dimanche 17 septembre 2006

Post-Office - Balbutiements d'un génie

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Par hasard et pas rasé, Henry Chinaski entre à la poste. Cela commence presque comme une blague : on lui parle d’un boulot facile et bien payé, avec des jours de repos et peu de contraintes. Forcément, Chinaski, poivrot et glandeur s’il en est, ne peut résister à la tentation. Il ignore encore qu’il est parti pour presque quinze ans de galère au service de la fonction publique…

Mine de rien, mes relectures bukowskienne entreprises il y a presque un an touchent à leur fin – tout du moins en ce qui concerne la prose. Et je crois qu’il n’est pas inintéressante d’aborder la montagne en la descendant au lieu de l’escalader…

En effet, malgré son statut de livre culte, le premier roman de Bukowski est loin d’être ce qu’il a fait de mieux. C’est même peut-être son moins réussi, romans et nouvelles confondus. Normal après tout : c’est un début. J’avais déjà cette opinion la première fois que je l’ai lu, et elle n’a pas changé à la seconde lecture. Quand je vois tous ces gens qui considèrent qu’il s’agit de son meilleur bouquin, je me demande même si je ne suis pas construit à l’envers !

Entendons-nous bien : Post-Office est un bon livre, sans doute supérieur au tout venant de la littérature US de l’époque. Mais pour du Bukowski, ce n’est pas époustouflant. On y retrouve en pointillés les thèmes qui vont être explorés (transcendés) par la suite, logique : après tout, qui peut bien être mieux placé qu’un facteur pour observer la misère urbaine et humaine ? Ce qui me dérange, c’est que la Légende Bukowskia transformé ce livre en manifeste d’indépendance et en satire de la société administrative – alors que ce n’est pas du tout de cela qu’il s’agit. Il y a quelques pages savoureuses sur le sujet en début de livre, mais rapidement, l’auteur part vers autre chose… et cette autre chose, c’est finalement ce qu’il fera durant l’essentiel de sa vie : se raconter.

Ici, le lecteur découvre un Bukowski moins connu, et plus jeune. Un Bukowski qui n’écrit pas encore et dont les principales ambitions dans la vie sont, dans l’ordre :

- le sexe
- l’alcool
- les courses.

Par la suite, la littérature viendra se nicher au cœur de ces préoccupations et se hissera en première position – ce n’est pas le cas pour l’heure. Ce Bukowski-là se révèle finalement plus proche de celui mis en scène dans le film Barfly que de l’antihéros de Women ou de Ham on Rye : fainéant, bagarreur et branleur. C’est lui qu’on retrouvera plus tard dans son second (et meilleur) roman : Factotum ; une œuvre plus structurée, plus soignée et même nettement mieux écrite.

En attendant, on peut savourer ce livre par ailleurs sympa et attachant…


👍 Post-Office [Le Postier] 
Charles Bukowski | Black Sparrow Press, 1970