lundi 18 septembre 2006

Roy Orbison - Rocker au cœur de guimauve

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Roy Orbison est un cas à part dans l’histoire du rock n’roll : c’est le seul grand du genre à avoir publié son chef-d’œuvre après sa mort ! Il s’agit bien sûr du classique Mystery Girl (1989), disque censé le remettre en scelle suite à son introduction au Rock’n'Roll Hall of Fame un an et demi plus tôt. Pas de bol : le crooner rock a passé l’arme à gauche six mois avant la sortie de l’album. Il n’aura donc jamais connu la gloire et la fortune de son vivant.

Ses ayants droits, en revanche, auront pour leur part bien profité de l’héritage de l’immortel interprête des « Only the Lonely », « Oh Pretty Woman » et autres « In Dreams », qui rééditent à tout va son fond de catalogue sans la moindre logique artistique ni même chronologique… et on ne parlera pas des compilations (trois rien qu’en 2006 !).


Revoilà donc Crying qui repointe le bout de son nez. Pourquoi celui-ci plutôt qu’un autre ? Aucune idée. Ce n’est pas son meilleur album, ce n’est pas son plus populaire et ce n’est pas celui qui renferme le plus de classiques… il faut croire qu’il s’agit du préféré de ses petits enfants. C’est la seule explication qu’on puisse fournir à cette troisième réédition CD qui survient seulement trois ans après la précédente.

Qu’apporte celle-ci aux deux autres ? Rien. Enfin si : quatre faux inédits. Dont le standard « Candy Man » (sorti uniquement en simple et présent seulement sur les compilations jusqu’alors), et « The Actress », qui est à peu près aussi inédit que le reste du disque puisque sa première sortie date de 1975, en bonus du best of Monumental Hits. Le reste du disque, justement, on y vient !

Troisième album (officiellement, car si le plus ancien album d’Orbison date de 1960 il existe moult compilations de ses enregistrement de la période 1956 – 59) du gars Roy, Crying a en fait été enregistré en second, mais sa sortie avait alors été décalée. Cet album, qui atteignit la 21ème place du Top 40 quelques semaines après sa sortie, marqua l’envol de Roy Orbison et, surtout, sa mutation de rocker banal en crooner sensuel. Le morceau éponyme (une de ses plus belles chansons) est un classique de chez classique qui scella la destinée du chanteur : à l’avenir, il n’oubliera jamais de caler sur chacun de ses disques une bonne moitié de ces ballades romantiques et quasiment impérissables qui ont fait son succès et ont traumatisé Chris Isaak au point que ce dernier passe vingt années de sa vie à les imiter.

Contrairement à la plupart de ses rivaux de l’époque, Orbison avait un petit truc en plus qui lui conférait une crédibilité à toute épreuve : il n’était pas qu’un simple interprète, mais aussi un songwriter de talent. C’est certes à B. Bryant qu’on doit la remarquable « Love Hurts », mais les deux meilleurs titres du lot, « Loneliness » et « Let’s Make a Memory » sont bel et bien l’œuvre du chanteur lui-même – mine de rien ce n’est pas si courant en 1962.

Pour ces deux chansons parfaites, pour « Crying » et pour l’histoire, donc, cet album mérite le détour. Les quatre titres bonus ne sont pas forcément indispensables (la médiocrité totale de « Dream Baby » aurait même tendance à affaiblir l’ensemble), et Crying contient quelques titres qui sembleront un peu guimauve aux auditeurs les plus durs (au hasard : « Wedding Day »)… mais cela vaut quand que l'on s'y attarde.


👍 Crying 
Roy Orbison | Monument Records, 1962