mardi 20 juin 2006

The Hamlet - De même que les best of sont rarement les meilleurs albums...

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Un Faulkner aisément résumable est une chose si rare et si précieuse qu’on ne va pas se refuser ce petit plaisir : The Hamlet raconte l’ascension fulgurante de Flem Snopes, à la base simple fermier… mais qui bien sûr va tout faire pour dépasser ce stade, sinon, il n’y aurait pas d’histoire. Comment changer de statut social ? Flem, archétype du redneck, a sa petite idée sur le sujet...

The Hamlet est un très bon livre de Faulkner, c’est certain. Et à n’en pas douter, il ravira tous ses amateurs. Le problème, c’est que retiré de l’œuvre globale, il n’est pas forcément extraordinaire. D’abord parce que c’est le premier volet d’une trilogie, et que, règle quasi universelle, les premiers volets de séries sont rarement les plus aboutis. Ensuite parce qu’en réalité, il n’est ni palpitant ni admirablement écrit.

Ce qui fait tout l’intérêt de ce livre, c’est avant tout son découpage structurel étonnant et (à l’époque) inédit. Quatre parties distinctes, et presque quatre textes différents qui s’imbriquent les uns dans les autres pour n’en former qu’un seul. Au final, on a l’impression de lire un roman publié sous forme de feuilleton – ce qui n’est pas le cas évidemment… le problème, c’est que si on ne sait pas que ce n’est pas le cas, on y voit que du feu. C’est tellement bien fait qu’à la limite c’est presque dérangeant.

Mais là encore, quand on aime Faulkner, on est comblé. Et on devine un germe dans ce découpage structurel ce qui aboutira à Go Down, Moses deux ans plus tard.

Du point de vue des thèmes abordés, c’est particulièrement faulknerien. Ça ne vous éclaire pas, me direz-vous. Soit. Alors pour formuler les choses autrement, on dira que si Faulkner avait voulu écrire un Very Best of Faulkner, ce serait The Hamlet. Mais j’avoue qu’à la relecture je me suis demandé si, extirpé du contexte de la trilogie (poursuivie avec The Town et The Mansion), j’aurais réellement accroché. Sans doute pas ; de même que j’aurais probablement dévoré moins vite le bouquin si je n’avais pas été Faulkner-addict.

Parce que c’est un fait établi : après The Wild Palms (le roman juste avant, sauf erreur de ma part), l’œuvre de Faulkner part dans une toute autre direction. Sa méthode de travail change totalement, son goût du brouillage chronologique ayant évolué vers quelque chose de plus sophistiqué mais aussi d’un peu moins fascinant. Ce qui était à la fois totalement confus et totalement cohérent et qui faisait tout le charme des premiers livres de l’auteur devient à la fois plus complexe et plus schématique. Comme si le travail d’écriture régressait au lieu de progresser… pourquoi cette division en parties alors que le mélange des cartes de As I Lay Dying ou même de The Wild Palms créait un résultat beaucoup plus probant ?

The Hamlet est le parfait reflet de cette évolution, en cela qu’il est beaucoup plus tourné vers la recherche structurelle que vers l’étude sociale ou la caractérisation des personnages. La forme est extrêmement affûtée mais le fond laisse parfois un peu à désirer. Pas tellement qu'il soit vide, mais disons que dans ce livre précisément, Faulkner ne nous raconte pas grand-chose qu'il ne nous ait déjà raconté ailleurs, en mieux. Sauf si bien sûr on enchaîne directement avec les deux volets suivants. Seul, laissera sur sa faim le lecteur occasionnel.


👍 The Hamlet [Le Hameau] 
William Faulkner | Vintage Classics, 1940