dimanche 11 décembre 2016

Pourquoi je n'ai jamais terminé Hunger Games, même si c'est cool.

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Hunger Games, c'est pas franchement pas bien écrit, mais c'est cool. Tel est en substance ce que j'avais gardé de ma première lecture du best-seller – oui car dans ma folie, je l'ai lu deux fois. Ce que je fais en réalité assez régulièrement dans le cas de cycles que je mets un certain temps à poursuivre, pour une raison ou une autre : avant de me lancer dans un tome, j'envisage de me remettre dedans en relisant en diagonale le précédent. C'était sans doute moins choquant pour le lecteur du Golb quand je relisais The Alienist avant The Angel of Darkness, j'imagine.

Si vous êtes déjà abrutis par cette révélation, je vous recommande de vous arrêter maintenant car les choses ne vont pas s'arranger : à la seconde lecture, il y a quelques mois, Hunger Games m'a paru encore meilleur. N'ayant plus à me préoccuper de râler après les formulations lourdingues de Susanne Collins, j'ai pu d'autant mieux me laisser emporter par un suspens savamment agencé, une violence atone (nous sommes dans un roman pour ados) mais omniprésente et un univers qui, s'il affiche des influences aussi nombreuses que limpides (de Spartacus à The Running Man en passant par THX 1138, The Prize of Peril, Battle Royale, Rollerball et autres récits de type survival) témoigne d'une belle originalité et d'une véritable richesse en regard des standards de la young adult fiction. Arrivé pour la seconde fois au bout (en quelques heures), je n'avais qu'une seule envie : enchaîner sur le second volet. Ce que je n'ai pas fait : de même que je suis incapable de binge watcher une série télé, je ne suis pas plus capable de m'enfiler tous les romans d'un cycle à la file (c'est d'ailleurs bien pourquoi je suis amené à les relire1).

C'est malheureusement ici que les choses se sont gâtées (et qu'accessoirement, nous allons recoller au titre de cet article). La raison en est très facile à comprendre. Tout d'abord, et bien que les deux premiers romans de la trilogie aient des dates de sortie très proches, il est très difficile de croire à la lecture de Catching Fire que Suzanne Collins avait la moindre idée de ce qu'elle allait raconter dans les volumes suivants (si tant est qu'elle ait même envisagé leur existence, bien que le storytelling promotionnel ne manque évidemment pas de l'affirmer). Surtout, ce Hunger Games II est un livre incroyablement chiant. Aussi lent, répétitif et pénible que son prédécesseur savait être haletant et (parfois) surprenant.

Ces deux raisons n'en composent à vrai dire qu'une seule. C'est évidemment parce que Suzanne Collins n'a de toute évidence qu'une très vague idée de ce qu'elle raconte qu'elle le raconte aussi mal, peinant à injecter de la vie dans un récit extrêmement figé où les personnages passent les trois quarts du temps à papoter en attendant une chose ou une autre. Ce qui, fatalement, rend le style lourdingue beaucoup plus difficile à oublier cette fois-ci. L'une des grandes qualités de Hunger Games premier du nom était sa structure narrative. Bien qu'écrit de manière extrêmement simple (première personne + focalisation interne + présent), chaque chapitre donnait l'impression d'être parfaitement millimétré, apportant son lot d'informations et/ou de rebondissements, contenant un climax, et se refermant sur une ouverte/une conclusion/un cliffhanger. Comme les épisodes d'une série télé ultra-formatée mais ultra-efficace. Dans Catching Fire, Collins tente de reproduire cette mécanique mais celle-ci ne peut pas fonctionner puisque l'exposition occupe les trois quarts du récit (je n'exagère pas). On n'a pas le sentiment d'être happé par un feuilleton (ou alors un très chiant du câble), mais de lire l'introduction au troisième tome de la série. Cela rend la lecture d'autant plus pénible que le seul véritable coup de théâtre (une édition des Hunger Games avec les anciens gagnants, façon Koh Lan Ta des champions) est prévisible des dizaines de pages auparavant, et n'est même pas bien utilisé : on aurait cent fois préféré que Haymitch soit envoyé dans l'arène (et tant qu'à faire qu'il y meure, comme le gentil Obi-Wan alcoolo qu'il est), histoire de varier aussi bien les plaisirs que les enjeux. Mais il est vrai que ceux-ci ne sont a priori pas les mêmes.

