mardi 23 mai 2017

Arrow - La Saison qu'on n'attendait plus

Il y a eu ces débuts hésitants, puis cette remarquable saison 2.

Et puis... plus rien. Un vide sidéral long de deux années. Des dizaines d'épisodes consacrés aux histoires de cul des uns et des autres (sans même avoir la politesse de montrer un bout de fesse de temps en temps). Un raz-de-marée – mérité – aux Drawas 2015. Arrow telle qu'on la connaissait – telle qu'on l'avait aimée, même brièvement – était partie. Ringardisée par ses propres spin- off, plombée par des scenarii ineptes, bouffie de gimmicks narratifs, pétrie de dialogues consternants. Combien d'épisodes de pur soap-opera ? Combien d'intrigues où les personnages se mettaient à réagir de manière quasi hystérique à des choses totalement anodines ? Combien de backdoor pilots de combien de séries dérivées ? Combien de femmes dans le frigo ? Combien d'heures de flashbacks totalement inutiles à la compréhension de l'histoire ? Combien de litres de larmes versés par Felicity Smoak ? Les années passaient et il était de plus en plus embarrassant d'avouer que l'on regardait toujours cette très mauvaise série qui n'avait eu, il y avait déjà un bail, qu'une seule saison réellement réussie. N'était-ce la nécessité de la suivre vaguement en raison de la consanguinité des séries de la DCW, on l'aurait sans doute arrêtée depuis des lustres.

Et pourtant, quelque chose s'est passé cette année à Star City. Quelque chose d'assez exceptionnel pour mériter un article : Arrow s'est trouvée. Par retrouvée, non : trouvée. Enfin. Après cinq ans, on la quittera pour la première fois demain soir en se disant qu'on a hâte de la retrouver l'an prochain. Et on a du mal, tout de même, à ne pas s'en étonner tant cela survient tard et de manière plutôt inopinée.

Depuis qu'Oliver Queen est devenu maire de sa ville (ce qu'il est dans les comics de l'âge d'argent, précisons-le pour ceux – probablement nombreux – qui ne les connaîtraient pas), les scénaristes semblent en effet avoir (re)découvert qui était le personnage. Non pas celui, monolithique, des premières saisons, mais bien celui qu'ils entendent adapter depuis 2012. Avec globalement moins que plus de réussite : même dans les meilleurs moments de la série, Green Arrow n'a jamais vraiment ressemblé à Green Arrow. Au mieux pouvait-on l'envisager comme un lointain neveu, ou une version post-adolescente assez mal dégrossie – beaucoup trop sensible, notamment, pour être digne de son modèle. On a longtemps cru (on l'a même écrit) que cela découlait de certaines oscillations dans la direction artistique, notamment de l'incapacité de Greg Berlanti et de ses camarades à décider s'ils voulaient faire une série dark and gritty dans la lignée des Batman de Nolan (ou plus récemment du Daredevil de Netflix), ou bien une vraie série de superhéros « en collants » (façon Marvel Cinematic Universe. Ou The Flash). Il y a sans doute de cela malgré tout, mais à présent qu'Arrow est enfin devenue une série sur Green Arrow, on ne peut s'empêcher de se dire qu'il y avait peut-être aussi, à la base, une relative méconnaissance – voire un certain mépris – pour cet univers, justifiant que les mêmes équipes multipliant le fan-service dans The Flash ou Supergirl se soient autorisés dès le début d'Arrow de grandes libertés par rapports aux comics1. La probable vérité c'est qu'au départ, Green Arrow était l'un des très rares superhéros ayant une relative notoriété tout en étant libre (et pas trop coûteux) en terme de droits d'adaptation. La probable vérité, oui, c'est que Berlanti voulait d'abord faire une série de superhéros, pas nécessairement une série sur ce superhéros-ci, ce qui explique qu'il ait fallu aussi longtemps pour avoir l'impression de regarder... ce qu'on nous disait qu'on regardait.


