lundi 30 octobre 2006

Blue Cheer - Lourd comme un Zeppelin

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Un peu tombé en désuétude aujourd’hui, Blue Cheer a pourtant eu une influence capitale sur l’histoire du rock'n’roll. Blue Cheer fait en effet partie de deux castes d’importance : la première, c’est celle des groupes anti-hippies tous apparus la même année (The Stooges, MC5...) en réaction à la pensée dominante flower-power. Des groupes massacrés à l’époque par les mêmes critiques qui les encensent aujourd’hui (oui, vous pouvez dire : Rock & Folk). La seconde caste, c’est celle dite « des quatre B ». Quatre groupes commençant par la même lettre et qui furent a posteriori les quatre influences majeures du grunge : Black Sabbath (lourdeur menaçante et morbide), Black Flag (hargne hardcore), Big Black (le groupe culte de Steve Albini, qui a littéralement inventé la grosse guitare sursaturée typique du mouvement de Seattle)… et, donc, Blue Cheer, pour le côté psychédélisme dérangé et dérangeant. Sans doute pas une grosse influence du côté de chez Nirvana, mais à l’évidence le biberon donné aux bébés qui devinrent Billy Corgan, Mark Am ou Jerry Cantrell…
 
 
Seconde déflagration du groupe de Dickie Peterson (l’autre plus grand bassiste-chanteur de tous les temps, avec le Sieur Kilmister), Outsideinside est sorti pile cinq mois après le monumental et carrément incontournable Vincebus Eruptum et souffrira sans doute éternellement de la comparaison avec ce magistral prédécesseur (voire même avec le suivant, l’époustouflant New! Improved! Blue Cheer!, paru en 1969).
 
Il n’empêche que quand résonne l’intro pesante du bizarroïde « Feathers from Your Tree », on se dit que merde ! à l’époque, l’expression « disque mineur » n’avait franchement pas le même sens que de nos jours. Parce qu’un disque mineur du Blue Cheer des années 60 explose à lui tout seul l’intégralité de la discographie de Monster Magnet (qui n’est pourtant pas un groupe de quiches, loin s’en faut).
 
Sur ce disque, à vrai dire, l’équation est assez simple : on branche les amplis, on balance la sauce et on colle de la réverb sur la voix. Le reste, c’est du bonus. Je ne suis pas certain qu’à l’époque, Peterson et son acolyte batteur (cogneur !) Paul Whaley avaient consience que leur association était l’un des plus incroyables rouleau compresseur de toute l’histoire du rock'n’roll.
 
Musicalement, on peut totalement considérer Blue Cheer comme un des tous premiers groupes de heavy metal (selon la terminologie actuelle), sauf que contrairement à tous les autres métalleux de leur temps (Black Sab, Blue Öyster Cult et compagnie), les gars de Blue Cheer proposaient un metal qui groovait. Sur « Come & Get It ! » ou « Magnolia Caboose Babyfinger » (punk avant l’heure), le metal n’est pas juste lourd – il est aussi dansant. C’est ce qui fait la principale spécificité du groupe. Ça et, évidemment, les mélodies imparables des « Babylon » et autres « Sun Cycle »… car comme si cela ne suffisait pas, Blue Cheer avait aussi un guitariste dément et génial, Leigh Stephens. Un genre de grand-père de Tom Morello, sauf que Stephens n’avait jamais appris à jouer des parties rythmiques. Si on écoute avec attention « Sun Cycle » ou « The Hunter », on se rend compte que Stephens ne fait que des soli, tout le temps, en permanence, comme s’il n’écoutait même pas ce que jouent les deux autres ! Sacré gars que ce Stephens, dont les délires guitaristiques (« Gyspsy Ball » et encore et encore et encore « Sun Cycle ») n’ont in fine pas grand chose à envier à ceux de Hendrix – sauf que Blue Cheer c’est quand même moins chiant et plus immédiat que n’importe quel disque du gars Jimi.
 
Bref ! voilà Outsideinside réédité dans une version digipack machin bidule qui ne propose aucun inédit, c’est vrai, mais reste plus que conseillée… d’ailleurs, ce n’est peut-être pas plus mal. Mieux vaut une réédition sans bonus qu’une de ces rééditions archi blindées, livrées avec 25 chutes de studios et 10 lives (totalement foireux) et vendues à un prix indécent.
 
A découvrir. Ou, au moins, à écouter, ne fût-ce que pour cette reprise déjantée de « Satisfaction » à faire passer les Rolling Stones pour leurs homologues français les Rolling Bidochons.


👍👍👍 Outesideinside 
Blue Cheer | Philips, 1968