Car à y regarder de plus près, le véritable problème de Catching Fire est sans doute, tout simplement, le fait qu'il ne raconte plus du tout la même histoire que son prédécesseur. Il se déroule dans le même univers avec peu ou prou les mêmes personnages (ce qui relève de la performance – et d'une certaine paresse – si l'on considère que la quasi totalité des protagonistes du volume premier sont morts), mais il n'a clairement plus l'intention de raconter les Hungers Games. Ce n'est pas une surprise en soi : à vrai dire, j'étais même assez surpris qu'il y ait tout de même – encore – des jeux dans ce volet (je suppose qu'il n'y en a pas dans le troisième). Ce n'est pas une surprise, disais-je, et cela ne devrait même pas être un problème, car si Suzanne Collins a vraiment un style irritant par moments (notamment parce qu'elle a besoin de nous expliquer, ré-expiquer et ré-ré-expliquer tout ce qui se passe, tout le temps, même quand il ne se passe rien), on ne peut pas lui enlever une certaine imagination et un grand souci du détail, qui rendait le précédent livre captivant y compris dans la partie précédant le début des jeux (et de l'action). Malheureusement, en rallongeant à ce point la sauce et en retardant jusqu'à outrance le début des jeux (et de l'action), elle souligne surtout cette fois que son univers n'est pas aussi inspiré et solide qu'elle le croyait (et le lecteur avec). Il y a beaucoup de redites, dans Catching Fire, sans parler des la succession de fausses bonnes idées qui parsèment le récit. Le triangle amoureux ? Pourquoi pas, il était déjà présent dans le précédent livre. Sauf que l'on n'y voyait que très peu Gale (et finalement assez peu Peeta), ce qui évitait de s'apercevoir qu'ils étaient très mal caractérisés et, en terme de réactions et de psychologies, totalement interchangeables. L'introduction des nouveaux challengers ? Une excellente initiative, qui manquait un peu dans le précédent livre (les trois quarts d'entre eux mouraient très vite, les autres se limitant à quelques stéréotypes), qui tombe un peu à plat dans la mesure où la portion du texte consacrée aux jeux est tellement courte (cent-trente pages ? cent-vingt ?) que toute l'intensité dramatique qui aurait pu découler de la mort de ces personnages qu'on connaît et qui se connaissent s'évapore dès les premiers instants. Les prémices d'une révolution dans l'univers totalitaire de la saga ? Avec plaisir, mais pas comme ça, pas en ne procédant que par ellipses et certainement pas en faisant changer d'avis les personnages toutes les dix pages, juste pour gagner du temps.

Alors bien sûr, ce n'est pas un roman effroyable. Il est très difficile d'éprouver ce sentiment à l'égard d'un cycle que l'on a déjà entamé (et dont on a lu le premier tome deux fois), de personnages que l'on connaît et apprécie, d'un univers déjà familier. Mais quand peu après l'avoir terminé j'ai lu qu'il s'agissait de l'avis général d'un des rares exemples de deuxième volet supérieur au premier, j'ai manqué de m'étrangler. Catching Fire est très, très inférieur à The Hunger Games, tellement inférieur qu'en dépit de vrais bons passages (le visionnage des jeux auxquels participa Haymitch dans sa jeunesse, la découverte du fonctionnement de l'arène), il ôte toute envie de lire le troisième. En un sens, il va même à l'encontre du message qu'il entend distiller, puisque le lecteur se retrouve dans la position du public assoiffé de sang qui désespère que les jeux commencent enfin (j'insiste là-dessus, car c'est réellement ce qui tue toute la dynamique du récit : les jeux commencent très tard et sont très courts), et que ces personnages avec qui l'on passe beaucoup de temps pour pas grand-chose meurent ou dévoilent leur vrai visage – on sait déjà que la moitié d'entre eux ne sont pas ce qu'ils semblent être, on a lu le livre précédent. Ce n'est pas que décevant, c'est aussi un peu triste : il y avait un réel potentiel qui n'est finalement que très peu exploité, si ce n'est pour simplifier considérablement le discours du premier livre. Encore une preuve que le succès interplanétaire ne fait jamais de bien aux créateurs. Oui, le background de The Hunger Games achevait d'en faire un roman marquant. Mais croire que c'était sur ce background que reposait le triomphe du livre, et non sur l'intensité de ses séquences d'actions... drôle d'idée, tout de même. Dans Catching Fire, il y a beaucoup de background, et trop peu d'intrigue principale. Mais soyons francs : ce serait probablement moins embêtant si Suzanne Collins avait plus de vocabulaire.


👍 The Hunger Games
👎 Catching Fire
Suzanne Collins | Scholastic, 2008-09


1. Ne me demandez pas combien de fois j'ai relu les premiers volets de cycle étalés sur plusieurs décennies comme The Dark Tower, de Stephen King. Je passerai pour un psychopathe. Encore plus que d'habitude, je veux dire.

12 commentaires:

  1. Dis donc, c'est programme allégé en décembre :D

    Sinon tu as bien raison, tu résumes bien pourquoi la saga décline au fil des épisodes (comme bcp de sagas pour ados). Le troisième volume est un désastre donc tu loupes rien ;)

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    1. Bah, c'est quasiment Noël... j'avais bien un long article sur Huysmans en stock, mais je me suis dit que ce n'était pas de saison ;-)

      Je n'y avais pas réfléchi mais maintenant que tu le dis, c'est vrai que les cycles pour ados ont tendance à se casser la gueule au bout d'un certain temps...

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    2. Non mais tout de même. Hunger Games. Sur Le Golb. Tu veux nous faire du mal, c'est ça ? ;)

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    3. Ah là là, j'oublie toujours comme certains lecteurs du Golb sont snobs ;-)

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    4. Et on en est fier, en plus ;)

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    5. Vous peut-être, mais pas moi ;-)

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  2. Catching Fire est en effet assez raté. J'ai trouvé Mockingjay meilleur (mais c'est encore moins "la même série", comme tu dis).

    Très intéressant article, en tout cas :)

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    1. J'ai bien peur de ne jamais le découvrir, même si vous êtes deux à laisser entendre que je le devrais ;-)

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  3. Réponses
    1. Désolé, le filtre anti-spam de blogger est assez virulent depuis quelques jours, et il met tout le monde en quarantaine ^^

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  4. Au contraire de certains plus haut, j'aime ce genre d'article et j'aime que tu parles aussi bien de trucs "pointus" que de trucs populaires.

    L'analyse est très intéressante et bien vue, en plus. Moi j'ai pile l'âge pour avoir été ultra-fan d'Hunger Games, alors je n'ai pas vu tout ça sur le coup ;-)

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    1. Mince, toi aussi ? les lecteurs et lectrices du Golb sont de plus en plus jeunes, ça finit par me mettre mal à l'aise à force ^^

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