mercredi 30 mai 2018

Bill Baird - La Tendresse mordante


Il y a chez Bill Baird une indolence... une espèce de tranquillité le rendant extrêmement sympathique. Dans une époque pas si lointaine, ce Texan sans âge et au charisme vague aurait sans doute hérité de tous ces qualificatifs relous dont on affublait alors les gens capables de publier deux albums par an, "touche-à-tout", "dilettante" - et pourquoi pas "génie", tant qu'on y était ? Années 2010 obligent, il n'est que ce type talentueux que l'on suit de loin dans sa prolixité bandcampienne, loupant un album de temps à autre pour mieux raccrocher avec le suivant, et qui à lui seul justifie l'existence de cette étrange chose qu'on nomme newsletter. Ce n'est ni bien ni mal, ni mieux ni pire. C'est autre chose à laquelle on peut supposer que Bill Baird, assez vieux pour avoir connu le monde d'avant (ses premiers travaux remontent au début des années 2000 au sein d'un groupe baptisé The Sound Team), n'était pas forcément plus préparé qu'un autre tout en ayant fort bien su s'y adapter. Il publie beaucoup, parfois gratuitement, jamais trop cher, et surtout jamais trop (tout court) pour qu'on perde complètement le fil et qu'on ne constate pas à quel point, au bout de dix albums sous son nom (compter le double avec The Sound Team ou sous le pseudo de {{{Sunset}}}), son songwriting a gagné en maturité. On l'avait déjà noté il y a peu à propos de l'excellent Baby Blue Abyss (25e du CDG 2017), peut-être son premier opus à ne contenir aucun temps faible : Bill Baird était en train de passer de mec talentueux réussissant à glisser une ou deux grandes chansons sur chaque album à vraie valeur sûre dont on guette la prochaine avec une impatience forcément relative, puisque celle-ci ne tarde jamais à arriver.


Gone franchit encore un cap, ce qui signifie Enfin son article rien qu'à lui, certes, mais signifie aussi et surtout que vous seriez folles et fous de ne pas vous jeter sur cette pépite évoquant un Beck qui aurait laissé macérer Mutations dans de l'essence d'eau de country durant une petite décennie supplémentaire, histoire que le rendu soit un tout petit peu plus acide et râpeux (les lois de la physique sont un peu particulières en matière de musique). Les délicieuses "Live that Way" et "Love Don't Exist (Until It's Given away)" ne laissent aucun doute quant à une influence que l’œil curieux ira même jusqu'à relever dans l'apparence physique de Baird : même atmosphère romantique et feutrée, même tonalité entre Beatles et Gainsbourg du début 70's (on ne dira jamais assez l'influence de Vu de l'extérieur, paradoxalement méconnu du public français, dans le monde anglo-saxon), même nonchalance joyeuse. Ni clone ni clown, attention, mais toute personne aimant l'un ne pourra qu'être attentive à l'autre, Baird signant ici quelques unes des compositions les plus émouvantes d'une discographie parfois un peu trop cynique ou décalée pour toucher à chaque fois. La morgue est toujours là, elle s'étale même élégamment dès le premier morceau ("It's Empty"), mais si ce n'est peut-être sur le caustique et dédaigneux "You're Free (If You Want to Be)", exquise rencontre entre Dylan et Baxter Dury, l'ensemble brille avant tout par son côté intimiste, doux-amer, tendre sans verser dans le niaiseux et mélancolique sans être chiant (qui a dit que c'était l'anti-Sea Change ?) S'il fallait reprendre ce que nous disions en ouverture (il paraît que c'est une bonne manière de conclure), nul doute qu'en d'autres temps, Gone aurait été un mini-succès indé, un de ces petits ouvrages sans prétention mais terriblement attachants appelés à devenir cultes auprès d'une poignée de personnes les chérissant jusqu'à leur départ de l'"Other Side of the Sky".

Notre époque étant ce qu'elle est, la poignée sera sans doute réduite à portion congrue ; sachez que ce n'est absolument pas une raison pour ne pas essayer de faire un triomphe à ce qui est, à mi-parcours, l'un des meilleurs albums de cette morne année 2018.



👍👍👍 Gone
Bill Baird | Autoprod, 2018

11 commentaires:

  1. Oh purée, ce morceau est génial. Faut absolument que je trouve un moment pour écouter le reste, again and again : MERCI LE GOLB ;)

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  2. Très bon, en effet !

    J'ai déjà croisé le nom de Bill Baird, ici ou là, il est même possible que j'aie déjà écouté un de ses albums à l'époque du CDB (cela me dit vraiment quelque chose) En tout cas cela ne m'a pas marqué, et je trouve ce Gone vraiment très bien.

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    1. EH bien j'espère que tu diras encore ça la prochaine fois que j'en parlerai... plutôt que "hum, je crois que j'ai déjà croisé le nom de Bill Baird" ;-)

      Plus sérieusement, c'est probablement sur Le Golb que tu as croisé ce nom, il n'avait jamais eu d'article "rien qu'à lui" mais plusieurs de ces disques (Goodbye Vibration, Career, Baby Blue Abyss...) ont été évoqué dans des textes plus ou moins courts.

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    2. De SES disques (oh la honte)

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  3. Oh le bel article qui va plafonner à cinq commentaires :)

    Quand tu as promis de chroniquer des "nouveautés" en 2018, je pensais pas que tu pousserais aussi loin le challenge ;)

    C'est vrai bien sinon mais je le savais déjà car j'avais déjà découvert Bill Baird ici même, il y a quelques années.

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    1. Si je me suis souciais des nombres de commentaires ou de vues j'écrirais sur tout autre chose d'une toute autre manière ^^

      Je tiens ma promesse pour le moment, non ? J'ai un peu grugé avec Michael Monroe, vu que la compile datait de 2017, mais c'est sympa de ta part de ne pas le relever ;-)

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    2. On ne va pas décourager une si bonne volonté ;)

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    3. :-)

      En attendant, tout ça nous fait quand même 9 commentaires. Tu vois comme tu es mauvaise langue !

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  4. Joli morceau, qui donne envie avec le billet qui l'accompagne d'aller en écouter plus. Pas trop d'accord en revanche avec le "cette morne année 2018" si tu entends par là qu'il y a eu peu de bonnes choses jusqu'ici...

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    1. Pas forcément "peu de bonnes choses", mais peu de trucs que j'aurai eu envie de me repasser en boucle pendant des jours. Faut dire que DLMDS n'a pas été très disposé à m'aiguiller durant cette première moitié d'année ;-)

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