mardi 4 décembre 2007

Candlemass - Live

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Peut-être parce qu’ils étaient suédois, ou peut-être tout simplement parce qu’ils étaient bons… les Candlemass n’ont jamais autant fait rigoler que la plupart des groupes de metal des années 80. Pour vous dire : même l’horrible G.T. a oublié de les citer dans son pamphlet sur la question (je sais : je le cite dans une chronique sur Candlemass, je suis vraiment un gros salaud). Pourtant je ne crois pas me rappeler que ce groupe était ni plus ni moins ridicule que d’autres de l’époque, en revanche ce qui est indéniable c’est que leur musique a infiniment moins vieilli.

On peut considérer que Candlemass est à l’instar de quelques autres (Bathory, Celtic Frost, Death, Cathedral ou le Paradise Lost des débuts – dans des registres très différents) l’un des chaînons manquants entre le metal des 80’s et le metal extrême qui émergera dans les contrées nordiques au début de la décennie suivante – voire même carrément le chaînon manquant entre Black Sabbath et le gothic-metal. Là vous allez me dire que vous vous foutiez éperdument de retrouver ce morceau métallique perdu et que rien que l'expression gothic-metal vous donne déjà envie de gerber. Je peux vous comprendre, faut bien avouer que ce sous-sous genre de nos jours c’est juste… n’importe quoi. Mais Candlemass, les quatre premiers albums studios et ce live de 1991… c’est juste excellent. Noir, massif, tout ce qu'il y a de plus heavy et tout ce qu'il y a de plus metal... avec une rage et une force cathartique rarement égalées (on en dira pas autant de ce même groupe à partir du milieu des années 90).



Ce n’est pas que l’historique du groupe de Leif Eidling ne m’intéresse pas, mais pour être franc je ne m'en rappelle plus et m’en fous un peu. Nul besoin cependant d’être extrêmement malin pour deviner que Candlemass et sa lourdeur toute sabbathienne s’imposent à la fin des années 80 comme une réaction aux scènes speed et thrash-metal qui défraient la chronique depuis quelques temps. Comme d'autres après lui (mais en moins bien) Eidling prétendra « revenir aux sources du metal » (heureusement il ne le fera pas – vous auriez imaginé Candlemass jouant du hard-bop ?), opérant la mue du genre avec une relative intelligence et une évidente inventivité, ralentissant les tempos à l’époque où les autres groupes de metal (qu’on les nomme speed ou non) rivalisent d’excès de vitesse à foutre en l’air quelques radars automatiques. Eh oui : à cette époque il n’est pas rare d’entendre quelques jeunes velus (pas moi, plutôt mes copains) s’exclamer : Wooooooow, Kirk Hammett il peut abattre XXX notes à la minutes ! On comprendra sans peine qu’entendant ce genre d’inepties beaucoup aient virés grunge, et on excusera même tous ceux qui ont rêvé (pailleté) au glam-metal tant le fan de speed, parfois, pouvait être con.

Heureusement Candlemass et Slayer ont explosé (la même année du reste : 1986). Dans des genres relativement éloignés (la musique des premiers est beaucoup plus anglaise quand celle des seconds est gonfléesaux HHNYC – Hormones Hardcores New Yorkaises) ces deux formations ont également réussi à s’extirper du ghetto pour convertir au-delà de leur chapelle.

Mine de rien, Candlemass a un côté hyper décalé pour son époque. Personne ne le dit jamais, parce que pour le métalleux c’est un peu la honte à avouer… mais la quasi-intégralité des groupes de speed des 80’s étaient des punks refoulés. Dans Maiden, par exemple, l’influence punk est énorme – c’est flagrant sur les deux premiers albums. Idem pour Metallica (Kill'em All est plus hardcore que vraiment heavy), Saxon ou Slayer (ces derniers ayant d’ailleurs fini par enregistrer en 1996 -  année de retour en grâce du punk – des reprises de leurs compos fétiches du genre sur le superbe Undisputed Attitude). Avec Cathedral, Candlemass est un des seuls groupes de metal de l’époque à ne pas faire appel à ces rythmiques là : sur Live, il n’y a qu’un seul titre qui soit vraiment rapide – « Bells of Acheron ». Le reste pioche direct dans le répertoire des cinq premiers (et indispensables) Black Sabbath, la voix d’Eidling sonnant même régulièrement comme celle d’Ozzy (« Demon’s Gate ») – ce qui change des vocaux suraiguës devenus légions après l’avènement de Bruce Dickison. On pense bien sûr par moment à quelques vénérables « pères fondateurs » du doom comme Pentagram ou Saint Vitus… la différence étant que chez Candlemass le répertoire est grandiose quand Mark Adams & Co. n’ont jamais écrit que trois chansons potables dans leur vie.

La capacité de Candlemass à s’imposer sur toutes les durées de morceaux est une autre des qualités indéniables du combo. Pensez donc que « Sorcerer’s Pledge » dure rien moins que dix minutes durant lesquelles on ne s’emmerde pas plus qu’on a l’impression d'assister à une longue démonstration. Non, c’est juste comme un trip (de préférence à l'acide) auquel le groupe convie (quoiqu’il soit tout à fait apte à vous prendre de force aussi – Cf. l’impétueuse « Under the Oak »), très proche finalement des groupes stoner à venir mais avec une base commune à la New Wave of British Heavy Metal – à savoir des guitares qui s’envolent souvent en soli au milieu des couplets et une voix qui grimpe deux notes sur trois au-dessus de la stratosphère (dans des proportions toutefois bien plus raisonnables que chez d’autres).

Avant de conclure je dois cela dit vous confier quelque chose : durant ma jeunesse de metalleux, Candlemass (tout comme Cathedral, du reste) est sans doute l’un des groupes que j’ai le moins écouté. Je les trouvais techniquement limités (!), pas très originaux et un peu… quelconques, en fait. Ils ne faisaient pas des pirouettes avec leurs manches (de guitares), ils n’étaient pas hyper-violents, ils n’étaient pas effrayants. Je ne comprenais pas ce qu’on leur trouvait.

Aujourd’hui pourtant ce Live, avec son trio infernal « Dark Reflections » / « Solitude » / « Bewitched »… est un de mes disques préférés. Un dommage collatéral étrange : moins je me suis intéressé au metal, plus j’ai trouvé Candlemass fantastique.

Quoique la phrase juste serait sans doute plutôt : plus j’ai aimé la musique pour elle-même (et non plus pour ses symboles) plus j’ai préféré Candlemass à la grand majorité des groupes de metal.


👑 Live 
Candlemass | Music for Nation, 1991