vendredi 26 mai 2006

Beau et Bizarre

[Mes disques à moi (et rien qu'à moi) - N°13]
Bevilacqua, de Christophe - 1996

Il y a des coïncidences étranges… je me retrouve à parler de Christophe au moment même où il est au top. Christophe sort cet an-ci un best of de bonne facture, essentiellement pour flatter sa maison de disques dans la mesure où je ne suis pas persuadé qu’il ait réellement envie qu’on lui gave encore les portugaises pendant des années avec « Aline », « Señorita » et « Les Marionnettes »… des chansons qu’il assume, évidemment. Comment faire autrement ?

Seulement Christophe a écrit d’autres chansons, sorti d’autres disques, et pas des moindres. Il y en a en tout huit, neuf si on compte Aline (1970) qui est en fait une compilation de ses singles des années 60. Ironie du sort, son meilleur album est devenu quasiment introuvable. C’est presque comique.

Pour le grand public, Christophe est réapparu en 2002 avec le fameux Olympia. Christophe sur scène ! voilà qui n’était plus arrivé depuis très très longtemps (1977 je crois...). Mais Christophe sur disque en revanche…

Quand j’avais 15 ans, je ne connaissais pas Christophe. Pas vraiment. Je devais connaître « Aline » sans doute, sûrement… mais je ne savais probablement pas que c’était lui. On m’a parlé de ce disque. Bevilacqua. Oui, Christophe revenait enfin. Après treize années de silence, seize même en considérant que son précédent disque, Clichés d’amours, n’était qu’un album de reprises.


Je me suis pris l’album de plein fouet. Christophe pour moi, c’était personne. C’était rien, juste un mec énigmatique, au look improbable et apparemment sans âge. Pour ce nouvel album, il avait invité son grand ami Alan Vega. LE Alan Vega de Suicide. Mais quand j’avais seize ans, je ne savais pas non plus qui c’était, alors ça me faisait une belle jambe.

Je me suis donc laissé emporter par ces chansons bizarres, dérangées… Christophe était un genre de crooner électronique et libertin, avec un petit filet de voix haut perché qui chantait admirablement des choses aussi curieuses que cet « Interview ». Un type qui écrivait des chansons aux titres énigmatiques : « Le Tourne-cœur », « Parfums d’histoires », « Label obscur »… Obscur, le disque l’était. Impossible de le classer, impossible de dire à quel genre musical ça appartenait. Dans les années 80, contrairement à ce beaucoup disent, Christophe n’a pas arrêté de faire de la musique. Certes, il était nettement plus intéressé par la salle de projection qu’il avait installée en bas de sa maison. Mais il était aussi aux aguets. Il écoutait tout ce qui se faisait, peaufinait en secret des chansons étranges, d’abord avec Art Of Noise (ok, aujourd’hui le nom fait rigoler, mais ç’a tout de même été un groupe important pour les musiques électroniques), puis avec Vega, puis tout seul. Il n’a jamais réellement arrêté la musique. Disons qu’il a préféré l’écouter. Car Christophe est un musicologue, un vrai. Il décortique tout, il connaît tout. Il aime le jazz, le blues, et le rock, celui d’Elvis et Gene Vincent. Il ne l’imagine pas chanté en français et a toujours refusé de le faire. Il n’aime pas les Beatles, moyennement les Stones. Il vénère Roxy Music et adore Kraftwerk.

Le décor est planté : Bevilacqua, l’album méconnu, très difficilement trouvable, celui qui aurait dû marquer sa résurrection... est aux confins de toutes ces influences. A l’image d’ « Enzo », long et sinueux, complexe… pop, chanson, électronique… Christophe a tout avalé. Et en un seul disque il a compensé 16 années de relatif silence.

Depuis, Christophe est un ami. Enfin, évidemment, je ne l’ai jamais rencontré. Mais j’aimerais bien. Je voudrais que Christophe soit mon ami ! il cherche des paroliers ? je suis dispo, jour et nuit. Christophe, si tu lis ses lignes, tu as mon e-mail, alors n’hésite pas surtout ! je suis sûr qu’on aura des choses à se raconter, on passera un bon moment autour d’une bière à décortiquer « Song For Europe » et à parler du King…

En attendant ton mail, je retourne écouter « Le Tourne-cœur »…


Trois autres disques pour découvrir Christophe :

Les Paradis perdus (1973)
Le Beau Bizarre (1978)
Comm’si la terre penchait (2001)