Mais qu'est donc ce Green Arrow, le vrai, celui que les spectateurs de la série ont désormais eu la possibilité de rencontrer ? Un sous-Batman, cela a souvent été dit et la série n'a franchement pas fait grand-chose pour décoller cette étiquette, mais surtout un Batman progressiste. Un vigilante de gauche, si vous voulez (il y en a peu2), qui a foi en ses concitoyens et ne résout pas uniquement les conflits par la violence. Entamée en saison 4, la mue a été lente, c'est le moins que l'on puisse dire. Cela faisait un moment qu'on voyait vers quoi tendait la série, mais il fallut beaucoup de patience pour qu'elle y parvienne – et il serait d'ailleurs excessif de dire que le résultat actuel est parfait tant certains personnages demeurent peints à la truelle. Toutefois, on a bel et bien vu cette année un visage différent d'Oliver Queen, plus attachant, plus sympathique... et surtout moins droitier. C'était certainement jusqu'ici l'un des aspects les plus contrariants de la série que de proposer quelque chose d'extrêmement réactionnaire en adaptant un personnage théoriquement à l'opposée de l'échiquier politique. Surtout de cette manière, non-dite et presque non-assumée, puisque dans le fond Arrow n'avait jusqu'à récemment rien à secouer des problématiques sociales, politiques et même environnementales, pourtant omniprésentes dans les comics mettant en scène Olivier Queen (et ce quelle que soit l'époque). Même pas encore mort que le grand Dennis O'Neil, auteur de ses meilleures aventures dans les seventies, avait déjà largement de quoi se retourner dans sa tombe. On l'a peu lu en France car le personnage n'y a jamais été très populaire, mais dans le fond, Arrow a toujours été une assez mauvaise adaptation.

Et si vous cherchez par où commencer... eh bien ne cherchez plus :
filez lire cette mini-série de 1987.

L'évolution de la série a été longue, donc ; elle a toutefois été officialisée en grande pompe lors du désormais fameux débat sur les armes à feux. Omniprésent dans l'actualité américaine ces derniers mois, le thème a contaminé de nombreuses séries de Networks en 2017, puisqu'il fut également évoqué dans The Flash ou au centre de toute une intrigue de Designated Survivor. Aucune série n'a pourtant été aussi loin qu'Arrow, qui a consacré un stand-alone entier à ce débat, plaçant Oliver Queen (ainsi que la plupart des « gentils ») dans le camp des politiques souhaitant limiter la libre circulation des armes – il n'est pas certain qu'on eût été plus surpris de le voir faire son coming out. S'il a été salué par une partir de la critique, « Spectre of the Gun » (5x13) n'était pas un épisode parfait, loin s'en faut. Il contenait beaucoup de ces lourdeurs propres à Arrow, notamment dans les dialogues, mais il permettait tout de même de mesurer le chemin parcouru par une série ayant jusqu'ici bâti la moitié de ses intrigues sur le concept de loi du talion. Mesurer le chemin parcouru étant d'ailleurs un excellent résumé de l'ensemble de cette saison.

En se choisissant comme badguy de l'année une adaptation très libre de Prometheus, énième Némésis de seconde division de Batman à faire son entrée dans l'Arrowverse, la série s'est en effet offert un retour aux sources pas cher en terme d'écriture, et très rentable en terme d'enjeux dramatiques. Alors que depuis Slade Wilson (saison 2), les antagonistes de Green Arrow étaient chaque année moins humains et plus « magiques », Prometheus était un adversaire de chair et de sang ramenant le héros à des considérations plus terre-à-terre, de vigilante à l'ancienne, et accessoirement d'élu local puisqu'un peu à l'instar du Joker, ce Prometheus-là allait servir à semer insécurité et zizanie partout où il passerait. L'idée était d'autant plus habile que Prometheus constitue également un double inversé bien plus intéressant qu'un Merlin : même génération, techniques de combat très similaires et, dans le fond, code moral pas si éloigné que cela. Venu pour se venger, ce qui n'a rien de très original dans une série où tout le monde veut constamment se venger de tout le monde, Prometheus renvoyait surtout Oliver à cette première saison un peu marginale où il agissait seul (Dig' n'arrivant qu'en cours de route) et se comportait comme un assassin pur et simple, puisque son but inavoué était bel et bien de tuer des méchants (souvent désarmés, en plus), pas de les neutraliser. Ce faisant, Prometheus posait la question de ce qu'est le vigilante, réellement, et de ce qu'il représente aux yeux du public3. Il se situait en cela au cœur d'une saison qui n'aura eu de cesse d'interpeller Oliver sur son influence, d'abord avec la formation d'une nouvelle équipe nettement plus amatrice, puis en le confrontant à un copycat exécutant ses victimes, pour ensuite, en vrac, lui rappeler son passé mafieux, le mettre en position de juger Felicity ou Diggle pour des actes que lui-même aurait autrefois commis sans hésiter... et enfin interroger sa politique en tant que maire (truc qu'on n'avait franchement pas vu venir).


