vendredi 7 octobre 2016

oG Musique - Souviens-toi du "rock planant"

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Il y a sans doute plein d'excellentes manières de vendre aux lecteurs du Golb un aussi bon LP que le dernier oG Musique. On pourrait bêtement louer sa qualité, ce qui ne serait que justice mais reviendrait presque à ne rien en dire dans une époque où tout le monde loue la qualité de n'importe quoi à perte d'oreilles. Je pourrais en profiter pour souligner qu'il s'agit d'un nom déjà bien connu de nos services, qui avait attiré notre attention avec La Transformation et sa pochette signée Druillet avant de gratter une petite place dans notre best of 2012 avec son album suivant ((The Woman Who Took) A Flying Leap over the Fence, également présent en Face B. du 10 Years After des 10 Years After - donc meilleur que la Face A, comme assez régulièrement dans cette rubrique). Peut-être quelqu'un s'en rappelle-t-il vaguement quatre ans après, mais ne parions pas trop là-dessus vu le nombre de LPs que l'on chroniquait ici à l'époque. Tiens d'ailleurs, une autre manière très acceptable de vous vendre Out of the Darkness serait tout simplement de vous faire remarquer que, dans la mesure où je ne chronique quasiment plus jamais de nouveautés musicales, si je le fais, il y a des chances que cela vaille le détour.

Il y aurait certainement encore plein d'autres angles plus ou moins intéressants, mais pas un seul qui arrive à la cheville de cette évidence tellement... évidente qu'en dépit de tous mes efforts, il m'a été impossible de la contourner : je ne devrais pas aimer cet Out of the Darkness. Un concept-album (!) dont l'histoire se déroule dans un univers de fantasy (!!!) et dont un bon tiers des influences compose à n'en pas douter la bande-originale de mes cauchemars1. Le simple fait que je prenne quelques paragraphes de mon temps pour l'évoquer est en soi un indicateur très fort de sa valeur. Ainsi que de l'aplomb avec lequel oG Musique slalome entre tous les écueils du prog le plus dégoulinant ou de la folk tolkiéniste.


D'ailleurs en y réfléchissant, et pour redevenir sérieux cinq minutes, le descriptif de l'album sur Bandcamp ("the story of Imma, a young goddess trapped in the Rounded Forest because she threatened the supremacy of Moloch on the World of Men. Initiated by the Snake King and the animals of the forest, she will find joy, wisdom and compassion but also magic, trickery and illusion"... je vous laisse lire la suite) peut être envisagé comme un peu plus qu'une introduction à une histoire donnée. C'est aussi un excellent programme musical, puisque l'on trouvera effectivement du divin, du champêtre, du ténébreux, du joyeux... déclinés sous des coutures pour sa plupart assez chouettes. Très cohérent dans sa production ou ses arrangements, Out of the Darkness est assez bluffant dans sa manière de happer toutes les tendances dérivées du rock psyché pour les faire cohabiter en son sein. Folk progressive voire un tantinet médiévalisante par-ici ("Love", "The Five Keys of Spring"), relents funkoïdes par-là ("Imma" répondra à la meilleure question que tous les fans de Bowie ne se sont jamais posée : à quoi ressemblerait "Sound and Vision" s'il avait raconté une histoire de forêt magique ?), montée en puissance space-rock par-là-bas (sur "Astral Meadows", normal), vrais moments de "rock planant" (comme on disait dans le temps) avec l'obsédant "Every Number"... on ne peut pas dire qu'Out of Darkness tombe dans la répétition ou sacrifie la diversité de son répertoire sur l'autel de l'histoire qu'il entend raconter, comme trop de concept-albums parus après les seventies, qui vous donnent toujours cette impression de vouloir intégrer leur inutile chapitrage au marteau-piqueur (certains d'entre nous restent toutes leurs vies des gros bébés essayant d'enfoncer le triangle dans le carré). Les quatorze morceaux sont d'ailleurs extrêmement fluides et ramassés (aucun n'excède les trois minutes cinquante), paraissant trop courts même lorsqu'ils ne le sont pas tant que ça, ce que renforce les utilisations très parcimonieuses de l'électricité comme des voix. En découle ce sentiment que rien n'est laissé au hasard mais que la bride est tenue sans être serrée ; que tous ces morceaux, joués live, pourraient décoller dans les sphères, tout en sachant se tenir lorsqu'ils sont en représentation - particulièrement en face B.

