vendredi 12 septembre 2008

Rock'N'Roll Hall of Shame - On passe aux choses sérieuses

[Mes disques à moi (et rien qu'à moi) - Hors-série N°4] 
Dish of the Day - Fool's Garden (1995)

Vous savez quoi ? On raconte dans les pays anglo-saxons que les français sont un peuple arrogant... pourquoi pas ? Mais tout à fait entre nous... il y a de quoi rire tant c'est bien mal connaître un pays où, en matière de culture, on n'a de cesse de s'excuser de demander pardon - ce qui prête même doublement à rire de la part d'une nation qui donna naissance à Zola, Debussy, Monet ou Sardou. Le Golb ne mange pas - vous le savez - de cette grosse brioche molle et écoeurante qu'on appelle chauvinisme - tout au plus sait-il se contenter de faits : les français sont en réalité, quand on prend la peine de faire leur connaissance, des gens extrêmement complexés vis à vis de leurs amis anglo-saxons. Interrogez les amoureux de littérature autour de vous : ils vous diront tous que leurs auteurs favoris vivants sont soit anglais soit américains, la littérature française contemporaine étant morte et enterrée depuis au moins trente ans. En matière d'humour ils ont honte de ne jamais avoir accouché des Monty Python, en matière de séries télé ils ont honte de ne connaître le titre d'aucun programme local (Plus belle la vie mis à part), et en matière de cinéma ils ont honte - tout court. En matière de pop et de rock c'est encore mieux : non seulement ils ont honte, mais en plus ils se sentent obligés de cracher à longueur de temps sur les productions de chez eux, ce qui n'est même plus drôle à force d'entendre une poignée d'incultes clamer que le rock français c'est de la merde (ou n'existe pas) tandis qu'un groupe comme Tue-Loup se crame et ne vend quasiment aucun de ses disques pourtant largement supérieurs à beaucoup de ces cochonneries dont la pop anglaise nous abreuve à longueur d'années. Surtout, ils feraient mieux d'aller jeter une oreille du côté de chez leurs voisins européens - histoire de remettre leurs jugements à l'emporte-pièce en perspective. Certains de mes amis espagnols seraient prêts à tuer pour entendre chez eux un album du calibre du plus mauvais opus des Dogs. Les amateurs du genre en Italie se rendent en masse au Vatican pour demander au Seigneur de leur envoyer juste une fois, pour voir ce que ça fait, un groupe de rock un tout petit peu groovy. Quant aux allemands...

... ah les allemands ! Ce sont quand même de loin les meilleurs. Soit : il y eut bien il y a déjà quelques décennies le très peu rock krautrock. Depuis... ils pleurent à chaudes larmes tant l'essentiel de la production pop allemande ferait passer Obispo pour Gainsbourg. Les allemands ont toujours été très forts pour l'electro, pour le gothique ou pour le metal (et même pour l'electro-metal gothique - Cf. les premiers Oomph!), mais la pop... ben disons que c'est un peu comme pour le tennis : à un ou deux Becker près c'est pas trop leur truc. Ceci dit avec tout le respect dû au rang des Nina Hagen et autres Blixa Bargeld : quand il faut faire peur à la ménagère, bricoler des trucs difficilement audibles ou faire dans le lourd de chez lourd *, aucun problème - on peut compter sur nos amis teutons. Lorsqu'il s'agit de trouver des mélodies entraînantes, avec des arrangements léchés, des harmonies agréables et des refrains qui tuent... bon, là, on aura beau essayer d'être poli, force sera de reconnaître que les allemands sont nettement moins bons ou (pour être tout à fait exact) nettement moins... allemands !

Car cette longue intro un chouia provocatrice n'a évidemment pas pour but de cracher sur une scène germanophone en pleine bourre depuis les débuts des années deux mille, mais plutôt de planter le décor propice au disque qui nous intéresse aujourd'hui tant ce dernier est représentatif d'une certaine pop allemande des années quatre-vingt dix... allemande renvoyant évidemment à son origine géographique plus qu'à son essence. Durant cette étrange décennie en effet l'Allemagne passa maîtresse dans l'art de la... britpop (!), ce qui ne laissera songeurs que ceux qui n'ont jamais essayé d'écouter des radios locales à l'époque plus que largement dominées par la culture anglo-saxonne. Fool's Garden est l'incarnation parfaite de ce courant (à l'exact inverse des groupes pop ou rock français les groupes allemands dans leur écrasante majorité préférèrent longtemps chanter en anglais - excellente initiative ou bêtise pure et simple c'est selon), à tel point qu'à quatorze ans j'étais évidemment sincèrement persuadé que les auteurs de « Lemon Tree » étaient originaires de Londres. Il est fascinant de constater le soin mis par lesdits auteurs pour gommer le moindre microscopique signe d'appartenance nationale, à tel point que c'en devient évidemment on ne peut plus suspect - si seulement...