Le sous-texte, certes, n'est pas toujours très clair. De même que « Spectre of the Gun » essayait trop de ne pas brusquer le spectateur pro-armes pour ne pas amortir son propos, il est probable que Berlanti ne veuille pas que nous pensions que Green Arrow est un vulgaire assassin repenti, et que ce soit surtout le manque de subtilité de certains épisodes qui donne ce sentiment. Mais ce sous-texte existe bel et bien, ce qui en fait en soi une saison supérieure à toutes les précédentes, dans lesquelles tout cet aspect du personnage avait été pudiquement jeté sous le tapis en espérant que personne ne se rendrait compte de rien. Et il rejoint in fine celui des comics : tandis qu'Oliver découvre qu'il peut faire autant de bien à sa ville – si ce n'est plus – en tant que maire qu'en tant que justicier, il ne se passe pas un épisode sans que ses méthodes soient remises en question, souvent d'ailleurs via le même angle d'attaque : en démontrant qu'elles ne cadrent jamais complètement avec son idéal humaniste. Les trois quarts des chapitres de cette saison 5 ne sont ainsi qu'une mise en procès de la vielle antienne de la fin justifiant les moyens – soit donc des quatre saisons précédentes, qui ne lésinaient pas franchement sur cette pseudo-morale. C'est d'autant plus frappant dans l'arc Felicity chez les Hackers que celui-ci, moins bien écrit que les autres, a beaucoup de mal à ne pas cracher son message à chaque scène. Mais cela vaut tout autant pour la transmutation de Thea Queen en Sherry Palmer ou la prise d'importance progressive d'A.R.G.U.S., qui culmine lorsque Dig' confronte Lyla (devenue le meilleur personnage féminin de la série) sur la dérive sécuritaire qu'elle fait prendre à son organisation (et à son couple !) Dans le fond et sans avoir l'air d'y toucher, Arrow vient de traiter avec une indéniable pertinence le thème de l'état d'urgence face à différentes incarnations de la menace terroriste, et c'est un joli pied-de-nez de noter que son bourrin de héros aura tout du long répondu à celle-ci de manière raisonnable et raisonnée, en tentant de prêcher l'unité des citoyens et en ne recourant pas systématiquement à la violence physique. A croire qu'il a beaucoup suivi l'actualité française dernièrement...


👍👍 Arrow (saison 5)
créée par Greg Berlanti, Marc Guggenheim & Andrew Kreisberg
The CW, 2016-17


1. Il faut tout de même rappeler qu'exceptions faites des arch-nemesis que sont Malcolm Merlin et Deathstroke, la quasi totalité des ennemis de Green Arrow dans la série sont issus d'autres comics DC, en particulier Batman et Flash.
2. Citons tout de même Daredevil et Luke "Power-Man" Cage (dans sa version post-Bendis) chez Marvel, sans oublier ce brave Nightwing chez DC.
3. Pour la première fois, les changements de nomset de costume d'Olivier refaisaient surface, de manière assez inattendue. Rappelons qu'aux yeux de la population de Star CIty, Green Arrow et celui qu'on appelait au début de la série The Hood ne sont pas la même personne.

