mardi 12 décembre 2006

Double trouble, Triple sens, Réussite totale.

[Mes disque à moi (et rien qu'à moi) - N°58]
Oulipop - Frandol (2002)

Ce disque là s’inscrit dans la lignée de ceux dont j’aurais été bien incapable de prédire qu’ils échoueraient dans le Top 100 au moment de leur sortie. Vous en avez peut-être des comme ça chez vous : des disques dont il ne vous viendrait même pas à l’esprit de dire qu’ils sont des chefs-d’œuvres mais face auxquels vous devez constater qu’ils comptent parmi ceux que vous écoutez le plus souvent…

Quatre ans plus tard, donc, le premier album solo de Frandol couche dans ma voiture depuis… longtemps !

Pour savoir de quoi il retourne, il suffirait de décomposer le titre. Maniant les mots comme personne, Frandol étonnera ceux qui ne le connaissent que via les très cultes Roadrunners (groupe qu’il a dissout en 1998 et qui occupe une place à part dans l’imaginaire des gentils petits amateurs de rock normands, dans la mesure où chez nous entre les Dogs et eux, il n’y a pas eu grand monde de valable). Ses textes ne possèdent pas un, ni deux, mais trois voire quatre sens parfois. Au point qu’ils en filent le tournis.

Cependant, comme souvent, cette obsession du verbe a fini par porter préjudice à un artiste qui à la base est tout de même chanteur. Je m’explique : comme l’indique le titre, il s’agit de pop, de vraie. Avec des mélodies racées, un son excellent et une vraie belle voix qui chante – du genre comme on en croise une tous les dix ans au pays de la néo-chanson machin bidule. Or la force des textes de Frandol est justement leur apparente simplicité. Leur finesse ne saute pas aux oreilles, mais paradoxalement si on leur ôte leur musique ils perdent la moitié de leur charme, dans la mesure où ces finesses tiennent beaucoup à la scansion de leur auteur et à sa manière singulière de poser la voix. De fait, le travail d’écriture s’étend, bien au-delà du simple jeu de mots, à la syntaxe, à la sémantique et à la prononcitation. Ecrire un texte aussi malin que « L’Un contre l’Autre » tout en lui tricotant une musique remarquable et catchy avait tout du pari kamikaze. Et cependant, Frandol s’en est tiré haut la main. Des comme ça, il n’en pas écrit un seul. Il en a fait un EP et deux albums. Rien que ça.

En somme nous avons : des textes parfaits, des musiques sucré-salées évoquant le meilleur de la pop anglo-saxone, une production ambitieuse et un duo avec Bertrand Cantat en prime (le sublime « Partis d’une case »). A priori, dans un monde meilleur, ce disque devait être un carton. Réconcilier le fond et la forme. Séduire autant les amateurs de chanson que les musicologues avertis. Réussir (enfin) le grand écart si rare en France entre l’héritage chanson et les ambitieux pop ou rock.

A priori…

Car dans les faits, en dépit d’une exposition correcte et d’au moins trois chansons au potentiel commercial plus qu’évident (« L’Un contre l’Autre », « Sur la touche » et « Rumeur ») il ne s’est quasiment pas vendu. Malgré sa richesse, sa qualité et son accessibilité, Oulipop n’a absolument pas eu le succès escompté… pourquoi ? Comment ? Impossible à dire… c’est peut-être ce que Frandol annonce dans un des titres :

Je ne sais pas composer avec les gens de maisons
Toujours je me décompose, dès qu’on pose des conditions
On m’a pourtant proposé des arrangements en or
Mais je n’arriverai plus jamais à un semblant d’accord

… allez savoir ?

En tout cas ce qui est certain, c’est qu’avec encore deux chefs-d’œuvre à son actif (« Le Festin nul » et « Jardin secret ») ce disque méritait cent fois mieux que la relative indifférence qu’il suscita à sa sortie.

Si le fait que je l’écoute encore toutes les semaines des années après ne vous suffit pas en guise de gage, vous êtes bien difficiles…


Egalement disponibles :

Démodesmotsdémo (EP / 2000)
Double-fond (2004)