lundi 21 avril 2008

Toby Litt - First of GANG to Die

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Un titre choc, une couv' qui claque. Un sujet semble-t-il sulfureux - et voilà qu'on doute : Toby Litt sera-t-il un de ces grands auteurs déjantés dont seule l'Angleterre a jamais su accoucher ou bien un vulgaire VRP jouant au poseur rock'n'roll ?

L'interrogation ne subsiste que durant quelques pages : Litt est un authentique écrivain - et pas un mauvais. Variation habile sur l'archi-classique Lord of the Flies, son Deadkidsongs met en scène quatre gosses frappés se faisant appeler : GANG - tout simplement... Ils ont établi leur hiérarchie il y a longtemps, en fonction du rang social de leurs parents respectifs, et entrent aujourd'hui en guerre contre l'Ennemi héréditaire : le monde des adultes. Lâche, tyrannique et corrompu. Surentraînés, les enfants ne craignent qu'une chose : mourir avant d'avoir pu accomplir quelque exploit mémorable, avant d'avoir su honorer leur grade. Alors ils snippent à tout va, jouent à la guerre comme d'autres joueraient aux playmobiles, se rapprochant un peu plus à chaque page d'une apothéose de violence qui ne tardera pas à arriver.

Sorte de David Peace mécanique, Litt possède une écriture sèche parfaitement adaptée au propos et a manifestement les bonnes références : Golding, donc ; mais aussi plus étonnamment la culture manga, pourtant nettement plus discrète outre-Manche que chez nous. Difficile de ne pas penser, tout en accompagnant ce quatuor de gosses vers une issue évidemment tragique, à Battle Royale - voire même à Akira. Rebaptisez le Sergent Andrew North : Tetuso - vous y êtes. Il vous entraînera sans vous forcer dans une aventure des plus dérangeantes, cyber-punk si cela vous sied - en tout cas tout à fait inédite à ce jour. Ailleurs un peu trop systématique pour être honnête, la charge anti-hippie de Toby Litt aurait plutôt tendance à tenir la route, parce qu'évitant le didactisme et se contentant de montrer des babys punks livrés à eux-mêmes dans un patelin ressemblant énormément au trou de balle du monde (un petit village ? hum...).

Reste qu'arrivé à la moitié l'auteur ne fait plus grand chose de son idée pourtant originale, et Deadkidsongs de devenir un thriller plus ordinaire. Le message est un peu brouillé, la satire sociale réduite au strict minimum (le libéralisme a détruit le système de valeurs de l'Angleterre... soit, mais bon : ça tient en une phrase), un peu comme si l'auteur, effrayé par son propre moralisme, avait décidé de l'abandonner en cours de route. Le changement de ton est du coup assez inattendu : parti avec un film expérimental des plus subtils on se retrouve à regarder une superproduction techniquement irréprochable mais manquant un peu de profondeur ; qui va butter qui, et comment il va le butter ? Le pourquoi s'est perdu en route. Dommage, néanmoins l'ensemble reste intéressant.


👍 Deadkidsongs 
Toby Litt | Penguin, 2001