23 commentaires:

  1. Le monde entier ne parle que de Twin Peaks depuis 24h, il était donc normal que tu sortes un article sur l'une des séries les plus moquées des dernières années :D

    "Le Golb, c'est comme un gros fuck you, mais en mieux"

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    1. J'aurais cru que le monde entier parlait plutôt de l'attentat de Manchester, perso, mais si tu le dis ^^

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  2. Et sinon c'est vrai qu'elle était bien cette saison, j'ai cru un peu à une illusion d'optique au début mais ça a duré neuf mois.

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    1. Pareil. J'ai mis du temps à admettre que c'était une des séries que je retrouvais avec le plus de plaisir chaque semaine.

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  3. Tout à fait d'accord.

    C'était presque une nouvelle série, cette année. Ou le retour d'une ancienne qu'on ne pensait pas revoir. Même les flashbacks étaient bien !

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    1. Ouais bon... les flashbacks étaient "moins chiants que d'habitude", on va dire...

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  4. Tout cela ne vaut pas Agents of SHIELD.

    ;)

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    1. SERIOUS n'a même pas relevé ta vanne ;-)

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    2. Oh si, il a vu mais les plus courtes sont les meilleures ;)

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  5. Très bonne saison en effet.

    Mais je n'aime pas du tout quand mon "plaisir coupable" devient une bonne série. Heureusement que Stephen Ammel joue toujours aussi mal ;)

    Merci pour ce très bon article qui m'a appris des choses sur le personnage d'origine.

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    1. Tu n'as plus qu'à regarder Designated Survivor, alors ^^

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  6. On ne peut en effet que saluer la volonté d'Arrow de revenir à des choses plus "dures", "intenses"...

    Après, deux pouces... vraiment ?

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    1. J'avoue avoir hésité. Mais "un pouce", ça ne me semblait pas assez "marquer le coup". Mettre un pouce à Arrow, sur une saison, au détour d'un Golbeur en séries... je peux le faire (ça m'est sans doute déjà arrivé, même). Tu vois ce que je veux dire.

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  7. Mais comment tu fais pour louper une telle évidence ?! C'est juste un virage post-Trump épicétou!

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    1. Tu plaisantes, j'espère ? J'ai absolument fait exprès de ne pas écrire noir sur blanc cette énorme banalité...

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    2. (même si en l'occurrence, il y a sans doute du vrai, je ne le nie pas)

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  8. Globalement d'accord avec toi, mais je trouve ta chute un peu... Artificielle.

    C'est le formatage typique de CW, qui donne cette structure. Phase 1 : nouvelle menace inconnue, phase 2 : identification de la menace (elle est trop forte pour le héros), phase 3 : le héros prend le dessus, phase 4 : feu d'artifice final (on verra cela dans le prochain épisode, qui se terminera bien par une grosse baston ;).

    Toutes les saisons d'Arrow sont comme cela, sauf la 4 (Damian Dark apparait dès la fin de la 3). Mais tu avais la même avec The Vampire Diaries, si tu voulais ;)

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    1. Je sais bien comment sont construite les séries de la CW (encore que de moins en moins). Mais je trouve justement que ce cadre imposé est très bien exploité ici. On n'a pas du tout ce sentiment que les héros attendent la fin de saison les bras ballants, on ne se dit jamais "putain mais pourquoi tu n'attaques pas le méchant, Ducon !"... comme devant The Vampire Diaries ou The Originals. Ou The Flash. Ou Supernatural. Ou... etc.

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  9. Quand on pense que toutes ces intrigues à la mairie c'était parce que l'acteur est tout bouffi par l'alcool et ne peut plus apparaître torse nu :D

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    1. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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    2. Tu es dure. C'est vrai, hein. Mais c'est un peu salaud quand même. D'autant qu'on ne peut pas trop lui en vouloir d'être tombé dans le piège de l'alcool vu les conneries qu'on lui a fait jouées durant les saisons 3 et 4 ^^

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