dimanche 14 septembre 2008

Doggy Bag - La Morne saison

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Loi des séries télévisées, troisième : la saison trois d'une grande série propose toujours un nouveau départ, une remise en question d'éléments qu'on croyait acquis... un changement radical dans l'esthétique du programme.

Exemple récent : la saison trois de Lost, qui dynamite complètement (et avec quel brio !) les convictions des personnages comme celles du spectateur. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'en dépit de certaines règles de base pour la plupart héritées de la tragédie antique, la série télé se doit de se renouveler en permanence, de se refondre régulièrement pour maintenir son audience intacte.

C'est peu dire que Philippe Djian rate complètement le coche de sa saison trois, sans doute parce que coupable d'un péché originel biaisant complètement son projet : contrairement à l'auteur de série télé lambda il était assuré dès le départ de mener ses projets à terme - peu importe qu'ils aient débouché sur un succès foudroyant ou un ratage complet. Il ne risquait assurément pas de voir son Doggy Bag subir le sort de sa série favorite (Twin Peaks, éternellement condamnée à ne pas avoir de fin - ce qui a par ailleurs beaucoup fait pour sa légende), ni de se voir (à l'instar de Carlton Cuse et Damon Lidelof sur Lost) gentiment conseiller de raccourcir le format afin de ne pas lasser le public. Pas de producteur, pas de contraintes d'audimat, pas de panel votant pour ses personnages favoris ... à partir de là inutile de dire que les dés étaient pipés et, de fait, Philippe Djian se repose à présent sur ses lauriers au moment précis où l'on était en droit d'attendre qu'il se surpasse.

Sans trahir une intrigue qui cependant ne contient que peu de révélations capitales, il faut bien avouer qu'on reste pantois devant le côté routinier de ce nouveau volet - alors même qu'une fin de saison deux pétaradante laissait espérer une suite particulièrement corsée. Que s'est-il passé pour que Doggy Bag, démarrée sous l'ombre tutélaire de Twin Peaks et Six Feet Under, se retrouve ainsi à évoquer un « Dallas » un peu trash, ronronnant plus souvent qu'il n'écorche ? Difficile à dire, mais il est certain que s'il s'était agi d'une véritable série télé ses audiences se seraient effondrés après deux épisodes d'une troisième saison ni bonne ni mauvais - juste fade et dispensable. Un répit bienvenu dans l'intrigue avant une reprise des hostilités dans la saison quatre ? C'est plus que souhaitable (ce serait d'ailleurs bon signe : ça voudrait dire que Djian n'a pas oublié qu'un livre ce n'était pas tout à fait pareil qu'un programme télévisé).

Dans le cas contraire, différentes solutions s'offriront de toute façon à lui pour éviter que Le Golb décide de retirer Doggy Bag de son antenne : grand ménage dans les personnages principaux (un crash aérien est si vite arrivé), projection dans le futur excusant toutes les invraisemblances (ç'a tellement bien marché pour 24 que toutes les séries américaines s'y mettent), guest-stars inattendues (on murmure que John Malkovitch serait disponible)... sans parler de la méthode la plus radicale, qui sauva 24 (encore) du naufrage de sa saison trois : le limogeage pur et simple du principal scénariste.

Avouons qu'il serait dommage que Djian, après avoir si bien flairé l'air du temps et fini par décrocher la queue du mickey, se ringardise de lui-même.


Doogy Bag (saison 3) 
Philippe Djian | Julliard, 2006