vendredi 14 décembre 2007

The Plumed Serpent - La Seule véritable morsure...

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Les adaptations cinématographiques de grands chefs-d’œuvre littéraires étant trop rares pour ne pas être saluées, commençons par rendre grâce à Pascale Ferran d’avoir su proposer une lecture superbe de Lady Chatterley’s Lover et surtout, surtout : d’avoir entraîné un vif regain d’intérêt du public français pour le plus grand auteur anglais du vingtième siècle.

Ceci posé espérons que ce ne sera pas qu’un simple feu de paille, et que les jeunes gens qui (re)découvrent depuis un an l’incroyable prose de D.H. Lawrence ne s’arrêteront pas au seul Lady Chatterley , qui pour n’en être pas moins un chef-d’œuvre absolu n’est pas forcément le plus grand livre du bonhomme (nous reparlerons sous peu Sons & Lovers, voire peut-être – quand on aura un peu de temps – du magnifique The Virgin & The Gypsy ).

C’est à l’adolescence que j’ai lu pour la première fois The Plumed Serpent . Il va sans dire que je suis sans doute passé à côté des trois quarts du texte, mais cela avait néanmoins suffit à faire naître en moi une vive passion pour un auteur incroyablement drôle, sulfureux et moderne. Car la modernité de la plume comme du propos continuent de m’impressionner à chaque (re)lecture de Lawrence, la langue comme ce qu’elle raconte… pensez donc à cette héroïne, Kate… pourtant créée deux ans avant Lady Chatterley. Une femme de quarante ans, libre de tout engagement et de toute contrainte, assumant désir et féminité, assumant ce que c’est qu’être une femme. Vous rendez-vous compte qu’on parle là d’un livre remontant à 1926 ? Dans combien de livres de l’époque peut-on lire :

« Je l’aimais [son premier mari] d’une certaine façon. Mais je n’ai jamais compris qu’on pouvait aimer un homme autrement que d’affection jusqu’au jour où j’ai connu Joachim. Je pensais que c’était là tout ce qu’on pouvait éprouver : que vous aviez, vous, de l’affection pour un homme, et que lui vous aimait. Il m’a fallu des années pour comprendre qu’une femme – du moins une femme de ma sorte – ne peut aimer un homme qui n’est qu’un brave et correct citoyen. »

Et voici donc notre Kate projetée en plein Mexique (pays que l’auteur connaît tout particulièrement pour y avoir passé une partie de sa vie) terre nouvelle, terre ravagée par des guerres fratricides, hantée par la violence comme par les passions. Ceci étant un roman de D.H. Lawrence nous devrons évidemment évoquer le désir et l’érotisme, pourtant le plus fascinant demeure cet espèce de féminisme avant la lettre – car c’est de désir féminin qu’il s’agit. Tabou suprême dans la société occidentale de l’époque, explosé par l’un des plus grands passages érotiques de tous les temps : la torride scène d’amour entre Kate et Cipriano, les mots qui deviennent sens et le désir se nourrissant de la frustration (Cipriano se retire avant l’extase, dans un geste quasi rituel) pour mieux se réincarner dans le fantasme. Ironie des évolutions linguistiques, ce qui choqua en 1926 par sa brutalité semblera au lecteur de 2007 remarquablement subtil, ni lourd ni vulgaire, aux confins de la métaphysique. Car on a dit beaucoup de conneries sur Lawrence, notamment que c’était l’écrivain du sexe. Faux : c’est l’écrivain de l’amour charnel, physique. Ce qui n’a pas du tout le même sens – et prend tout le sien (de sens) à la lecture de ce roman merveilleux (sans doute un de ses meilleurs) orchestrant la rencontre de genres contre nature : érotisme flamboyant (donc), roman d’aventure, quête initiatique, réflexion ésotérique… une telle richesse, une telle beauté et une telle puissance stylistique ne se retrouvent pas dans certaines œuvres complètes. Avec ce génie de Lawrence, tout y est dans un seul bouquin, et un peu plus encore : une héroïne romanesque moderne, absolument irrésistible, dont on tombe totalement amoureux dès les premières pages.

Autant vous dire que si ce n'est déjà fait, il faut vous procurer ce livre d'urgence.


👑 The Plumed Serpent [Le Serpent à plumes] 
D.H. Lawrence | Penguin, 1926

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