mercredi 13 septembre 2006

Leonard Cohen - The Lost Canadian

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Publié en 1963, soit cinq ans avant que Leonard Cohen ne démarre sa carrière musicale, le premier de ses deux romans est imparfait mais ne manquera certainement pas de séduire les amateurs de l’artiste.

Dans ce livre, le narrateur est, surprise, un jeune juif rêvant de devenir un grand poète mais sans cesse perturbé dans son entreprise par les aléas de la vie quotidienne et, plus particulièrement, par le « Jeu préféré » de ses contemporains : l’amour. Toute ressemblance avec des faits réels étant bien sûr totalement volontaire.

Et Cohen de nous narrer la lutte perpétuel du jeune homme entre l’amour et l’art, soit donc, d’une certaine manière, entre le corps et l’esprit. Une thématique pour le moins intéressante si l’on considère que dès 1963 et alors qu’il n’a encore que vingt-neuf ans, l’artiste est déjà hanté par l’image du poète reclus dans sa tour d’ivoire. Une conception de la poésie que l’ont peut ou non partager, mais qui en tout cas éclaire d’une manière différente la suite de sa carrière – puisqu’effectivement Leonard Cohen finira par se retirer de la civilisation. Intéressante également cette manière de rejeter en bloc le fameux « jeu favori » du titre… ce qui fait du texte un livre quasiment anti-hippie. Ecrire un livre allant a contrario de la philosophie hippie à son époque est en soit quelque chose d’exceptionnel. Là, Cohen va encore plus loin puisqu’il écrit carrément un livre anti-hippie avant l’heure, et avant même que le mot ait jamais été utilisé.

Pour le reste, l’écriture imagée qui fit le succès de l’écrivain-chanteur est présente dès les premières pages. En revanche, la structure narrative laisse un peu à désirer, montrant de grosses facilités dans la construction du récit et dans la manière dont l’auteur assène son travail initiatique. C’est à l’évidence une œuvre de jeunesse, qui permet de mieux comprendre la personnalité secrète de Leonard Cohen mais qui, en soi, s’avère un texte beaucoup moins achevé que Beautiful Losers, véritable chef-d’œuvre publié trois ans plus tard (lequel devait être également son ultime roman). Les fans s’y retrouveront, pas de doute. En revanche le lecteur occasionnel qui n’a jamais été spécialement attiré par l’œuvre de Cohen passera probablement outre sans remords et sera sans doute nettement plus captivé par le merveilleux second livre susmentionné.


👍 The Favourite Game 
Leonard Cohen | McClelland & Stewart, 1963