... hein ? Pardon ? « Lemon Tree » ? Euh... oui : je m'apprête bien à écrire un long article sur ces one-hit wonders du milieu des années quatre-vingt dix. Voyez-vous à force de chercher un Rock'n'Roll Hall of Shame dans les tréfonds de ma mémoire j'ai fini par en trouver un, et non des moindres puisque non seulement la musique des Fool's Garden est indéfendable... mais en plus je l'ai écoutée à m'en rendre malade à l'époque - au point qu'aujourd'hui et alors que je n'ai a priori plus écouté Dish of the Day depuis une décennie je m'aperçois consterné que j'en connais encore toutes les paroles par cœur.

C'est que, vous me croirez si vous voudrez, figurez-vous que Dish of the Day a énormément compté dans mon éducation musicale. Soit : il m'a surtout fait découvrir des trucs que je ne pourrais pas écouter deux minutes aujourd'hui (Chris Rea, Supertramp, Kool & The Gang... putain : quand j'y pense !), il n'empêche que ses chansons pop calibrées pour les ondes m'ont sévèrement marqué, suffisamment en tout cas pour que je persiste à trouver qu' « Ordinary Man » est une chouette chanson. Je sais, c'est absurde : si Fool's Garden publiait le même album aujourd'hui et décrochait la timbale avec le même « Lemon Tree » je serais sans doute le premier à lui consacrer une place de choix dans notre désormais célèbre rubrique Top of the Flops. J'assume la contradiction... et enfonce le clou : « One Fine Day », le final entre Pulp et Foo Fighters (oui, c'est possible - la preuve), est un morceau fabuleux que je chante à tue-tête à cette seconde. « Pieces » et « Wild Days » sont de jolies poppinettes à la Beatles / Kinks (la première serait même susceptible, prise hors contexte, de séduire certains d'entre vous).

On y trouve aussi, certes, quelques titres que je n'ai pas pu écouter jusqu'au bout durant la rédaction de cet article. La bonne volonté a ses limites. Ce qui ne m'empêchera de vous avouer sans rougir que la plage neuf, des années après, ne me laisse pas indifférent du tout. Mis à part que depuis j'ai découvert que l'intro était piquée à un vieux morceau de Tori Amos je reconnais que ce titre est toujours mon favori et... alors oui, écoutez, ça c'est tout moi : mes chansons préférées, quand j'étais ado, étaient presque toujours les ballades. Je vous ai déjà dit que j'étais une midinette ? Si oui il est temps d'ajouter que je ne suis pas un vrai rockeux, je fais tout simplement semblant depuis des lustres (reconnaissez que je vous ai bien eus). J'aime Elton John, j'aime Bon Jovi, j'aime plein de trucs méritant qu'on me jette des tomates. « The Tocsin » est une chanson merveilleuse (qui en plus m'a appris à l'époque ce qui signifiait le verbe to fail) et « Wild Days »... ah putain ! Quand je pense que j'ai réussi à faire gober à tout le monde que dans les années quatre-vingt dix j'écoutais Oasis. Alors qu'à l'époque High Density, le vrai, reprenait sur scène « Wild Days » des Fool's Garden (je suis à deux doigts de vous mettre un lien deezer pour vous le prouver). Mais dans le fond tous ceux qui ont lu et compris « Je suis une midinette » savent de quoi il retourne depuis longtemps - et le Rock'n'Roll Hall of Shame sera pour moi l'occasion de les remercier de continuer à me lire malgré tout (d'ailleurs rock'n'roll... n'exagérons rien !). Voici que l'horrible vérité surgit sans prévenir, alors que les Mes disques à moi (et rien qu'à moi) approche de sa fin : si j'avais été un brave gars honnête plutôt qu'un vulgaire poseur, Dish of the Day aurait figuré en bonne place dans cette liste prétendant compiler les albums ayant le plus compté dans ma vie. Si je ne l'écoute plus jamais aujourd'hui je veux le dire à présent : je l'ai infiniment plus écouté dans ma vie que (au hasard) celui-ci . Je dirais même qu'il y a peu de disques que j'ai autant écoutés. En ai-je honte ? Même pas ! C'est après tout tout à fait raccord avec mes goûts (les vrais, ceux dont je ne vous parle jamais de peur que vous vous foutiez de ma gueule). Peut-on vraiment être surpris que j'aime Fool's Garden quand on sait que j'aime Genesis ? Peut-on vraiment être étonné d'une telle révélation alors que je poste régulièrement sur ce blog...

... hein ? Quoi ? Genesis ? Euh... oui : j'aime beaucoup Genesis. Vous ne le saviez pas ? Attendez - j'vous explique...


1 Attention hein, pas de confusion : ce passage a beau être ambigu nous parlons bien là de musique, et non de la noble et belle langue des romantiques.........