jeudi 11 janvier 2007

Green Day - Revigorant

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Dans la série excellents disques totalement oubliés, je demande le premier album de Green Day, régulièrement banni des discographies. Pourquoi ? Personne ne le sait, mais j’ai souvenir de mon visage consterné devant un article de Rock & Folk en 2000, dans lequel le journaliste avait très sérieusement écrit que Warning : était le quatrième album du trio de Berkeley – en fait il s’agit du sixième.
 
Il faut dire qu’à l’époque, 39/Smooth n'est sorti qu’aux Etats-Unis à un tirage simplement ridicule, sur un label, Lookout, dont on n’a pas eu beaucoup de nouvelles depuis. Il faudra attendre le mini succès de « Welcome to Paradise » sur le disque suivant pour voir une réédition de ce premier coup de griffe bubble-punk, en 1993. Parents pauvres de tout ce qui se joue avec des guitares électriques, les français devront eux patienter jusqu’en 1994, lorsque l’album Dookie aura starifié Billie Joe Armstrong et ses potes. A cette époque, c’est un tout autre objet qui paraît : 1,039/Smoothed Out Slappy Hours… un truc au titre à rallonge qui s’avère en fait une édition rehaussée de deux EP : 1000 Hours (1989) et Slappy (1990)… tout de suite, le titre devient plus clair !
 
En 1994, la démarche était plutôt intéressée : en plus de faire profiter les fans de titres essentiels (la reprise du « Knowledge » d’Operation Ivy, le teigneux « Why Do You Want Him? » ou encore « Dry Ice », morceau à deux voix typique des débuts du groupe), cet album enrichi venait rappeler que contrairement à la plupart des groupes de la mode revival punk, Green Day s’était fait les dents dans l’underground bien avant 1994. Cela peut sembler dérisoire en 2007, puisque désormais même les détracteurs du groupe ne peuvent lui refuser une certaine crédibilité, mais c’était alors une question de vie ou de mort. La preuve : tous les groupes de ce mouvement à avoir débarqués en surfant sur la vague (Smash Mouth, mxpx…) ont été balayés par le temps. Sauf Green Day, qui à force de remise en question et de choix de carrière parfois risqués (Warning: et ses arrangements de cuivres et de cordes ont bien failli lui coûter la vie) est parvenu à se refaire une virginité au moment où la plupart des gens l’avaient oublié.
 
Si la période des débuts n’est évidemment pas la plus intéressante, elle reste néanmoins plus que conseillée et s’écoute de manière très différente aujourd’hui. Non, en effet, Green Day n’a jamais eu pour vocation de ressusciter le punkrock. On peut même tout à fait considérer que Green Day n’a jamais réellement été punk, musicalement parlant. Les punks dont le trio se rapproche le plus sont sans doute les Ramones, pour le côté comptines électriques dégénérées, mais cette filiation n’est manifeste que sur deux ou trois titres (« At the Library », « Don’t Leave Me ») et ne prendra réellement effet que sur les albums suivants. Non, les vrais idoles de Green Day sont des artistes pop, et non des moindres : les Beatles (un peu) et les Kinks (surtout). Ainsi si à l’époque du fameux Warning: (le disque de la rupture publié en 2000) les critiques n’ont pas manqué de relever une parenté entre l’écriture de Ray Davies et celle de Billie Joe Armstrong, la relation aurait pu être faite dès 39/Smooth – si les critiques avaient fait l’effort de l’écouter sérieusement à l’époque (à leur décharge, Green Day n’a jamais été un groupe très sérieux). C’est flagrant sur « Why Dou You Want Him? » ou « Going to Pasalaqua », morceaux légers et survitaminés (le terme « dynamique » semblant toujours bien trop léger pour Green Day). Ailleurs, on pense occasionnellement aux Buzzcocks du premier album (« Green Day »), et le plus souvent on se dit que tout cela sonne comme les compos les plus mélodiques de Hüsker Dü. Hasard ou coïncidence, figurez-vous que le groupe préféré de Billie Joe Armstrong se nomme… Hüsker Dü !
 
La morale de cette histoire est que pour durer dans le rock, il vaut mieux avoir un chouia de culture. Ca permet de changer le plagiat en référence et la pompe en clin d’œil. Pour le reste, avec ses chansons survoltées (« I Was There », « 1,000 Hours ») et ses riffs entêtants (« Disappearing Boy », « Paper Lanterns »), 39/Smoothed excitera mes jeunes par son côté teigneux et continue, une décennie après que j’en aie fait l’acquisition, à m’enchanter par son insouciance typiquement adolescente… et donc absolument punk.


👍👍 1,039 Smoothed out Slappy Hourse 
Green Day | Lookout! Records, 1991