Qu'il est beau et bon, ce Kundera de la période française. Qui loin des harmonies complexes de ses classiques (L'Insoutenable légèreté de l'Etre en tête) a placé ce nouveau chapitre de son œuvre sous le signe de l'épure, de la simplicité et de la suggestion. Rarement romans de Kundera auront été si agréables à lire que cette Identité (ou cette encore plus belle Ignorance), ouvrage tout en finesse et en retenue constituant réellement un autre visage d'un des plus grands auteurs vivants. Au point de le réconcilier avec ses plus farouches détracteurs ? Pourquoi pas ?... Le fait est que depuis qu'il a pris le parti de raconter des histoires (presque) simples, Kundera a renoué avec ce qui faisait cruellement défaut à une symphonie métaphysique comme L'Immortalité : la chaleur (magnifiée par une écriture à nouveau limpide), la tendresse, l'émotion.
Sans rien perdre de sa virtuosité et de son don pour l'interrogation existentielle, Kundera brosse donc ici le portrait d'un couple en pleine crise identitaire... dans tous les sens du terme : Jean-Marc éprouve de plus en plus de difficultés à reconnaître Chantal, qui elle-même ne sait plus vraiment qui elle est - incapable de faire le lien entre une ancienne vie étouffante (famille du mari omniprésente, deuil impossible) et une nouvelle vie de liberté totale s'avérant rapidement vertigineuse. Comme souvent chez Kundera, ce sont les détails qui mettront le feu aux poudres : séparés le temps de quelques heures, l'un et l'autre vivent une expérience troublante qui bouleversa la nature de leurs relations ; tandis que Chantal constate dépitée qu'elle vit dans un monde où les hommes ne s'intéressent plus à elle, Jean-Marc pour sa part se retrouve par hasard à la confondre avec une inconnue. Ca semble peu - c'est déjà beaucoup trop. La fatalité est en marche, qui semble devoir les séparer tandis que chacun des courts chapitres entérine un peu plus la dissolution de l'identité de Chantal dans une société moderne où, paradoxalement, il est presque impossible pour cette dernière de disparaître. Aussi lorsqu'elle commence à recevoir les lettres d'un mystérieux inconnu semblant l'espionner, c'est sur le mode du polar nonchalant que son couple va commencer à se désagréger...
Le Kundera de L'Identité fait évidemment penser au Schnitzler de Vienne au Crépuscule, la psychanalyse en moins en l'humour en plus. Car même attendri par ses personnages Kundera demeure l'un des auteurs les plus ironiques et cruels qui soient - pensez donc : le lecteur sait presqu'immédiatement que les lettres mystérieuses reçues par Chantal émanent de... Jean-Marc ! Ainsi comme autrefois dans Risibles Amours (auquel on pourra difficilement éviter de rapprocher ce livre-ci) la mystification ludique et quasi innocente est le principal ressort de la tragédicomédie. Plus il voudra faire plaisir à son amour angoissée par l'écoulement du temps... plus il voudra lui montrer que les hommes peuvent encore s'intéresser à elle... plus Jean-Marc appuiera sur la névrose de sa compagne, l'éloignant inexorablement de lui et provoquant bien involontairement un final aussi bouleversant qu'insoutenable. Qu'on n'attende pas de Kundera une quelconque morale : la démonstration pourrait presque se passer de commentaire. Si autrefois il aurait sans doute agrémenté le tout de références philosophiques et de symboles en tout genre, sa contemporaine exploration des petits drames intimes s'accommode mal du didactisme. Les dernières pages, miroir des premières, sont en soient suffisantes pour conclure un roman littéralement hypnotisant : la trop grande empathie peut parfois s'avérer bien plus dangereuse que l'incompréhension.
Sans rien perdre de sa virtuosité et de son don pour l'interrogation existentielle, Kundera brosse donc ici le portrait d'un couple en pleine crise identitaire... dans tous les sens du terme : Jean-Marc éprouve de plus en plus de difficultés à reconnaître Chantal, qui elle-même ne sait plus vraiment qui elle est - incapable de faire le lien entre une ancienne vie étouffante (famille du mari omniprésente, deuil impossible) et une nouvelle vie de liberté totale s'avérant rapidement vertigineuse. Comme souvent chez Kundera, ce sont les détails qui mettront le feu aux poudres : séparés le temps de quelques heures, l'un et l'autre vivent une expérience troublante qui bouleversa la nature de leurs relations ; tandis que Chantal constate dépitée qu'elle vit dans un monde où les hommes ne s'intéressent plus à elle, Jean-Marc pour sa part se retrouve par hasard à la confondre avec une inconnue. Ca semble peu - c'est déjà beaucoup trop. La fatalité est en marche, qui semble devoir les séparer tandis que chacun des courts chapitres entérine un peu plus la dissolution de l'identité de Chantal dans une société moderne où, paradoxalement, il est presque impossible pour cette dernière de disparaître. Aussi lorsqu'elle commence à recevoir les lettres d'un mystérieux inconnu semblant l'espionner, c'est sur le mode du polar nonchalant que son couple va commencer à se désagréger...
Le Kundera de L'Identité fait évidemment penser au Schnitzler de Vienne au Crépuscule, la psychanalyse en moins en l'humour en plus. Car même attendri par ses personnages Kundera demeure l'un des auteurs les plus ironiques et cruels qui soient - pensez donc : le lecteur sait presqu'immédiatement que les lettres mystérieuses reçues par Chantal émanent de... Jean-Marc ! Ainsi comme autrefois dans Risibles Amours (auquel on pourra difficilement éviter de rapprocher ce livre-ci) la mystification ludique et quasi innocente est le principal ressort de la tragédicomédie. Plus il voudra faire plaisir à son amour angoissée par l'écoulement du temps... plus il voudra lui montrer que les hommes peuvent encore s'intéresser à elle... plus Jean-Marc appuiera sur la névrose de sa compagne, l'éloignant inexorablement de lui et provoquant bien involontairement un final aussi bouleversant qu'insoutenable. Qu'on n'attende pas de Kundera une quelconque morale : la démonstration pourrait presque se passer de commentaire. Si autrefois il aurait sans doute agrémenté le tout de références philosophiques et de symboles en tout genre, sa contemporaine exploration des petits drames intimes s'accommode mal du didactisme. Les dernières pages, miroir des premières, sont en soient suffisantes pour conclure un roman littéralement hypnotisant : la trop grande empathie peut parfois s'avérer bien plus dangereuse que l'incompréhension.
👑 L'Identité
Milan Kundera | Gallimard, 1997