jeudi 25 mai 2006

Les Vrais Stones des années 80

[Mes disques à moi (et rien qu'à moi) - N°12]
Appetite for Destruction - Guns 'N' Roses (1987)

On commence avec un genre de tam-tam bizarre et on termine dans un déluge de guitares saturées.

Entre temps, on aura assisté au plus grand massacre des années 80. Un véritable génocide musical. En douze chansons, les Guns 'N' Roses, les seuls, les vrais, ceux de 1987, ont purement et simplement décimé tous les autres groupes de leur époque. Rien que ça ! New wave ? Glam-metal? Thrash ? Aux oubliettes. Le temps d’un album, le rock n’roll a été de retour.


Ça fait drôle d’en parler aujourd’hui… à l’heure où Axl Rose s’apprête à remettre le couvert au sein d’un groupe dont il est le seul membre initial. A l’heure où les autres sont en train de triompher avec Velvet Revolver en jouant… du grunge ! à savoir le mouvement qui a balayé les Guns comme eux-mêmes ont balayés les autres mouvements quelques années plus tôt.

Oui, c’est bizarre.

J’ai découvert les Guns petit. Mais vraiment petit. J’avais le vinyle rarissime de leur Live ?! #@ Like a Suicide, le genre de truc qui coûte à peu près mon salaire mensuel aujourd’hui et que bien sûr j’ai cassé quand j’étais môme. J’ai donc acheté leur album de l’époque, Use Your Illusion II… puis le 1, puis G'N’R Lies et seulement en tout dernier Appetite for Destruction. Et c’est là que j’ai compris.

Je n’aime pas les formules toutes faites en général… mais celle qu’on leur accola à l’époque, je dois m’incliner devant : « les Stones des années 80 ». Exactement. Alors que la terre entière jouait avec son synthétiseur, que Depeche Mode triomphait et que les américains réagissaient par le bourrinage en règle du trash-metal, les Guns'N’Roses, qu’on a qualifié de hard-rock, se sont révélés être le seul vrai groupe de rock'n'roll des années 80. Point final. Je pourrais presque m’arrêter là ! Je pourrais me contenter de vous dire que de « Welcome to the Jungle » à « Rocket Queen » il n’y a que des chefs-d’œuvres sur ce disque, mais bien sûr vous m’en voudriez un peu.

Dans ce cas parlons peu, mais parlons bien : la jungle du premier morceau, c’est Los Angeles. Ce disque n’est qu’une petite succession de chroniques de L.A. comme Lou Reed le fit toute sa vie avec New York. Sur fond de rock'n’roll survolté, de sexe, de drogues et de tout ce qui est censé aller avec, Axl Rose nous raconte tout : la rue, le banditisme, les squats, les boîtes de nuit de banlieue et la dérive d’une jeunesse livrée à elle même. Exactement ce que font à la même époque les premiers groupes de rap – dont d’ailleurs les Guns sont bien plus fans que des groupes « rock » contemporains.

Il est vrai qu’en matière de rock, ils n’ont de leçon à recevoir de personne : les guitares de Slash et d’Izzy Stradlin (le génie qu’on oublie toujours de citer à propos du groupe, alors qu’il est le principal compositeur de son répertoire) se cognent, s’emmêlent, se retrouvent. Le premier assure les solos déchirants de « Sweet Child O'Mine » et « Mr Brownstone » (clin d’œil même pas voilé aux Stones, maîtres à penser dont ils feront d’ailleurs la première partie à leurs débuts). Le second balance les rythmiques hallucinantes de « It’s so Easy » (re clin d’œil à Jagger et Richards) et de « My Michelle » - sans oublier le break génial au milieu de « Rocket Queen ».

Groupe complet, les Guns'N'Roses comptent également dans leurs rangs un bassiste allumé et délirant (Duff McKagan, d’autant plus étonnant qu’il était au départ guitariste) et un batteur trop vite oublié pour cause de remplacement par Matt Sorum dès l’année suivante : Steven Adler. Adler, qui a eu la bonne, l’excellente idée d’arrêter la musique après ça. Parce que contrairement aux autres, il avait conscience, sans doute, que dans le genre rock primitif on pouvait difficilement faire mieux. Dopé à une mixture imparable (Who + Rolling Stones + New York Dolls + Aerosmith), ce quintette honni de tous ou presque aujourd’hui n’avait pas menti : il a bel et bien été, le temps d’un unique disque, le plus grand groupe du monde.

Le reste relève au mieux de la légende (entrée en lice de Sorum, recrutement d’un clavier plutôt doué, Dizzy Reed, double publication des Use Your Illusion quatre ans plus tard avec à la clé une reprise culte du « Knockin’on Heaven’s Door » de Bob… Bob qui déjà ?) au pire des pages people (procès qu’Adler fera au groupe, taule pour les uns, départs avec pertes et fracas pour les autres, et comment Rose va virer Izzy et comment Slash va claquer la porte et comment Duff va tenir le plus longtemps possible mais quitter le navire lui aussi). Près de 20 ans plus tard, on n’a pas fait beaucoup mieux.

Le groupe existe toujours aux dernières nouvelles… enfin : Axl Rose est toujours en vie et a recruté quelques bras cassés pour tourner cette année sous le nom de Guns'N'Roses, qu’il a racheté au début des 90’s, à l'époque où les autres n'imaginaient pas une seconde que ce nom pourrait un jour désigner autre chose que leur petite bande. Il compte publier le quatrième album cette année… ou pas. De toute façon les fans sont habitués, puisque ce disque est annoncé et reporté depuis 1994.

Et ces fans c’est qui ? Des gens comment moi, et peut-être comme vous. Des gamins traumatisés par un unique album nommé Appetite for Destruction. D'anciens gamins qui ont toujours ce même disque en juke-box mental depuis des années et qui n'ont même pas besoin de le réécouter pour le chroniquer. D'anciens gamins rêvant encore, toujours, que les Guns reviennent les emmener (enfin) dans leur « Paradise City ».


Trois autres disques pour découvrir les Guns N'Roses (ce qui est totalement vain puisque c’est vraiment celui-ci qu’il faut mais bon… au cas où) :

G'N'R Lies (1989)
Use Your Illusion I (1991)
Use Your Illusion II (1991)