Y'a pas à dire, c'est toujours la même histoire - dans la vie comme dans les romans. Apprentis, stagiaires, intermittents ou intérimaires - peu importe comment on les appelle ils sont les jeunes premiers éternellement mal traités et cantonnés aux basses tâches... ce aujourd'hui comme hier... et a priori aussi comme demain.
C'est ainsi que le jeune Helward, arrivé à un âge kilométrique raisonnable (six cent cinquante miles) se retrouve brinqueballé dans un univers pour le moins singulier qu'il découvre en même temps en nous (et je peux vous dire qu'on est bien content que ce soit le sien et pas le nôtre), apprenti topographe du futur au sens le plus strict du mot topographe.
Et pour cause : dans le troisième roman d'un Christopher Priest alors jeune et foutrement chevelu, le temps et l'espace entourant la Cité Monde sont étrangement confondus - le Sud représentant le Passé et le Nord l'Avenir. D'où la nécessité du travail de Helward (qu'il ne comprend du reste ponctuellement - pensez donc : il sort de la... crèche !), tâche complexe et ingrate dont dépend la survie de la population. En effet, détail moins saugrenu qu'il y paraît, la ville se déplace en permanence vers le Nord, poursuivant un mystérieux Optimum symbolisant la place idéale qu'elle devrait occuper... lequel Optimum bien entendu se déplace également vers le Nord (sans quoi ce ne serait pas drôle).
Faudrait-il y voir par le plus grands des hasards l'allégorie d'une société occidentale ultra-consumériste lancée dans une fuite en avant (auto)destructrice, vers un idéal inatteignable ? C'est une lecture possible, ne serait-ce que parce que The Inverted World paraît en pleine période de contestation hippie et que Priest est alors totalement immergé là-dedans. Il y en aurait d'autres. Ce n'est de toute façon pas le plus important.
Car The Inverted World, s'il reste encore très marqué par la SF traditionnelle, marque réellement l'épanouissement (après deux romans prometteurs, dont l'étonnant Indoctrinaire) d'un écrivain parmi les plus doués de sa génération. S'il faudra encore attendre une petite décennie avant que Christopher Priest ne soit reconnu en dehors des frontières de la littérature de genre (les critiques si aventures si peu...), c'est bien dans ce roman-ci qu'il parvient pour la première fois à s'affranchir des codes et à imposer sa vision sombrissime de l'univers (le seul monde a toujours été trop petit pour Priest). Élégant et puissant, le style est tout à fait impressionnant - authentique bras d'honneur aux ignares prétendant qu'à ou deux Orwell près la SF est toujours mal écrite (d'autant plus débile que franchement, ce dernier n'a rien d'un grand styliste). Moins linéaire qu'il y paraît, la construction est habile, préfigurant la complexité des chef-d'œuvres à venir (The Prestige, ExistenZ...). Faut-il en rajouter encore ? The Inverted World, en dépit d'un ou deux dialogues un peu longuets, est un roman de premier ordre qu'on ne pourra que chaudement recommander à tous ceux qui se croient naïvement réfractaire au genre alors qu'il est fait pour eux.
C'est ainsi que le jeune Helward, arrivé à un âge kilométrique raisonnable (six cent cinquante miles) se retrouve brinqueballé dans un univers pour le moins singulier qu'il découvre en même temps en nous (et je peux vous dire qu'on est bien content que ce soit le sien et pas le nôtre), apprenti topographe du futur au sens le plus strict du mot topographe.
Et pour cause : dans le troisième roman d'un Christopher Priest alors jeune et foutrement chevelu, le temps et l'espace entourant la Cité Monde sont étrangement confondus - le Sud représentant le Passé et le Nord l'Avenir. D'où la nécessité du travail de Helward (qu'il ne comprend du reste ponctuellement - pensez donc : il sort de la... crèche !), tâche complexe et ingrate dont dépend la survie de la population. En effet, détail moins saugrenu qu'il y paraît, la ville se déplace en permanence vers le Nord, poursuivant un mystérieux Optimum symbolisant la place idéale qu'elle devrait occuper... lequel Optimum bien entendu se déplace également vers le Nord (sans quoi ce ne serait pas drôle).
Faudrait-il y voir par le plus grands des hasards l'allégorie d'une société occidentale ultra-consumériste lancée dans une fuite en avant (auto)destructrice, vers un idéal inatteignable ? C'est une lecture possible, ne serait-ce que parce que The Inverted World paraît en pleine période de contestation hippie et que Priest est alors totalement immergé là-dedans. Il y en aurait d'autres. Ce n'est de toute façon pas le plus important.
Car The Inverted World, s'il reste encore très marqué par la SF traditionnelle, marque réellement l'épanouissement (après deux romans prometteurs, dont l'étonnant Indoctrinaire) d'un écrivain parmi les plus doués de sa génération. S'il faudra encore attendre une petite décennie avant que Christopher Priest ne soit reconnu en dehors des frontières de la littérature de genre (les critiques si aventures si peu...), c'est bien dans ce roman-ci qu'il parvient pour la première fois à s'affranchir des codes et à imposer sa vision sombrissime de l'univers (le seul monde a toujours été trop petit pour Priest). Élégant et puissant, le style est tout à fait impressionnant - authentique bras d'honneur aux ignares prétendant qu'à ou deux Orwell près la SF est toujours mal écrite (d'autant plus débile que franchement, ce dernier n'a rien d'un grand styliste). Moins linéaire qu'il y paraît, la construction est habile, préfigurant la complexité des chef-d'œuvres à venir (The Prestige, ExistenZ...). Faut-il en rajouter encore ? The Inverted World, en dépit d'un ou deux dialogues un peu longuets, est un roman de premier ordre qu'on ne pourra que chaudement recommander à tous ceux qui se croient naïvement réfractaire au genre alors qu'il est fait pour eux.
👍 The Inverted World [Le Monde inverti]
Christopher Priest | Faber & Faber, 1974
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