lundi 21 janvier 2008

Little Bob - Classique en devenir ?

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Ceux qui comme moi écoutent beaucoup trop de disques et n’en chroniquent jamais assez ont tous déjà vécu ça : un album dont on se dit qu’on verra ce qu’il vaut plus tard, qui glisse en-dessous de la pile et n’en ressort finalement jamais plus. Aujourd’hui je ferai donc pénitence : oui, j’ai fait subir cet outrage au P’tit Bob. Volontairement en plus : je venais de chroniquer deux rééditions de son œuvre en une semaine… alors j’ai sciemment décidé de mettre Libero en-dessous de pile et d’en causer plus tard pour éviter le gavage de lecteur. A l’époque je pensais y revenir deux ou trois semaines plus tard – c’était il y a presqu’un an. Comment ai-je pu oublier ce billet prévu de longue date ?... Aucune idée. Surmenage bloguien, sans doute.

Car Libero n’est pas n’importe quel album de Little Bob – Libero est son plus beau. Peut-être pas son plus fort, ni son plus "hymnique" ni son plus rock'n'roll. Peut-être même pas son meilleur. Mais son plus personnel sans aucun doute. Et de loin son plus émouvant.

Cela vaut bien sûr pour le morceau d’ouverture (éponyme), hommage à son papa, un certain… Libero (non… ? vous pensiez vraiment que ce disque était un hommage à Marcel Dessailly ?), homme libre plutôt bien nommé qui déserta l’Italie fasciste en quête d’horizons plus heureux… autant prévenir : cette chanson est plus que poignante, son potentiel lacrymal avoisinant les 400,9 ° sur l’échelle de « Yesterday ».

Cela vaut aussi pour la plupart des titres, y compris les plus enlevés : il y a dans la voix de Roberto quelque chose de désespérément renversant auquel il est difficile de résister, qu’il déclame dans l’urgence un « Slave to the Beat » tendu à souhaits ou se lance dans une reprise virtuose de « Be Gentle with the Whore » - une de ces revisitations roots dont lui seul à le secret. Plus blues que rock, l’album décline ainsi une couleur intimiste d’autant plus séduisante que son prédécesseur, le sympathique mais dispensable Blues Stories (1997), avait un côté rutilant un peu bassinant par moment. Rien de cela ici : Libero évolue dans un registre sonique extrêmement pur, débridé, et les morceaux s’enchaînent merveilleusement… retrouvant le groove furieux de la grande époque de Little Bob Story. L’effet Garotin ? Indéniablement le retour au bercail d’un des plus grands batteurs français en activité (Nico tint les fûts de la Story de 1982 à 87, notamment sur l’incontournable Vacant Heart) est un des gros plus de ce quatrième album « solo » : majestueux sur le remarquable « Let’s Shout », costaud sur la plupart des autres titres, on sent d’autant plus son apport que le seul titre sur lequel il ne joue pas (« Mean Game ») est comme de par hasard le moins convaincant.

De la tendresse et du panache, donc, mis au service d’un « Lucky Man » autoproclamé ici au sommet de son art. Et si ce n’est pas de bon ton de le dire, il faut bien reconnaître que cet album largement encensé (enfin : par les rares qui l’ont écouté) au moment de sa sortie est tout aussi bon et incontournable que le classique Lost Territories – chef d’œuvre des débuts 90's dans l’ombre duquel tous les albums suivants de Little Bob semblent condamnés à rester (y compris les meilleurs). Dans un registre moins torturé, Libero n’a rien à lui envier, le surclasse même à plusieurs reprises (« Outside », « Deborah »…)…

… reste que comme la plupart des gens ne connaissent de toute façon pas Lost Territories il est probable qu’un grand nombre des lecteurs du Golb se foute complètement de cette dernière réflexion. Tant mieux d’ailleurs : je les invite à découvrir ce disque parfait avec l’oreille vierge… gageons que les amateurs de blues et de rock y trouveront plus que leur compte.


👑 Libero 
Little Bob | Dixiefrog, 2002