samedi 27 mai 2006

Des tragi-comédies biographiques...

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Je viens de visionner une excellente comédie burlesque. Zidane, un portrait du XXI eme siècle, ça s'appelle. Bon, rassurez-vous, je n'ai pas payé pour ça. Je suis quand même pas malade au point d’aller payer huit euros et des poussières pour regarder la vidéo d'un match de foot.

Parce que c’est précisément de cela qu’il s’agit. Ce n’est ni un documentaire, ni une biographie… on pourrait éventuellement imaginer que ça se destine au cinéma d’art et d’essai, mais alors plutôt du côté de l’essai que de l’art. En tout cas, je me suis bien bidonné ! Replaçons les choses dans leur contexte : cet excellent ovni cinématographique a été tourné il y a un peu plus d’un an lors de la rencontre décisive entre le Real Madrid et Villarreal. Victoire 2 buts à 1 du club de Juan Carlos dont le meneur de jeu se nomme… Zidane. Jusque là, rien d’anormal. Là où ça devient carrément tordant, c’est que c’est probablement le pire match que Zidane ait jamais joué (encore qu'il en ait joué de bien pourris cette saison). Si comme moi on a vu le match à l’époque, on a bien vu que le gars Zizou n’était pas au top de sa forme… mais (comme moi aussi) si on a vu le film, on a été littéralement affligé. Car ce film repose sur un concept particulièrement enthousiasmant : l’objectif de la caméra est braqué du début à la fin sur Zidane. Le match, les autres joueurs (pourtant a priori il y en a 21 autres sur le terrain), on s’en fout, c’est le décor, c’est pas bien important. Ce n'est pas comme si le football était un sport dont l'élément central était le mouvement collectif et l'exploitation/création d'espaces. Bref on assiste à un match de foot à un seul joueur : Zidane. De quoi s’en dégoûter à vie (heureusement qu’il va prendre sa retraite). Mais ce n’est pas fini : parce que Zidane, dans ce match, joue comme une quiche. Il est totalement nul, il passe son temps à courir partout (ce qui est plutôt rare chez lui), à transpirer, mais il ne touche quasiment pas un ballon ! Et les mecs, ils en ont fait un film ! Pensez-vous qu’ils auraient eu l’idée de revenir à une autre rencontre ? Non non. Il nous font une incroyable hagiographie de Zidane, mais une hagiographie new-wave où le pauvre capitaine de l'Équipe de France est humilié de bout en bout. Même en étant fan de foot (ce que je suis) ou en étant fan de Zidane (ce que je ne suis pas), impossible de survivre à un truc pareil. C’est une torture permanente. J’aime le football, j’aime le jeu… je n’ai absolument pas envie de voir un gros plan sur Zidane pendant une heure et demi, surtout qu’en plus il joue mal, fait n’importe quoi, lève la main dans un geste désespéré pour qu’on lui passe un ballon qui n’arrive jamais…

En deuxième période, pourtant, Zizou se réveille, il se lance, il court droit au but, déborde, centre, et là pouf, un but. Youpi ! Dieu… pardon, Zidane est de retour ! On voit même passer Roberto Carlos tout content, et là on réalise (au bout de prêt d’une heure) qu’en fait Zidane n’est pas le seul joueur du Real Madrid. Mais bon, Roberto Carlos, Beckham et compagnie, c’est des figurants ou disons des guests de luxe. Le héros du film, c’est Zidane… enfin, le zéro du film, puisque juste après il se fait expulser (comme souvent). Navrant. Pathétique. Ridicule. Pitoyable. Un coup à provoquer de suicides chez les fans de foot. On est désolé pour Zidane, le pauvre : en général les pilleurs de tombe interviennent après la mort des icônes.


C’est un peu ce qui arrive à Marie-Antoinette depuis quelques siècles, même si icône est ambigu dans son cas. Après l’hagiographie tragi-comique du XXIe siècle, je me suis également bien amusé avec la chiantographie du XVIIIe signée par Sofia Coppola, dont la principale idée durant deux heures se résume à coller du Aphex Twin sur un film en costume. Heureusement qu’elle est là Sofia, pour poser une grave question – hélas de manière involontaire : jusqu’où peut-on prendre des libertés avec l’histoire ? Où s’arrête la biographie et où commence la création ? Pour le côté création, Marie-Antoinette revue et corrigée (« corrigée » au sens « prendre une sacrée correction ») par Sofia Coppola en est indéniablement une vraie. Vous pensiez connaître Marie-Antoinette, jeunes naïfs ? Mais saviez vous que c’était une pétasse qui passait son temps à se torcher au champagne et avait transformé le château de Versailles en bordel ? Saviez-vous que son amant (jamais réellement avéré d’ailleurs) Fersen le Suédois était en fait un latin-lover ? Non, évidemment, vous ne le saviez pas, c’est pourquoi Sofia Coppola est intervenue : il faut redresser les torts de l’histoire, tout de même. Sauf qu’à côté de sa Marie-Antoinette la Jeanne d’Arc version Luc Besson est crédible, c’est vous dire le massacre.

Je ne suis pas sectaire, et je n’ai rien contre les artistes prenant quelques libertés avec la vérité historique. C’est la licence poétique. Le problème c’est que Sofia Coppola fait dans la licence (pas du tout) poétique de la première à la dernière scène du film. C’est le pire ramassis de conneries que j’ai jamais vu au cinéma, et c’est vendu affublé de la mention « biographie »… ben mes aïeux, nous v’là bien ! Imaginez la même chose : un cinéaste français s’empare d’une figure de l’histoire des États-Unis, genre Abraham Lincoln, et la massacre du début à la fin !... Ce serait le scandale de l’année et Bush ferait des déclarations tapageuses, et la FOX relancerait la campagne anti-française… Si encore le film était bon : mais même pas. Il est chiant comme pas permis, d’une longueur indécente et d’une laideur kitsch à faire peur. Heureusement il y a Kirsten Dunst ! Entendons-nous bien : elle campe une très mauvaise Marie-Antoinette. Mais elle joue très bien, dans la mesure où on ne lui a pas demandé de jouer Marie-Antoinette mais une grosse pouffiasse. Elle s’en acquitte avec une grâce hors du commun. Voilà ce qu’on peut appeler du gâchis : une cinéaste brillante, une actrice douée, un personnage quasi-mythique… et à la fin un genre de n’importe quoi sur pellicule, plus proche du bal costumé que du cinéma. Mais tout ça n’est pas bien grave, puisque Marie-Antoinette est morte depuis bien longtemps – oui, elle a été guillotinée mais Sofia Coppola s’en fout complètement et ôte le peu de lyrisme qu’il y aurait pu avoir dans son « truc » sans le moindre remord. Violer la mémoire de quelqu’un mort depuis une poignée de siècles est tout de même moins grave que de bafouer un être vivant.

Et Zinedine Zidane, aux dernières nouvelles, est encore vivant, lui. Pour combien de temps, on peut s’interroger… car grâce à Douglas Gordon et Philippe Parreno, notre Zidane a d’ores et déjà été enterré vivant. Ceux qui ont vu le film ne pourront définitivement pas regarder la Coupe du Monde à venir de la même manière…

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