dimanche 11 juin 2006

Tempête du Désert

[Mes disques à moi (et rien qu'à moi) - N°18]
Blues for the Red Sun - Kyuss (1992)

Ce qui rend Kyuss éminemment sympathique, c’est qu’on n'a jamais trop su ni ce que c’était comme musique, ni comment ça se prononçait. Certains disent « quiousse », d’autres « quieusse » et d’autres encore « caïeus ». Il existe même des gens (plus rares mais charmants) qui disent « caïous ». Pour être gentil et clore le débat, je vais vous révéler que c’est l’option numéro trois qui est la bonne.

Pour le genre musical par contre, je ne peux pas faire grand chose.

Kyuss a la particularité d’être un de ces rares groupes à avoir mis en pratique le fameux adage des New York Dolls : Too much, too soon. Lorsque leur premier album est paru, le groupe était à peine sorti de l’adolescence. Tous renient aujourd’hui Wretch, que je vous conseille néanmoins même si c’est le seul de leurs quatre opus à ne pas mériter le titre de chef-d’œuvre. La presse s’est donc emballée, à tort ou à raison, pour des gamins pas très stables issus du fin fond du fin fond de la cambrousse américaine, d’une ville dont la plupart des gens ignorent le nom (et se foutent) perdue au sud du désert de Californie. Un endroit assez chiant, tellement chiant que les gamins de Kyuss vont d’abord s’amuser à jouer à Donjons & Dragons (c’est dire si c’est chiant) puis à écouter du rock à donf. La première de leurs deux occupations a donné son nom au groupe qui a découlé de la seconde. Musicalement, le premier Kyuss apparaîtra à l’oreille non avertie comme un genre de bruit bizarre et non-identifié.  Et puis arriva Blues for the Red Sun. Rien que le titre et la pochette faisaient envie.


Là encore, Kyuss a mis en place un adage, celui des right men in the right place. Ce disque est sorti en 1992, précisément au moment où le grunge commençait à être super chiant. Tous les groupes étaient signés sur des majors, plus rien d’original ne voyait le jour, Alice In Chains rayonnait d’une aura glauque et Kurt Cobain continuait à beaucoup amuser les amateurs musiques en posant avec sa p… femme dans un magazine à la con, je sais plus lequel, un rival de Play Girl. Bref ! On s’ennuyait ferme, et Kyuss aussi.

Pied au plancher, le groupe balança alors deux hymnes du metal des années 90, « Thumb » et « Green Machine », qui aujourd’hui encore feront dresser les cheveux sur les têtes des adolescents qui pensent qu’ils écoutent du rock quand ils se passent le dernier Avril Lavigne. Ce qui est amusant, c’est que ces gamin pour la plupart adorent Queens Of The Stone Age, groupe fondé par Josh Homme, Nick Oliveri et Brant Björk… respectivement exs guitariste, bassiste et batteur de Kyuss. La pièce manquante au tableau, c’est le chanteur hallucinogène (dans tous les sens du terme) John Garcia, un genre de fou furieux un tout petit plus showman que le gagnant de la dernière nouvelle star. Garcia est une telle buse vocalement, que sur Blues for the Red Sun il ne chante quasiment pas. Il n’écrit rien, il ne sert littéralement à rien. Ce n’est certainement pas grâce à lui qu’on peut encore aujourd’hui fumer de l’herbe sur le spatial « Apothecaries’ Weight ». Il n’est pas pour grand-chose non plus dans la lourdeur sabbathesque de « Molten Universe » ni dans la furia de « Catterpillar’s March ». Et pourtant, Kyuss sans Garcia ne rimerait à rien. Il suffit pour s'en convaincre d’écouter « Thong Song ». Les paroles n’ont aucun intérêt mais son rugissement suintant la frustation adolescente vaut largement les brailleries de Pete Doherty de nos jours.

On n’a toujours pas défini la musique de Kyuss. En 1992, pour nous, c’était du grunge. Mais tous les groupes mélangeant avidement heavy metal, punk et hardcore étaient du grunge, de même que ma mère reste persuadée que Téléphone était un groupe punk. Kyuss a fait des émules, beaucoup de groupes ont suivi jouant une musique à peu près similaire que la presse a baptisé stoner rock . Effectivement, le seul point commun entre Kyuss et ses imitateurs patauds c’était de beaucoup aimer fumer. D’ailleurs, n’importe quel ex-membre de Kyuss explose de rire quand on lui demande « Et que pensez-vous de la scène stoner-rock ? ».

Ca peut se comprendre : finalement, Kyuss jouait du rock, point final.

Et puisque d’aucuns parlent sur le Net d’une éventuelle reformation qui personnellement me semble encore moins que probable, autant en profiter pour vous procurer cet album de heavy-rock sismique pendant qu’il est encore vendu à un prix à peu prêt abordable.


Trois autres disques pour découvrir Kyuss :

Wretch (1991)
Kyuss : Welcome to Sky Valley (1994)
… and the Circus Leaves Town (1995)