? A vrai dire… rien. A part les deux premiers (allez, on va étendre au troisième, « Goldfinger », qui est assez culte même si déjà ce n'est plus pareil) aucun Bond n'a jamais été un monument du septième art – pas même « Casino Royale » (dont cinquante pourcent du charme vient du rajeunissement d'u npersonnage qu'on connaissait ailleurs). Certains épisodes (« Moonraker », « Rien que pour vos yeux » ou plus récemment « Meurs un autre jour ») sont même des daubes absolues, quant aux romans de Flemming, ils sont sympas, parfois très bons… mais quand on en a lu deux on les a tous lus (commentaire valant également pour la plupart des films à partir d' « Opération Tonnerre »). Dès lors dire de « Quantum of Solace » qu'il n'est qu'un banal film d'action… c'est refermer une porte pour mieux l'enfoncer en la criblant de balles de Walter PPK. A se demander ce que tous ces gens ont vu dans « Casino Royale » sinon ce qu'on peut voir dans la plupart des Bond : un film de garçons qui fait boum-boum, pan-pan et hum-hum. Peut-être avec un peu plus de fond que dans d'autres épisodes… mais avec surtout beaucoup de violons à la fin.

Idem pour le banal personnage d'action et sa variante Bond évoque Jack Bauer. Réglons le compte de la seconde assertion pour commencer : Bond n'arrive pas à la cheville de Jack, il n'a pas le quart du dixième de son épaisseur, et si l'on peut comprendre que voir Bond pourvu d'émotions puisse déstabiliser… précisons tout de même que les émotions selon Bond-Craig se limitent à froncer les sourcils et serrer les dents (un peu à la manière de Ron « Ridge Forrester » Moss dans Amour, Gloire & Beauté). Fichtre : que de fêlures ! Bauer est un personnage maudit et torturé, Bond, lui, a juste soif de vengeance… et encore on le sait juste parce qu'à un moment, M lui dit : « Vous êtes sûr que vous n'agissez pas par vengeance ? »… parce que nous, franchement, on n'avait pas trop vu la différence par rapport à d'habitude : quand Bond est en forme il baise des filles et tue des méchants (et des fois il baise des filles méchantes qu'il tue après) ; quand il est déprimé il tue des méchants et baise des filles.

De fait on s'interroge sur le pseudo dénaturement de James Bond dans ce film… : comment peut-on dénaturer un personnage dont le caractère tient sur un confetti plié en quatre ? D'ailleurs caractère est un grand mot : le caractère de James Bond se limite à une poignées d'attributs. 007 est reconnaissable à son matricule, son permis de tuer, son Aston Martin 4 et son Martini Gin – pas à un quelconque trait de personnalité. Sa seule particularité physique est d'être longiligne et brun… par conséquent depuis qu'il est joué par un blondinet taillé comme un rugbyman les producteurs ont officialisé ce qu'on savait depuis longtemps sans jamais le dire : n'importe quel britannnique capable de conduire une Aston Martin et de boire du Martini cul-sec est susceptibe d'incarner l'espion mythique. Ah si, quand même : Bond doit être un tueur froid et cynique, mais séduisant quand même. Ca tombe bien : Daniel Craig est expressif comme une falaise d'Etreta et, niveau cynisme, il conclut l'épisode avec le merveilleux « Les morts se moquent bien d'être vengés ». Un authentique James Bond. Fermez le ban !

Après Daniel Craig
(et sa gueule de Poutine)

Retrouvez Dobell-U
(et sa gueule de Dobell-U Bush)

dans le prochain James Bond :






Epilogue : et ce film, alors ?


Un gros machin qui fait boum-boum puis pan-pan et enfin hum-hum. Un peu plus boum-boum que dans d'autres épisodes ; nettement moins hum-hum. Niveau cahier des charges on reste sur sa faim : pas de girl fatale à la Famke Jensen, un des super-méchants les plus ternes de toute l'histoire bondienne… et surtout un scénario totalement incompréhensible, on ne peut d'ailleurs pas prouver qu'il y en a un : c'est juste l'air très pénétré de Craig qui laisse penser qu'il a une bonne raison de penser. A propos de Craig, il campe un James Bond mutique qui ne doit même pas avoir cinquante répliques en deux heures – enfin sauf si on compte ses coups de feu comme des répliques… auquel cas il n'arrête pas de parler. Une daube ? Car si les pires Bond avaient au moins pour eux le mérite du second degré, le Bond version Craig se prend pour sa part très au sérieux... déclenchant du coup la perplexité, puis l'ennui, puis l'hilarité.

Reste à savoir s'il fallait enquiller les lieux communs, inexactitudes et autres contre-vérités pour le dire ? Si cet épisode est une daube, ce n'est pas parce qu'il est moins bien que le précédent, parce qu'il dénature James Bond ou autres bêtises de ce genre... mais tout simplement parce que c'est film d'action tout pourri, dépourvu du moindre début d'histoire et dont les acteurs semblent avoir fait le pari de ruiner leur carrière (pour Craig c'est entendu : jouer James Bond, on le sait depuis des lustres, c'est la garanti de ne jamais rien faire après ; pour Amalric... ça va être dur de sauver sa crédibilité après ça... quant à la Girl bon, en ce qui la concerne, elle ira au cimetière des Bond-girls oubliées - soit donc la plupart en fait). Nulle dénaturation là-dedans. D'ailleurs la vraie dénaturation n'est-elle pas plutôt de faire de Bond ce qu'il n'est pas ?



1. Il va sans dire que cet édito est LE FAMEUX EDITO ANNULE il y a deux semaines... d'où son côté un peu décalé...

2. Pour être tout à fait exact c'est le titre du roman qui inspira à John McTiernan l'incontournable "Die Hard 1"

3. On parle bien sûr de vraies stars... avoir joué dans "Remingston Steele" n'est pas être une star...

4. Et encore, même pas : durant la période Brosnan il conduisait une BMW... de là à dire qu'il avait viré beauf...
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