lundi 20 novembre 2006

Pretenders - Que Serail, Serail

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Nous sommes en 2006 et la terre est rock.

Plus précisément : la terre est post-punk. Ou after-punk. Ou new wave. Enfin bref : la terre (qu’on peut aussi appeler les jeunes groupes) est en plein revival de tout et n’importe quoi – à partir du moment où ça s’est fait entre 1978 et 1982. Fort logiquement, l’histoire (qu’on peut également appeler les vieux groupes) veut sa part du gâteau. Les Pretenders ne font pas exception à la règle, bien que bénéficiant d’une complaisance de la part des critiques proprement sidérante au vu de la médiocrité de leur répertoire passé le troisième album. Est-ce à cause de Chrissie Hynde, qui à défaut d’être Siouxsie ou Blondie vient tout droit du sérail ? Possible que ça aide, mais à la rédaction du Golb, nous ne sommes pas mauvaises langues. Tout au plus nous contenterons-nous de noter que quand n’importe quel groupe de l’époque surfe sur la vague, il est has-been et ringard. Si c’est les Pretenders en revanche, c’est la classe, les dinosaures qui résistent au temps – blablabla.

Comme ils sont moins cons que la moyenne, les Anglais ont eu l’excellente idée de rééditer leur premier album – contrairement à leurs collègues de Gang Of Four et des Cars . Il faut dire aussi que les Pretenders ne pouvaient techniquement pas se reformer pour publier des albums ridicules et/ou pathétiques puisqu’ils ne se sont jamais séparés et continuent, au vingt-et-unième siècle - oui madame ! - à publier des albums ineptes dont on ne se plaindra pas, pour une fois, qu’ils soient passés sous silence.

Cependant les Pretenders sont quand même un peu cons, et ils arrivent néanmoins à nous faire rire même lorsqu’ils ressortent leur meilleur album. Pourquoi donc ? me direz-vous. Tout simplement parce que leur seule légitimité pour « surfer sur la vague », c’est d’avoir émergé à l’aube des années 80. Les Pretenders n’ont jamais joué de post-punk ni même de new-wave ! Ils ne peuvent donc en aucun cas revendiquer leur part du gâteau dans le revival actuel, puisqu’alors que Joy Division publiait Closer, eux, ils sortaient un premier album de rock-pop tout ce qu’il y a de basique et de classique. Rien à voir avec la rage punk des uns et le romantisme trash des autres.


Seulement voilà : en 1980, tout ce qui sortait en ne pouvant pas être classé était étiqueté new-wave. C’est très con, mais on ne va pas refaire l’histoire. En l’occurrence, Pretenders, aussi réussi soit-il, n’a rien de new wave. C’est même à peine s’il sonne années 80, c’est vous dire si les Pretenders ne sont pas dans le coup – l’ont-ils d’ailleurs jamais été ? Non ! et c’est bien ce qui rend leurs premiers disques sympathiques. C’est qu’il en fallait de l’abnégation pour sortir « Precious », ou le séduisant « Tattoed Love Boys », ou encore pour reprendre le « Stop Your Stobbing » des Kinks en 1980. Cinq ans plus tôt, c’eût été d’une banalité désarmante. Trois ans plus tôt, c'eût été totalement ringard. Mais en 1980, diantre ! c’était quasiment le Graal ! C’est peut-être même là-dedans que repose le succès du groupe : les Pretenders auront été un combo absolument inutile dans l’histoire de la musique, tout en étant indispensable durant un bref laps de temps s’étalant en gros de 1980 à 1982 (c’est-à-dire le temps des deux premiers disques). Rendez-vous compte : d’un côté d’ex-punks découvrant le synthétiseur, de l’autre d’ex-punks dégueulant leur rage et créant le hardcore, en face d’ex-punks (repentis, eux) se jetant à corps perdu dans la New Wave Of British Heavy Metal ! Et pile au milieu, les Pretenders, un groupe de fous dangereux osant écrire des chansons simples et directes avec des mélodies, de l’énergie juste ce qu’il faut pour passer à la radio et des textes pas trop cons. Pas besoin de chercher plus loin : ces gens-là avaient dès lors toutes les cartes en main pour séduire les publics réfractaires à ces effets de modes et autres chapelles musicales… des publics qui, du coup, avaient quelque chose à écouter qui soit à la fois populaire et crédible – mine de rien ce n’est pas si fréquent.

Quand on écoute ce premier album aujourd’hui il surprend vraiment par sa légèreté (« The Wait »), sa fluidité (« Brass in Pocket », bien sûr, évidemment) et sa simplicité (« Up the Neck », « The Phone Call »). Un disque simple, honnête, immédiat… et au final charmant. Pas de doute, les Pretenders avaient alors le potentiel pour devenir U2. Dieu sait pourquoi, ça ne l’a pas fait. Au bout de trois albums ils ont sombré, tout en continuant à vendre assez pour être cultes – il faut dire que Chrissie Hynde est copine avec tout le gotha du rock et que ça aide un chouia quand même. Il est plus que probable que les Pretenders soient l’un des groupes les plus surestimés de tous les temps, eux qui, même diminués et acculés au ridicule, continuent à faire se pâmer les amis de Chtif (également nommés Rock & Folk). Il n’en reste pas moins que cette première saillie remplit son contrat : les chansons sont vives et efficaces. On n’en demandait pas plus, et à tout prendre ça n’aurait dérangé personne si le groupe avait décidé de décliner cette formule à l’infini plutôt que de bouffer à tous les râteliers pour gagner sa croûte.

Du simple point de vue de la réédition les non-fans (c’est à dire à peu près tout le monde sauf Philippe Manœuvre) pourront s’en passer, dans la mesure où hormis « Porcelain » et « Cuban Slide » (sortis sur l’EP Extended Play l’année suivante) on ne trouvera en guise de bonus que des démos au son approximatif. Pour le reste, c’est un disque à avoir chez soi, histoire de se changer les idées. Je vous aurais bien conseillé d’acheter un best of du groupe, mais Pretenders est déjà leur best of.


👍 Pretenders 
Pretenders | Sire, 1980