samedi 24 juin 2006

Marie Darrieussecq : B-Sides & Rarities

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On ne le dit pas assez souvent : nouvelliste est un travail à part dans le métier d’écrivain. On peut être un romancier fabuleux et un nouvelliste lamentable – de même qu’on peut être un nouvelliste brillantissime et un romancier particulier mauvais.

Marie Darrieussecq, dont il n’est plus à prouver qu’elle compte parmi ce que la littérature française nous a offert de mieux ces dix dernières années, ne se classe évidemment dans aucun de ces deux cas de figure (le jour où on pourra la classer d’une manière ou d’une autre ce sera probablement comme un genre de mort artistique pour elle).

Ce recueil de quinze nouvelles a quelque chose de curieux et d'agréable, en cela qu’il prend des allures d’œuvre-somme : dans Zoo on retrouve, devinez quoi ? des mères perturbées, des fantômes, des métamorphoses et même quelques animaux… tout ce qui fait la marque de fabrique de l’auteure depuis une décennie. J’irai même jusqu’à affirmer que ce n’est sans doute pas un hasard si ce premier recueil sort pile poil dix ans après son premier roman. Au point qu’on se demande s’il s’agit d’un recueil de nouvelles ou littéralement d’un recueil des obsessions darrieussecquiennes (le mot n’existe certes pas, mais vu qu’on est face à une grande auteure, autant anticiper). Qui de fait a le mérite de montrer la cohérence d’un parcours littéraire aussi riche qu’original et tordu.

Mais il a aussi fatalement les défauts de cette qualité : quinze nouvelles écrites entre 1985 et 2006, c’est inévitablement un peu décousu. A la limite c’est même préférable, puisque l’inverse signifierait que l’œuvre et l’écriture de Darrieussecq n’ont jamais évolué d’un iota depuis ses débuts.

On lit donc le bouquin d’un œil attentif, forcément fasciné lorsqu’on retrouve dans des textes plutôt anciens des images ou des thèmes transcendés plus tard dans l’œuvre romanesque de Marie D., mais en baillant de temps en temps lorsqu’on tombe sur des premières nouvelles au style hésitant employant des idées récupérées stricto sensu dans les romans qu’on connaît (puisque l’idée avait été ré exploitée en beaucoup mieux plus tard, à quoi bon la ressortir brut de décoffrage aujourd’hui ?).

Le lecteur y trouvera donc à boire et à manger, un peu comme l’auditeur lorsqu’un musicien qu’il apprécie publie un disque dit « de raretés ». Les fans absolus de Darrieussecq seront comblés ; les lecteurs qui la découvriront avec ces textes aussi. Ceux qui, comme moi, se trouvent pile entre ces deux versants de son lectorat seront probablement plus réservés.


👍 Zoo 
Marie Darrieussecq | P.O.L., 2006