mercredi 21 mars 2007

Rush - Toronto Rock City

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On n'appelait pas encore ça metal-prog, mais ça y ressemblait déjà beaucoup. Groupe culte par excellence, Rush publiait en 1981 l’un des grands classiques du metal et – osons le dire – de la musique populaire en général. Pourtant au fil des années Rush, qui n’a jamais renoncé à l’excellence, a fini par tomber un peu en désuétude. Injuste, vraiment, d’autant que Muse cartonne dans le monde entier en reprenant régulièrement des formules établies par Lee et ses compères et en sonnant bien plus comme eux que comme Radiohead (quand bien même le trio anglais semble condamné à être comparé à tort au quintet d’Oxford). Bizarre, et dommage : on ne saura trop conseiller aux gamins fans de Muse de se pencher sur la basse sismique de Geddy Lee, qui ne manquera pas de leur rappeler quelque chose…

Bref ! Rush est un peu aux oubliettes depuis une dizaine d’années. D’autant plus triste qu’à l’instar de King Crimson en son temps, celui-ci fut un des rares groupes estampillés prog à ne pas avoir fait se plier de rire les détracteurs du genre (en dépit du look souvent invraisemblable de ses membres). Morning Pictures, c’est un peu son manifeste. Il y a d’autres grands albums des Canadiens, mais s’il ne faut en avoir qu’un, ce sera sans doute celui-là, symphonie de rock lourd mais groovy dopée aux classiques qui tuent, avec notamment une entée en matière « Tom Sawyer » / « Red Barchetta » à couper le souffle.

Si la carrière de Rush a toujours été placée sous le signe du crossover, Moving Pictures pousse cet art à son paroxysme, métissant les sous-genres les plus antinomiques et n’hésitant pas à fusionner les cavalcades speed-metal avec leur ennemie jurée : la basse roucoulante de la new-wave. Ailleurs, c’est la rencontre du prog tradi façon Crimson avec le rock épique (façon Bunnymen avant l’heure sur « The Camera Eye »), ou des scies punks forniquant avec une rythmique pré-fusion (« Limelight »).

C’est un fait : contrairement aux idées reçues popularisées par les pires combos du genre (nous ne les nommeront pas afin d’éviter de souiller ces pages) les meilleurs albums progs sont rarement ceux qui s’étirent en longueur et noient l’émotion sous des nappes instrumentales démonstratives. De fait, Moving Pictures ne contient qu’un instru (« YYZ ») et un seul titre vraiment long (le « Camera Eye » susnommé). Il renferme surtout des morceaux rocks ambitieux mais toujours accessibles (« Witch Hunt », « Vital Signs »), de ceux qui peuvent passer plusieurs jours dans le crâne de l’auditeur le moins consentant. Il est donc plus que temps de redécouvrir cet album majeur. Pour une fois qu'une réédition se justifie...


👍👍👍 Moving Pictures 
Rush | Mecury, 1981