L'exercice du concept-album a ceci de pernicieux qu'il n'est en réalité que cela : un... concept, un support, une inspiration (portée en l'occurrence par les travaux de Wayne Anderson). Les meilleurs représentants du genre ne sont pas ceux dont les histoires sont les plus fortes, mais précisément ceux que l'on peut écouter en ayant strictement rien à secouer de ce qu'ils racontent - le concept, pour l'auditeur, relèvera plus du bonus invisible que de la réelle valeur ajoutée. De ce point de vue, Out of the Darkness est une remarquable réussite, chacune de ses plages amenant quasiment un univers en soi, ou à tout le moins une atmosphère personnelle. Ce n'est peut-être pas tout à fait un hasard si ledit concept, quoique bien stipulé sur la page Bandcamp, ne figure nulle part dans les notes de pochettes du vinyl. Je ne saurais d'ailleurs que trop vous recommander d'investir dans celui-ci tant au-delà de la qualité même de la musique, l'objet est joli, au point qu'on soit presque embêté de devoir finir par le ranger. Heureusement que vous n'aurez pas besoin de le faire avant de longues semaines.



👍👍 Out of the Darkness
oG Musique | 2016


1. J'exagère volontairement, les zamis. N'allez pas me déterrer des articles que j'ai écrits il y a huit ans sur tel ou tel auteur de fantasy.

12 commentaires:

  1. Tu aurais dû parier car je me souviens très bien de ce groupe découvert ici. Je ne savais pas qu'il y avait un nouvel album donc merci ;)

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    1. C'est pas grave, je suis bien content d'avoir eu tort :-)

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  2. Rare que je lise les articles musique mais le visuel m'a intrigué et j'ai bien fait : je trouve ça très sympa. Merci !

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  3. Réponses
    1. Pas sûr que ce soit pour toi mais merci pour le vote de confiance.

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  4. Vraiment très sympa, cet album !

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  5. Sinon il s'est passé quoi avec Interlignou? Ils ont jeté l'éponge ou le site a planté?

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    1. Comme si tu lisais encore Interlignage depuis le départ de Thomas ;-)

      Un peu de sérieux, ce site était mort depuis des années.

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    2. Tss tss tss. Ne sois pas mesquin, J-C.

      MIKA, pour te répondre... je n'en ai aucune idée. Je sais qu'il y a eu un problème technique à un moment, on m'avait contacté pour me demander des identifiants de je ne sais plus quoi, que je n'étais d'ailleurs pas sûr d'avoir. J'ai envoyé tout ce que j'avais (pas grand-chose) et je n'ai eu aucune nouvelle par la suite (ce qui ne m'a malheureusement pas surpris). Le site était revenu en ligne à un moment, sans sa mise en page, puis il a redisparu. Je t'avoue que je ne me suis pas préoccupé plus que ça de ce qui s'était passé, je trouve ça vraiment dommage pour ceux qui s'y sont investis, mais j'imagine après tout que si ç'avait été si vital, ils l'auraient remis en ligne ou cloner ou... bref, ce qu'on a fait pour le CDB quand il est tombé en rade.

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    3. Nulle mesquinerie, juste du réalisme : le site a beaucoup décliné après ton départ. Beaucoup de publi rédactionnel qui ne s'assume pas, beaucoup de sujets in-intéressant. Il y avait toujours quelques belles plumes, mais elles se faisaient plus rares.

      Ce n'est que mon avis.

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