jeudi 12 juin 2008

Allumer le chat - Rigolo, mais pas trop

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Je serai donc le dernier à me joindre au concert de louanges qui entoura l'an passé le premier roman de Barbara Constantine. C'a ses bons et ses mauvais côtés. Le principal mauvais côté c'est que passant après quarante blogueurs chevronnés je n'ai plus grand chose de neuf à dire. Le mauvais côté juste en dessous au top des mauvais côtés c'est qu'après une telle explosion d'enthousiasme quiconque voudrait apporter une minuscule critique passerait immanquablement pour un pisse froid dans la canicule.


Le bon côté des choses, ceci dit, c'est que depuis le temps que je lis des commentaires sur Allumer le chat j'ai eu le temps d'identifier tous les lieux communs et ne perdrai donc pas une seconde à louer l'originalité (relative) du livre, pas plus que son langage ailleurs qualifié de cru (ce qui est vrai... mais n'a pas grand chose de révolutionnaire non plus, tout de même). Je pourrai me focaliser sur l'essentiel, à savoir que ce livre fait du bien. Au moral, bien sûr (car il est drôle - non pardon : il est hilarant), au reste aussi. C'est quand même particulièrement rassurant de se dire que oui, de nos jours, il est encore possible de commencer à écrire un livre pour faire tout ce qu'on a envie dedans, de se lâcher complètement, de faire n'importe quoi avec ses personnages et d'écrire ce qu'on veut comme en veut. Ce qui frappe chez Barbara Constantine c'est moins son langage gouailleur que l'incroyable liberté de ton qui va avec ; moins la construction barrée de son bouquin que cette volonté affichée de le laisser partir dans tous les sens. Laisser les personnages vivre leur vie tranquillement, une vie pour le moins remuante soit - mais une sacrée belle vie de personnage tout de même. On pourrait passer des heures à ergoter sur Paul, alcoolique en phase terminale âgé de dix ans, sur Bastos le chat philosophe ou sur son imbuvable maître Raymond (qui rêve de le dégommer). Ce serait fabuleux mais on omettrait de préciser l'essentiel, cet essentiel qui fait d' Allumer le chat plus que le petit livre sympa auquel je m'attendais : ces héros ne sont pas juste de bonnes trouvailles croquées en trois lignes amusantes. Ils sont de véritables caractères pourvus d'une réelle épaisseur. Auxquels le lecteur se lie en quelques phrases, qui le marquent réellement et continuent d'habiter avec lui longtemps après le livre refermé. Peu importe que oui, il y ait ce truc des pâtés de rats et que ce soit très rigolo. Ce qui rend Allumer le chat remarquable, c'est la chaleur avec laquelle ces pâtés sont reçus. C'est cette humanité qui suinte de chaque page, amusante souvent, douloureuse parfois, adorable toujours. 

Alors bien sûr on rit, mais l'humour est loin d'être gratuit et si ça semble fuser de toute part Barbara Constantine est loin d'être en roue libre. Le burlesque des situations ne masque qu'en partie la tendresse et la mélancolie habitant ces personnages (Raymond en tête), et c'est pour cette raison - et non juste parce qu'il est drôle et imaginatif - que le premier roman de Barbara Constantine est une jolie réussite. On part pour s'envoyer en l'air avec une petite fantaisie burlesque... et l'on revient avec, sous le bras, un ouvrage de haute tenue, bien plus fort qu'il y parait de prime abord. Parce qu'il dit des choses sur notre monde, sur la solitude ordinaire, sur l'amour, sur le quotidien... et sur cette notion oubliée par tous et depuis longtemps : la fraternité.


👍👍 Allumer le chat 
Barbara Constantine | Calmann-Lévy, 2007