mercredi 14 novembre 2007

J.K. Rowling - Diplôme de fin de premier cycle

...
La pottermania a quelque chose d’énervant, c’est entendu. Elle ne repose sans doute pas sur tant de trucs que ça – on est d’accord.

Néanmoins même en n’étant pas un fan hardcore, c’est avec une relative émotion qu’on referme cet ultime volet. Les crétins s’amusant à le descendre en flèche auront beau dire ce qu’ils voudront : s’ils ont tenu durant sept volumes (et pas des petits) c’est qu’ils aimaient quand même bien. Je ne sais pas vous, mais moi un truc qui me gave j’y consacre rarement autant d’heures de lecture.

Evitons l’écueil du résumé bancal qui en dirait forcément trop (parce que certes il ne faut pas griller le suspens pour ceux qui ne l’ont pas lu, mais il conviendrait de ne pas oublier ceux qui n’ont pas lu du tout cette série et comptent peut-être le faire) pour nous attaquer directement à ce qui demeure somme toute le plus intéressant quand on prétend commenter un livre – à savoir ses qualités littéraires. Surprise : c’est plutôt pas mal écrit. Le style était jusqu’alors le gros point faible de J.K. Rowling, n’en déplaise à ses prosélytes justifiant depuis trop longtemps ce gros hic par un enthousiaste Mais c’est de la littérature jeunesse, au départ, tu sais. Bien sûr. Tous les ados de douze ans se tapent des pavés comme The Order of the Phenix - on y croit tous. Quand bien même : en littérature jeunesse aussi, on a le droit d’avoir du style. Il n'y a pas de contre-indication.

Donc c’est bien écrit, ce qui vue l’indigestion carabinée qu’avait filé à quelques uns le volume six suffit à justifier que ce livre soit un événement planétaire. Niveau histoire, par contre, c’est désespérément prévisible, mais ça c’était justement très… prévisible ! Depuis que King a clos avec un rare panache The Dark Tower, on a eu tendance à oublier un peu trop vite que par définition l’ultime épisode d’une saga est systématiquement décevant. C’est presque un genre en soi, et un genre d’autant plus risqué qu’à moins d’être un génie absolu l’auteur sait pertinemment qu’il y a peu de chances qu’il ne déçoive pas une bonne moitié (minimum) de son lectorat. J.K. Rowling s’attelle donc à la tâche avec une bonne volonté manifeste, retrouve régulièrement le sourire qu’elle avait perdu dans les deux livres précédents, ne lésine pas sur les morceaux de bravoure et répond à quasiment toutes les questions restées en suspens depuis toutes ces années.

Fallait-il en attendre plus ? Sans doute pas. Certes l’auteure ne retrouve jamais le souffle d’ Azkaban, pas plus que la fantaisie de The Goblet of Fire ni la noirceur fascinante de The Order of the Phenix. Elle évite en revanche avec bonheur les écueils de The Half-Blood Prince (bavardages, intrigues secondaires soûlantes, intrigue principale embrouillée…) pour livrer au final le volume le plus équilibré de la série. Le rythme est idéal (du moins durant les deux tiers du récit, le livre n'en finissant plus de finir dans sa dernière ligne droite), les dialogues très bons, les personnages presque tous dotés d’une réelle épaisseur (à l’exception notable de Potter lui-même, personnage fadouille s’il en est auquel je prédis un destin doré à la Frodon : devenir le moins populaire des caractères de la série dont il est censé être le héros). Certes Rowling n’invente plus grand-chose par rapport à autrefois, mais vous conviendrez que ce n’est plus vraiment le moment ; il est temps d’en finir, et elle finit de manière honnête et efficace, sans folie mais sans non plus expédier ses héros à la va-vite (au contraire, les adieux traînent un peu). C’est somme toute tout ce qu’on lui demandait : faire vivre encore un peu Harry et les autres, suffisamment pour qu’on puisse leur dire au revoir avec le respect dû à leur rang de personnages nous ayant tenus en haleine pendant pas loin d’une décennie. Car si la qualité de la série a sensiblement décliné après le tome quatre, force est de reconnaître à l’heure des bilans que le merchandising a sans doute fait plus de mal que de bien à Potter : ce petit sorcier n’a pas volé son succès, aussi démesuré soit-il. N’en déplaise aux grincheux il fera sans doute date dans l’histoire de la littérature. Et ma foi, il le mérite. D’autant qu’à tout prendre, ce n’est pas plus mal écrit que du Tolkien. Et c’est beaucoup plus drôle.


👍 Harry Potter & The Deathly Hallows 
J.K. Rowling | Bloomsbury, 2007